Cour d’appel administrative de Toulouse, le 13 février 2025, n°23TL02160

La Cour administrative d’appel de Toulouse, dans sa décision rendue le 13 février 2025, examine la régularité procédurale et le bien-fondé d’un refus de séjour. Une ressortissante étrangère sollicite l’annulation d’un arrêté préfectoral lui refusant le droit de demeurer sur le territoire français malgré son mariage avec un résident régulier. Les premiers juges rejettent la requête, conduisant l’intéressée à soutenir que l’instruction aurait dû être rouverte suite au dépôt de mémoires complémentaires après la clôture. La question centrale repose sur l’appréciation des attaches familiales et sur l’articulation entre l’admission exceptionnelle au séjour et la procédure de regroupement familial de droit. La juridiction d’appel écarte les moyens soulevés en confirmant que la décision administrative ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée familiale. L’étude de cette solution permet d’analyser d’abord la gestion de l’instruction par le juge, avant d’aborder la rigueur du contrôle exercé sur le droit au séjour.

I. La maîtrise de la procédure contentieuse par le juge de première instance

A. Les conditions strictes de la réouverture de l’instruction

Le juge administratif dispose d’un pouvoir de direction de l’instruction qui lui permet de décider souverainement de la clôture ou de la réouverture des débats. Selon les dispositions du code de justice administrative, les productions tardives ne sont normalement pas communiquées aux autres parties, sauf si le juge décide de rouvrir l’instance. La Cour administrative d’appel de Toulouse rappelle qu’il « appartient au juge de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ». Cette obligation garantit que l’autorité juridictionnelle n’ignore pas des éléments cruciaux déposés juste avant le délibéré, préservant ainsi les droits de la défense.

Toutefois, la réouverture n’est obligatoire que si la pièce contient un élément de fait ou de droit dont la partie ne pouvait se prévaloir auparavant. Dans cette espèce, le Tribunal administratif de Montpellier du 11 octobre 2022 a visé les mémoires tardifs mais a régulièrement choisi de ne pas rouvrir l’instruction. Les documents produits ne présentaient aucune circonstance nouvelle susceptible d’exercer une influence déterminante sur le jugement définitif de l’affaire portée devant les premiers juges. Cette stabilité procédurale assure la célérité de la justice administrative tout en évitant les manœuvres dilatoires des justiciables à l’approche de la date d’audience.

B. La portée limitée du contrôle de la régularité du jugement en appel

Le juge d’appel n’a pas pour mission de censurer les erreurs d’appréciation du premier juge sous le couvert d’une irrégularité de la forme du jugement. Hormis les cas de méconnaissance des règles de compétence ou de procédure, les griefs relatifs au bien-fondé des motifs doivent être écartés lors de l’examen préliminaire. La requérante invoquait une dénaturation des faits pour contester la régularité de la décision rendue par le Tribunal administratif de Montpellier le 11 octobre 2022. Une telle critique relève exclusivement du fond du droit et ne saurait entraîner l’annulation du jugement pour un vice de forme ou de procédure.

L’effet dévolutif de l’appel impose alors au juge de second degré de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre l’acte administratif contesté initialement. La Cour administrative d’appel de Toulouse délaisse l’examen de la validité interne du raisonnement des premiers juges pour statuer sur la légalité de l’arrêté préfectoral en litige. Ce mécanisme assure une protection juridictionnelle complète en permettant une nouvelle analyse totale des faits et du droit par une formation de jugement supérieure. La transition vers l’examen de la légalité interne du refus de titre de séjour devient alors nécessaire pour vider le contentieux entre l’administration et l’administrée.

II. La légalité du refus de séjour au regard de la situation familiale

A. L’exclusion de l’admission exceptionnelle pour les bénéficiaires du regroupement familial

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit une admission au séjour pour les étrangers disposant de liens personnels intenses. Cependant, ce bénéfice est réservé par l’article L. 423-23 aux personnes n’entrant pas dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial classique. La requérante étant mariée à un ressortissant titulaire d’une carte de résident, elle appartient précisément à cette catégorie d’étrangers pouvant solliciter une venue régulière. Le juge souligne que le préfet peut légalement opposer cette circonstance pour rejeter une demande fondée sur l’admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie familiale.

La circonstance que l’époux ne dispose pas de ressources suffisantes pour garantir le succès d’une telle procédure demeure sans incidence sur l’appartenance à cette catégorie. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions législatives devient donc inopérant puisque l’intéressée n’est pas dans la situation juridique requise pour invoquer ce fondement. Cette solution stricte oblige les étrangers à respecter les voies de droit communes prévues pour l’immigration familiale au lieu de privilégier la régularisation après l’entrée. Le droit au séjour doit alors être exclusivement examiné au regard des stipulations internationales protégeant la vie privée et familiale contre les ingérences disproportionnées.

B. L’appréciation souveraine de l’intensité des attaches privées et familiales en France

L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie privée contre toute mesure arbitraire. Le juge administratif vérifie si le refus de séjour porte une atteinte excessive aux liens personnels au regard des buts de sécurité publique et de contrôle migratoire. Bien que mariée depuis trois ans, l’intéressée ne démontre pas une intensité suffisante de ses relations avec la famille de son époux résidant déjà sur le sol français. La Cour administrative d’appel de Toulouse relève également que la requérante n’apporte pas la preuve d’une résidence habituelle continue et stable depuis son entrée initiale.

Le maintien de liens forts avec le pays d’origine constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’une intégration parfaite justifiant un droit au séjour définitif. La requérante a vécu la majeure partie de sa vie au Gabon où résident encore ses six enfants dont deux sont toujours mineurs au moment des faits. En l’absence de conséquences d’une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, l’arrêté de l’autorité administrative ne peut être regardé comme entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. La décision du Tribunal administratif de Montpellier du 11 octobre 2022 est ainsi confirmée par la juridiction d’appel qui rejette l’ensemble des conclusions de la requête.

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Hassan KOHEN
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