La cour administrative d’appel de Toulouse s’est prononcée, par un arrêt rendu le 10 juin 2025, sur les conditions de résiliation d’un contrat de cession. Le litige opposait une collectivité territoriale à une société de production concernant le paiement du solde du prix d’une représentation artistique annulée. À la suite de la crise sanitaire de 2020, la commune a décidé de rompre ses engagements contractuels et a réclamé le remboursement de l’acompte. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette prétention et a fait droit aux conclusions reconventionnelles du producteur en novembre 2023. La collectivité soutient en appel que l’épidémie constituait un cas de force majeure et que la diffusion médiatique du spectacle vénérait le contrat. Le juge doit alors déterminer si l’impossibilité de report est établie afin de justifier l’exonération de responsabilité du cocontractant public. La cour rejette la requête en estimant que l’inexécution procède du seul fait de l’administration face à une absence de preuve d’empêchement définitif. L’étude portera sur l’interprétation stricte de la force majeure avant d’analyser l’obligation de règlement intégral des prestations contractuelles.
I. L’appréciation rigoureuse du caractère irrésistible de l’événement extérieur
A. Le maintien de l’exigence d’une impossibilité absolue d’exécution
Le juge administratif rappelle que la force majeure suppose un événement extérieur, imprévisible dans sa survenance et surtout irrésistible lors de l’exécution contractuelle. Bien que la fermeture des salles soit un événement extérieur, il « ne présentait pas de caractère irrésistible » dans les circonstances de l’espèce. La cour souligne que la commune n’établit pas « l’impossibilité absolue de reporter le spectacle à une date ultérieure en accord avec l’artiste ». La seule difficulté de programmation ne suffit pas à caractériser une barrière insurmontable à l’exécution de la prestation due par le producteur. Cette approche classique protège la stabilité des engagements contractuels face aux aléas extérieurs dont les effets demeurent simplement temporaires ou surmontables.
B. L’écartement d’une définition conventionnelle élargie de la force majeure
La commune prétendait que l’article 9 du contrat offrait une acception plus large de la force majeure que les dispositions du droit commun. Le juge rejette cette interprétation en précisant que les parties n’ont pas « entendu aménager la notion de force majeure » au sens législatif. L’énumération contractuelle des cas de suspension ne dispense pas le juge de vérifier les critères cumulatifs d’imprévisibilité et surtout d’irrésistibilité. La clause prévoyant l’annulation sans indemnité en cas d’épidémie doit donc impérativement se lire à la lumière de l’impossibilité d’exécution. Sans preuve d’un empêchement définitif de la représentation, la qualification de force majeure ne peut être retenue par les magistrats de la cour.
II. L’imputabilité de l’inexécution et ses incidences sur le paiement du prix
A. La qualification de la résiliation comme un fait unilatéral de l’administration
L’inexécution du contrat de cession des droits d’exploitation est ici assimilée par la juridiction d’appel au « seul fait de la commune » requérante. Cette dernière a pris l’initiative de fermer la billetterie avant même les décisions gouvernementales portant sur la fermeture effective des salles de spectacles. La collectivité ne justifie d’ailleurs d’aucun motif d’intérêt général pour mettre fin unilatéralement à la relation contractuelle qui la liait à la société. En refusant les propositions de report formulées par le producteur, la commune a provoqué elle-même la rupture définitive du lien juridique existant. Cette décision souveraine mais injustifiée engage la responsabilité financière pleine de la personne publique envers son cocontractant injustement évincé de la prestation.
B. L’exigibilité du solde du prix malgré la diffusion publique de l’œuvre
La commune invoquait la perte d’objet du contrat en raison de la diffusion massive du spectacle sur des plateformes numériques et des supports télévisuels. Le juge écarte ce moyen car le contrat de cession ne prévoyait aucun « droit d’exclusivité au bénéfice de la commune » pour cette exploitation. L’intérêt d’une représentation vivante n’est pas considéré comme nul du seul fait de sa captation audiovisuelle préalable ou de sa diffusion ultérieure. Par conséquent, la société de production était « fondée à obtenir le règlement du solde du prix de la cession » conformément aux stipulations contractuelles. La commune est ainsi condamnée à verser la somme totale initialement prévue malgré l’absence d’une représentation effective sur son territoire administratif.