La Cour administrative d’appel de Paris, par son arrêt du 7 février 2025, précise l’étendue du pouvoir souverain dont disposent les jurys de concours. Une candidate évincée contestait la délibération fixant la liste des admis, au motif que le jury n’avait pas pourvu l’intégralité des postes ouverts. Le tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande le 9 février 2023, l’intéressée a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Le litige porte principalement sur la régularité formelle du procès-verbal de délibération et sur la faculté pour le jury de limiter le nombre d’admis. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en validant la procédure suivie et l’exercice de l’appréciation souveraine des mérites individuels. Le raisonnement de la Cour s’articule autour de la validité formelle de la délibération et de la conformité du processus de sélection aux principes réglementaires.
I. La validité formelle de la délibération et la consécration du pouvoir souverain du jury
A. L’absence d’obligation d’insertion de la liste des admis au procès-verbal de délibération
La requérante soutenait que le procès-verbal de délibération était illégal car il ne comportait pas directement la liste nominative des candidats déclarés définitivement admis. La Cour administrative d’appel de Paris écarte ce moyen en soulignant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose une telle modalité d’inscription formelle. Les juges relèvent que « la liste d’admission à un concours ne doit pas figurer impérativement sur le procès-verbal de délibération du jury » de manière intrinsèque. La régularité de la procédure est ainsi préservée dès lors que la liste a été régulièrement établie par ordre de mérite et transmise parallèlement. Cette solution protège l’administration contre un formalisme excessif qui ne conditionne pas la réalité de la sélection opérée par les membres du jury.
B. La reconnaissance d’une faculté de limitation des admissions par le jury
Le jury a décidé de ne retenir que cent six candidats alors que cent trente postes étaient initialement ouverts au titre de la session. La Cour confirme qu’un jury peut légalement proposer un nombre d’admis inférieur aux places disponibles s’il estime les mérites des candidats insuffisants. Elle précise qu’aucun principe ne fait obstacle à ce que le jury « propose un nombre de candidats admis inférieur à celui des postes à pourvoir ». Cette prérogative découle directement de l’exercice souverain de l’appréciation des aptitudes requises pour l’accès au corps de la fonction publique concerné. La juridiction refuse ainsi d’imposer un recrutement automatique qui ferait primer le nombre de postes sur l’exigence de qualité des futurs agents publics.
II. La conformité au cadre réglementaire et la permanence des principes d’égalité
A. L’inexistence d’une règle nouvelle entachant la procédure de rétroactivité
La requérante alléguait que le jury aurait institué une moyenne minimale non prévue par les textes, créant ainsi une règle nouvelle à portée rétroactive. Les juges rejettent cette analyse en considérant que la limitation du nombre d’admis ne constitue pas l’édiction d’une norme réglementaire occulte ou imprévue. La Cour affirme que le jury n’a pas « exigé une moyenne minimale non prévue » mais a simplement exercé son pouvoir d’appréciation des résultats obtenus. L’absence de note éliminatoire ou la proximité du score total avec le dernier candidat admis ne sauraient suffire à caractériser une illégalité manifeste. Cette interprétation garantit la stabilité du cadre juridique du concours tout en respectant l’autonomie de décision du jury lors de la phase finale.
B. L’efficacité du contrôle restreint face aux allégations de partialité
Le juge administratif exerce un contrôle limité sur l’appréciation des mérites, ne vérifiant que l’absence de méconnaissance des normes supérieures ou de détournement de pouvoir. Les griefs relatifs à un double contrôle d’identité ou à des interrogations sur les modalités de sélection n’ont pas permis de démontrer une partialité. La Cour souligne qu’il ne ressort d’aucune pièce que le jury a fondé son appréciation sur « des motifs étrangers à ceux tirés des mérites ». L’invocation de diplômes antérieurs ou de notations obtenues lors d’autres sessions reste inopérante pour contester la note attribuée par le jury souverain. La décision confirme ainsi que la légalité s’apprécie au regard des prestations fournies le jour de l’épreuve sans égard pour le parcours antérieur.