La Cour administrative d’appel de Toulouse, par une décision du 13 février 2025, apporte une précision majeure sur l’application de l’intérêt supérieur de l’enfant. Une ressortissante étrangère contestait le rejet de sa demande d’annulation d’un arrêté préfectoral portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire. La juridiction de première instance avait initialement validé la décision administrative malgré l’insertion manifeste de la requérante dans une cellule familiale complexe.
La requérante réside en France depuis 2018 et partage la vie d’un résident étranger, père de quatre enfants français issus d’une précédente union. Elle contribue activement à l’éducation de ces mineurs, délaissés par leur mère biologique, tout en élevant sa propre fille née de son union actuelle. L’autorité administrative a toutefois estimé que sa situation ne justifiait pas la délivrance d’un titre de séjour au regard des exigences législatives en vigueur.
Le litige soulève la question de la portée de l’intérêt supérieur de l’enfant face à une mesure d’éloignement touchant un beau-parent investi. La cour d’appel doit déterminer si le rôle éducatif et affectif auprès d’enfants n’ayant pas de lien biologique direct suffit à fonder un droit au séjour. Les juges décident d’annuler l’arrêté contesté en soulignant l’importance déterminante de la présence de l’intéressée pour l’équilibre et la sécurité de l’ensemble de la fratrie.
I. L’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant
A. Une application extensive de la convention internationale
La juridiction administrative rappelle que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » dans toute décision affectant la situation d’un mineur. Cette protection s’applique aux mesures réglant directement sa situation mais aussi à celles l’impactant d’une manière « suffisamment directe et certaine ». L’interprétation retenue par la cour permet d’étendre la garantie conventionnelle à des situations où le lien juridique de filiation fait défaut.
L’autorité préfectorale est tenue d’accorder une attention particulière à la stabilité de l’environnement des enfants lors de l’examen d’une demande de séjour. En l’espèce, la mesure d’éloignement affectait non seulement la fille de la requérante, mais également les quatre mineurs français de son compagnon. La cour consacre ainsi une approche globale de la cellule familiale, privilégiant la réalité des liens vécus sur la seule approche strictement biologique.
B. La reconnaissance d’une implication éducative déterminante
Le dossier révèle que la requérante assure une « image maternelle bienveillante » et s’occupe de la fratrie de manière « adaptée et sécure ». Son investissement a permis l’arrêt d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert grâce à l’apaisement manifeste de la situation familiale globale. Elle soulage quotidiennement son concubin en contribuant activement à l’éducation de ses enfants, dont la mère biologique s’est manifestement désintéressée depuis plusieurs années.
Cette implication est corroborée par des témoignages concordants, soulignant que l’intéressée constitue désormais le pilier affectif central au sein du foyer de son compagnon. Les juges relèvent que « l’apaisement de la situation familiale » est directement lié à la présence constante et protectrice de la requérante auprès des mineurs. Cette constatation factuelle oblige le juge administratif à sanctionner toute mesure risquant de rompre brutalement cet équilibre éducatif indispensable à leur bien-être.
II. L’infirmation d’une appréciation administrative erronée
A. La sanction de l’atteinte portée à la cellule familiale
L’autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne mesurant pas les conséquences réelles de l’éloignement sur l’intérêt des cinq enfants mineurs. La décision administrative portait une atteinte disproportionnée à la stabilité du foyer alors même que l’investissement de la requérante était reconnu par plusieurs magistrats. La cour estime que la préservation de ce lien affectif prévaut sur les irrégularités relatives aux conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire.
L’annulation de l’arrêté se fonde sur la méconnaissance flagrante des stipulations internationales protégeant l’enfance contre les ruptures familiales injustifiées et préjudiciables. La cour souligne que l’administration ne peut ignorer l’impact direct d’une mesure d’éloignement sur des mineurs français dont l’équilibre dépend de la personne visée. Cette sanction rappelle que le pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative reste strictement encadré par le respect des droits fondamentaux des membres de la famille.
B. La portée protectrice de la stabilité des liens affectifs
L’arrêt impose au préfet de délivrer un titre de séjour mentionnant la vie privée et familiale afin de garantir la pérennité du foyer. Cette injonction marque la volonté de la juridiction de protéger durablement une situation humaine dont la valeur sociale et éducative est jugée exemplaire. La solution adoptée renforce la protection des parents de fait dont l’utilité au sein de la société française est ainsi juridiquement valorisée.
Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle visant à faire primer l’intérêt concret des mineurs sur les considérations de police des étrangers. Elle offre une protection accrue aux familles recomposées en reconnaissant que la fonction parentale dépasse largement le cadre étroit des liens de sang. Le juge administratif assure ici une mission de régulation sociale en protégeant les structures familiales stables contre les conséquences mécaniques des lois sur l’immigration.