La cour administrative d’appel de Toulouse s’est prononcée le 11 février 2025 sur la légalité du retrait d’un agrément pour l’exercice de la profession d’armurier. Un professionnel avait informé les services compétents de la cessation de son activité avant que des investigations ne révèlent la présence d’armes à son domicile. L’autorité préfectorale a alors engagé une procédure contradictoire en vue de retirer l’agrément professionnel, invoquant un stockage non conforme aux exigences de sécurité publique. L’intéressé a sollicité une entrevue pour éclaircir sa situation, mais l’administration n’a donné aucune suite à cette requête avant de prononcer la mesure de retrait. Par un jugement du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d’annulation formée contre l’acte administratif portant retrait de cet agrément. Le requérant soutient en appel que l’absence de réponse à sa demande d’entrevue constitue un vice de procédure méconnaissant les droits fondamentaux de la défense. Le juge doit décider si une demande d’entretien informel oblige l’administration à organiser une audition contradictoire en application du code des relations entre le public. La cour considère que le silence de l’autorité a privé l’administré d’une garantie substantielle, entraînant l’annulation du jugement ainsi que de la décision préfectorale attaquée.
I. L’exigence d’une audition orale lors de la procédure contradictoire
A. La qualification juridique de la demande d’entrevue
La juridiction d’appel examine la portée de la demande formulée par l’administré durant la phase contradictoire précédant l’adoption de la mesure individuelle de police. L’administration soutenait initialement que « la demande d’entrevue ne constituait pas une demande tendant explicitement à l’organisation d’une audition » au sens des dispositions législatives. Le juge administratif adopte une position protectrice en estimant que « la demande (…) tendait bien, eu égard à son contenu, à ce qu’une telle audition soit organisée ». Cette interprétation téléologique privilégie l’intention réelle du requérant sur la précision terminologique employée dans sa correspondance avec les services de la préfecture. Une telle approche renforce l’effectivité du dialogue entre l’autorité publique et les citoyens soumis à des décisions administratives défavorables et contraignantes.
B. L’obligation de respecter le droit à l’expression orale
Le code des relations entre le public et l’administration impose que les décisions devant être motivées soient précédées d’une procédure permettant la présentation d’observations. La cour rappelle avec fermeté que « le respect (…) de la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 122-1 (…) constitue une garantie pour le titulaire de l’agrément ». Cette exigence s’applique dès lors que l’intéressé manifeste expressément son souhait d’être entendu de vive voix par les agents chargés de l’instruction. L’administration ne peut se soustraire à cette obligation que si la demande d’audition présente un caractère manifestement abusif, répétitif ou purement dilatoire. Ainsi, la sollicitation visait légitimement à lever les doutes sur les conditions de sécurité entourant la conservation des armes et des munitions saisies.
II. La sanction de l’irrégularité affectant la procédure de retrait
A. L’existence d’une privation de garantie pour l’administré
Le juge administratif vérifie si le vice de procédure invoqué a exercé une influence sur le sens de la décision ou a privé l’intéressé d’une garantie. La cour constate qu’en « ne faisant pas droit à la demande d’audition présentée (…), la préfète a privé ce dernier d’une garantie » procédurale fondamentale. L’absence d’échange oral empêche le professionnel de fournir des explications directes sur les motifs légitimes justifiant éventuellement le transport d’armes vers son domicile privé. Cette omission constitue une irrégularité substantielle qui ne peut être régularisée par la simple présentation d’observations écrites transmises durant la phase d’enquête administrative. En l’espèce, le respect du principe du contradictoire demeure une condition de validité essentielle pour l’exercice légal des pouvoirs de police spéciale détenus par le préfet.
B. L’annulation contentieuse de l’acte pour vice de procédure
L’irrégularité constatée entraîne l’annulation de l’arrêté préfectoral sans que le juge n’ait besoin d’examiner les autres moyens soulevés par le requérant en appel. La cour censure également le jugement de première instance qui n’avait pas accueilli ce moyen d’ordre procédural présenté pour la première fois devant elle. Par ailleurs, cette solution illustre la rigueur du contrôle exercé sur le respect des formes protectrices des libertés individuelles en matière de retrait de droits professionnels. La décision de justice rétablit ainsi l’agrément de l’armurier tout en rappelant les obligations de transparence pesant sur les autorités administratives lors de l’instruction. Dès lors, l’annulation prononcée sanctionne l’absence de réponse à une demande d’audition qui aurait pu modifier l’appréciation portée sur la dangerosité réelle du stockage constaté.