Cour d’appel administrative de Toulouse, le 11 septembre 2025, n°23TL02571

Un ressortissant algérien, entré dans l’espace Schengen par l’Espagne en 2019 sous couvert d’un visa de court séjour, s’est marié en France avec une citoyenne française quelques mois plus tard. Se prévalant de cette union, il a sollicité la délivrance d’un certificat de résidence sur le fondement de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 8 août 2022, la préfète de Tarn-et-Garonne a rejeté sa demande, a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Toulouse, qui a rejeté sa demande par un jugement du 16 février 2023. Il a interjeté appel de ce jugement, soutenant principalement que sa situation justifiait la délivrance du titre de séjour, notamment au regard de son droit au respect de la vie privée et familiale.

Par un arrêt rendu le 11 septembre 2025, la cour administrative d’appel rejette sa requête. Elle était saisie de la question de savoir si un ressortissant algérien, conjoint de Française, qui est entré sur le territoire national depuis un autre État de l’espace Schengen sans y effectuer la déclaration d’entrée requise, peut être regardé comme justifiant d’une entrée régulière au sens de l’accord franco-algérien. La cour répond par la négative, considérant que l’absence de cette formalité rend l’entrée irrégulière et justifie le refus de séjour opposé par l’administration. Elle juge en outre que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé.

La décision commentée confirme une interprétation rigoureuse des conditions de séjour des conjoints de Français (I), dont la portée l’emporte sur l’appréciation de leur situation personnelle (II).

I. L’interprétation stricte de la condition d’entrée régulière

La cour fonde sa décision sur une lecture combinée des textes applicables, réaffirmant le caractère substantiel d’une formalité déclarative (A) et consacrant par là même une conception formaliste de la régularité de l’entrée (B).

A. L’exigence maintenue d’une déclaration d’entrée sur le territoire

La cour rappelle d’abord les termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien, qui subordonne la délivrance de plein droit du certificat de résidence à la condition que « son entrée sur le territoire français ait été régulière ». Elle confronte ensuite cette disposition à l’article 22 de la convention d’application de l’accord de Schengen, qui impose aux étrangers entrés dans l’espace Schengen de déclarer leur présence aux autorités de l’État membre sur le territoire duquel ils pénètrent. Le juge en déduit que « la souscription de la déclaration prévue par l’article 22 de la convention d’application de l’accord de Schengen […] est une condition de la régularité de l’entrée en France ».

Ce raisonnement confirme une jurisprudence constante qui fait de la déclaration d’entrée non pas une simple formalité administrative, mais un élément constitutif de la régularité du séjour initial. La solution est juridiquement fondée, car elle articule la norme spéciale de l’accord bilatéral avec les obligations issues du droit de l’Union européenne relatives à la circulation dans l’espace commun. Elle souligne que la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen ne dispense pas les ressortissants d’États tiers du respect des procédures de contrôle propres à chaque État membre.

B. La preuve de l’entrée régulière à la charge exclusive de l’étranger

Le requérant produisait un visa délivré par les autorités espagnoles, un cachet d’entrée sur le territoire espagnol et un billet de transport nominatif vers la France. Pour la cour, ces documents ne suffisent pas à établir la régularité de l’entrée. Elle énonce que « par ces seuls éléments, [l’intéressé] n’établit pas que son entrée sur le territoire français aurait été déclarée dans les conditions prévues à l’article 22 de la convention d’application de l’accord de Schengen ».

Cette position place la charge de la preuve de l’accomplissement de la formalité exclusivement sur l’étranger. Le juge refuse de déduire la régularité de l’entrée d’un faisceau d’indices concordants qui attestent pourtant d’un parcours effectué en toute transparence. L’argument du requérant, qui invoquait l’absence de modalités pratiques claires pour effectuer cette déclaration, est écarté au motif qu’il n’établit pas l’impossibilité de s’y conformer. Cette approche rigoureuse, si elle assure la sécurité juridique, peut paraître sévère face à des étrangers qui, de bonne foi, peuvent ignorer la nécessité de cette démarche supplémentaire après avoir franchi la frontière extérieure de l’espace Schengen.

La satisfaction de cette exigence procédurale étant dirimante, l’appréciation de la situation de fond de l’intéressé s’en trouve nécessairement affectée.

II. Une appréciation restrictive du droit à la vie privée et familiale

Conséquence de l’irrégularité de l’entrée, l’examen du droit au respect de la vie privée et familiale est conduit de manière mesurée (A), aboutissant à valider une décision qui privilégie manifestement les objectifs de maîtrise des flux migratoires (B).

A. L’examen factuel de l’intensité des liens personnels et familiaux

La cour procède à l’analyse de la situation personnelle du requérant au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle relève que le mariage, bien que légalement établi, « était encore relativement récent à la date de la décision attaquée ». Elle minimise également les éléments relatifs à l’état de santé de l’épouse, jugeant les attestations « peu circonstanciées » et les certificats médicaux postérieurs à la décision préfectorale.

Le juge se livre à une appréciation concrète des liens familiaux, mais en retient une vision restrictive. L’ancienneté de l’union et la dépendance du conjoint français apparaissent comme des critères déterminants, dont la preuve doit être solidement établie. La présence en France d’autres membres de la famille du requérant est également jugée insuffisante pour caractériser une intégration particulière, face à des attaches conservées dans le pays d’origine où il a vécu « la majeure partie de sa vie ».

B. La primauté de la régularisation par la voie consulaire

En définitive, la cour conclut que le refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale. Elle justifie sa position en indiquant que « rien ne s’oppose à ce qu’il retourne en Algérie, le temps d’effectuer les démarches nécessaires à la régularisation de sa situation au regard du séjour ». Cette motivation révèle la portée réelle de l’arrêt : il ne s’agit pas d’une négation du droit à une vie familiale, mais d’un rappel de l’obligation de suivre la procédure légale, qui impose en principe l’obtention d’un visa de long séjour auprès des autorités consulaires dans le pays d’origine.

La décision s’inscrit dans une logique de police administrative où la situation irrégulière initiale de l’étranger constitue un obstacle majeur à la régularisation de son séjour depuis la France, même en qualité de conjoint de Français. L’arrêt confirme ainsi que le droit au séjour n’est pas un droit acquis par le seul fait du mariage, mais reste subordonné au respect scrupuleux des conditions procédurales d’entrée sur le territoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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