Cour d’appel administrative de Paris, le 5 mars 2025, n°24PA04403

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 5 mars 2025, une décision précisant les modalités de preuve de la résidence habituelle des ressortissants algériens. Un ressortissant algérien, entré régulièrement en France en septembre 2012, sollicite en novembre 2022 la délivrance d’un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale ». L’autorité administrative rejette sa demande le 2 avril 2024 et assortit ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 2 octobre 2024, rejette la demande d’annulation de cet arrêté formée par l’intéressé. Ce dernier interjette appel, soutenant qu’il justifie d’une présence continue de plus de dix ans sur le territoire national au moment de la décision.

La question posée aux juges d’appel réside dans l’appréciation du caractère probant des documents produits pour établir une résidence habituelle et continue sur une décennie. La cour administrative d’appel de Paris considère que la production de relevés bancaires et de titres de transport suffit à démontrer la réalité du séjour prolongé. Elle annule donc le jugement de première instance ainsi que l’arrêté préfectoral, tout en enjoignant à l’administration de délivrer le titre de séjour sollicité. L’analyse de cette solution implique d’étudier la consécration du droit au séjour par la preuve matérielle, avant d’envisager la portée du contrôle exercé sur l’administration.

I. La consécration du droit au séjour par la preuve matérielle de la résidence

A. La reconnaissance d’un faisceau d’indices probants

La cour administrative d’appel de Paris rappelle d’abord les stipulations de l’article 6 de l’accord franco-algérien prévoyant la délivrance de plein droit d’un titre de séjour. Le certificat de résidence est octroyé au ressortissant algérien qui « justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans » sans interruption notable. Pour établir cette présence, le requérant produit son passeport mentionnant une entrée sur le territoire sous couvert d’un visa Schengen dès le mois de septembre 2012. Les juges soulignent également l’importance des « très nombreuses autres pièces produites devant la Cour » afin d’étayer la continuité de cette présence sur le sol français. Parmi ces documents figurent des relevés d’un compte postal ainsi que des justificatifs de chargement d’un titre de transport permettant de suivre l’activité du requérant.

B. La sanction d’une erreur d’appréciation manifeste

L’administration avait estimé, dans son arrêté du 2 avril 2024, que les éléments fournis ne permettaient pas d’établir une résidence continue depuis dix années révolues. Cependant, le juge d’appel relève que le requérant a « résidé de manière continue depuis lors et, en particulier après le 2 avril 2014 », soit la date pivot. En confrontant les pièces du dossier aux exigences conventionnelles, la juridiction administrative identifie une méconnaissance manifeste des stipulations de l’accord bilatéral liant la France et l’Algérie. Cette analyse conduit nécessairement à l’infirmation du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 2 octobre 2024, lequel avait validé la position préfectorale initiale. La constatation de cette erreur de fait entraîne l’annulation de l’ensemble de l’acte administratif contesté, rétablissant ainsi le requérant dans ses droits individuels.

II. L’efficacité du contrôle juridictionnel sur les mesures d’éloignement

A. La primauté des stipulations de l’accord franco-algérien sur le pouvoir discrétionnaire

L’annulation du refus de séjour emporte mécaniquement celle de l’obligation de quitter le territoire français, cette dernière étant privée de sa base légale nécessaire. La cour administrative d’appel de Paris applique rigoureusement le principe selon lequel le droit au séjour, dès lors qu’il est prouvé, s’impose à l’autorité préfectorale. Les juges ne s’arrêtent pas à l’examen des autres moyens de la requête, le motif tiré de la durée de résidence suffisant à justifier l’annulation. Cette approche privilégie une protection effective des droits garantis par les accords internationaux, limitant ainsi la marge d’appréciation dont dispose habituellement l’administration en matière d’étrangers. Le juge exerce ici un plein contrôle sur la qualification juridique des faits, s’assurant que la réalité matérielle de la vie privée prime sur les suspicions administratives.

B. L’exercice impératif du pouvoir d’injonction

La décision commentée illustre l’usage du pouvoir d’injonction conféré au juge administratif pour assurer l’exécution réelle et rapide des annulations prononcées contre l’administration. La cour considère que le motif d’annulation « implique nécessairement que le préfet de police ou le préfet compétent délivre » le certificat de résidence d’un an. Cette injonction est assortie d’un délai de trois mois laissé à l’administration pour régulariser la situation administrative du ressortissant algérien indûment menacé d’éloignement. Si les juges écartent la demande d’astreinte, ils affirment néanmoins la nécessité de délivrer un titre portant la mention « vie privée et familiale » sans nouveau délai inutile. Le versement d’une somme de mille euros au titre des frais d’instance complète cette décision, sanctionnant financièrement l’erreur commise par l’Etat dans l’instruction du dossier.

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Hassan KOHEN
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