La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 11 mars 2025, un arrêt précisant l’étendue du contrôle administratif sur la situation familiale des ressortissants étrangers. Une citoyenne vénézuélienne est entrée en France en décembre 2021 et a sollicité un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale en janvier 2022. Elle invoquait une relation stable avec un partenaire de nationalité française, débutée au Venezuela par une union de fait et un bail commun dès février 2020. L’autorité administrative a rejeté sa demande en mai 2022, imposant une obligation de quitter le territoire au motif d’une vie commune insuffisante sur le sol national. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le 17 novembre 2022 dont l’intéressée a interjeté appel. La requérante soutient que l’administration a commis une erreur manifeste en limitant l’appréciation de sa vie commune à la seule durée de son séjour en France métropolitaine. Le juge d’appel devait déterminer si l’autorité administrative peut légalement ignorer le passé commun d’un couple établi à l’étranger lors de l’examen d’une demande de séjour. La juridiction d’appel censure le raisonnement administratif en soulignant que l’absence de prise en compte du passé commun à l’étranger constitue un examen insuffisant de la situation familiale. L’analyse portera sur l’obligation d’une appréciation globale de la vie familiale avant d’aborder les conséquences de cette méconnaissance sur la légalité des mesures d’éloignement.
I. L’exigence d’une appréciation globale de la stabilité des liens familiaux
A. La reconnaissance de la vie commune préexistante à l’entrée sur le territoire
L’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers dispose que l’intensité et la stabilité des liens familiaux doivent être appréciées pour délivrer le titre. L’intéressée produisait des preuves car elle « justifie en outre d’un contrat de bail en leur deux noms » pour une période antérieure à son arrivée en France. Le juge administratif souligne que ces éléments attestent d’une relation ancienne qui ne saurait être ignorée au seul motif que le couple réside désormais sur le sol français. La prise en compte de la trajectoire personnelle complète de l’étranger est indispensable pour mesurer l’atteinte que porterait un refus de séjour à son droit fondamental au respect. Cette approche garantit une application fidèle des principes conventionnels relatifs à la protection de la vie privée et familiale des personnes étrangères souhaitant se maintenir durablement en France.
B. L’illégalité du critère restrictif de la résidence en France
L’administration s’est fondée sur l’absence de communauté de vie de douze mois en France pour justifier le rejet de la demande de la ressortissante de nationalité étrangère. La Cour administrative d’appel de Toulouse censure cette pratique en jugeant qu’il ne faut pas se borner « à apprécier la communauté de vie sur le seul territoire français ». Cette restriction géographique méconnaît la réalité des liens personnels car la relation s’est « nouée, antérieurement à son arrivée en France, au Venezuela » selon les termes de la décision. Une telle erreur de méthode conduit à une vision parcellaire de la situation de l’intéressée et empêche une évaluation correcte de la proportionnalité de la mesure d’éloignement. Le juge exige ainsi que l’autorité administrative examine l’ensemble des pièces produites, indépendamment du lieu où la vie commune a effectivement commencé à se manifester matériellement. La méconnaissance de cette réalité factuelle par l’administration entraîne des conséquences directes sur la validité juridique de l’acte administratif et sur les mesures d’éloignement qui en découlent.
II. La sanction d’un examen insuffisant de la situation personnelle de l’étranger
A. L’annulation du refus de séjour pour défaut d’examen approfondi
L’omission des éléments de vie commune à l’étranger entache la décision d’un défaut d’examen sérieux, ce qui justifie l’annulation totale de l’arrêté portant refus de séjour. Le magistrat administratif considère que l’autorité administrative a manqué à son obligation de vigilance en négligeant des preuves de stabilité familiale pourtant présentes au dossier de l’intéressée. L’annulation de la décision principale entraîne par voie de conséquence la chute de l’obligation de quitter le territoire français ainsi que de la fixation du pays de renvoi. Cette solution jurisprudentielle protège le droit des administrés à voir leur dossier traité avec une attention particulière et exhaustive par les services de l’Etat compétents en matière migratoire. La rigueur du contrôle exercé par la juridiction administrative assure le respect des garanties procédurales essentielles pour l’étranger dont la vie privée est directement en jeu. L’annulation prononcée impose alors à la juridiction de définir les mesures nécessaires pour rétablir la légalité et protéger les droits de la ressortissante de nationalité étrangère.
B. La portée de l’injonction de réexamen de la demande de titre
La juridiction d’appel enjoint à l’autorité administrative de procéder à un nouveau réexamen de la situation de l’intéressée dans un délai de deux mois suivant la notification. Elle ordonne la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour afin de sécuriser la situation administrative de la requérante durant cette phase transitoire de nouvelle instruction. Le juge refuse cependant d’assortir cette injonction d’une astreinte, estimant sans doute que la simple autorité de la chose jugée suffit à garantir l’exécution de la décision. Cette décision rappelle fermement que la légalité d’un refus de séjour dépend de la qualité de l’instruction préalable menée par les services de la préfecture sur chaque cas. Le contentieux des étrangers demeure un terrain privilégié pour le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation commise par les agents de l’administration lors de leurs décisions.