Cour d’appel administrative de Toulouse, le 12 juin 2025, n°22TL21896

La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 12 juin 2025, une décision relative au recouvrement de créances issues de prestations de soins hospitaliers. Un ressortissant étranger a bénéficié d’un traitement médical après avoir obtenu indûment l’aide médicale d’État par le biais de fausses déclarations de résidence. L’établissement de santé a émis plusieurs titres de recettes puis a engagé des poursuites par voie de saisies administratives à tiers détenteur en 2020 et 2021. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Montpellier afin d’obtenir l’annulation de ces titres et la décharge de son obligation de payer. Par un jugement du 4 juillet 2022, les premiers juges ont rejeté les conclusions dirigées contre les saisies pour incompétence et le surplus au fond. Le requérant soutient en appel que les créances sont prescrites et que les actes de poursuite ainsi que les titres sont irréguliers en la forme. La juridiction administrative doit déterminer si elle est compétente pour le contentieux du recouvrement forcé et si la contestation des titres demeure recevable. Elle doit également identifier le délai de prescription applicable aux dettes contractées par un usager envers un établissement public de santé de nature hospitalière. La cour confirme l’incompétence administrative pour le recouvrement et rejette les demandes tardives avant de valider le bien-fondé de la créance non prescrite.

I. L’irrecevabilité des conclusions relatives aux actes de poursuite et aux titres tardifs

A. Le déclinatoire de compétence portant sur les mesures de recouvrement forcé

La cour administrative d’appel de Toulouse rappelle avec fermeté la répartition des compétences juridictionnelles en matière de contestation des actes de poursuite pour créances non fiscales. En s’appuyant sur l’article L. 281 du livre des procédures fiscales, elle souligne que les recours relatifs à la régularité formelle du recouvrement échappent au juge administratif. La juridiction énonce que « l’ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé relève de la compétence du juge de l’exécution ». Cette solution s’applique tant pour la régularité en la forme de l’acte que pour les contestations portant sur l’obligation au paiement du débiteur. Le juge administratif ne peut donc connaître des conclusions tendant à l’annulation des avis de saisie administrative à tiers détenteur émis par le comptable public. Le tribunal administratif de Montpellier a ainsi correctement décliné sa compétence au profit de l’ordre judiciaire pour statuer sur la validité de ces actes de poursuite.

B. L’extinction du droit d’agir par l’application d’un délai raisonnable de contestation

La sécurité juridique s’oppose à ce qu’une décision administrative individuelle, même irrégulièrement notifiée, puisse être contestée sans aucune condition de délai par son destinataire. La cour applique ici la jurisprudence limitant l’exercice du recours juridictionnel à un délai raisonnable lorsque les voies et délais de recours n’ont pas été indiqués. S’agissant des titres exécutoires, ce délai « ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre » a été porté à la connaissance du débiteur. En l’espèce, la connaissance acquise de l’existence de deux titres de recettes émis en 2016 est établie par un courriel de l’avocat du requérant. Ce document atteste que l’intéressé avait eu connaissance d’un acte de poursuite afférent à ces créances plus de deux ans avant l’introduction de sa requête. La demande d’annulation est par conséquent tardive et irrecevable en tant qu’elle concerne ces titres de recettes dont la situation est désormais consolidée.

II. La validité du titre de perception et le régime de prescription de la créance

A. La régularité de l’ordre de recouvrer au regard des exigences formelles

Le litige porte ensuite sur la validité d’un titre de recettes émis en janvier 2020 dont la contestation a été introduite dans les délais impartis. Le requérant invoquait une méconnaissance des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à l’identification de l’auteur de l’acte et à sa signature. La cour relève toutefois que le titre litigieux « mentionne les nom, prénom et qualité de la personne qui l’a émis », conformément aux prescriptions législatives. Elle précise que seul le bordereau de titres de recettes doit être signé pour être produit en cas de contestation, et non chaque titre individuel. L’établissement hospitalier ayant justifié de la signature de ce bordereau par son émetteur, le moyen tiré de l’irrégularité formelle de la décision doit être écarté. La décision indique également de manière suffisante les bases de liquidation en précisant la nature de la prestation et la date de dispensation du traitement.

B. Le maintien de l’obligation de payer par l’application du délai de prescription quinquennale

La question de la prescription constitue le cœur de la contestation du bien-fondé de la dette réclamée par l’administration hospitalière pour les soins prodigués. Le requérant prétendait bénéficier de la prescription biennale du code de la sécurité sociale, laquelle est applicable aux créances réclamées aux caisses d’assurance maladie. Le juge écarte cette argumentation en considérant que cette prescription spéciale « n’est pas applicable au présent litige » opposant un établissement de santé à une personne prise en charge. La créance demeure soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil pour les actions mobilières. Le titre ayant été porté à la connaissance du mandataire du débiteur moins de cinq ans après la prestation, la prescription n’était pas acquise. L’indue perception de l’aide médicale d’État justifie enfin que l’établissement réclame le coût du traitement dont le bénéfice ne pouvait être légalement maintenu.

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Hassan KOHEN
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