En l’espèce, un ancien étudiant en médecine sollicitait la délivrance d’un diplôme national attestant de la validation de son deuxième cycle d’études, plusieurs décennies après avoir achevé son cursus. Cette demande, initialement rejetée par le doyen de la faculté de médecine, puis par le président de l’université après un recours gracieux, a conduit l’intéressé à saisir la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 10 mars 2023, a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de refus. Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant principalement que des attestations administratives antérieures lui avaient reconnu le bénéfice de cette validation et constituaient des décisions créatrices de droits ne pouvant être retirées tardivement. Il arguait également de divers éléments factuels, tels que des stages ou l’obtention d’autres diplômes, pour établir une présomption de validation de ses études. L’université, pour sa part, opposait que le président se trouvait en situation de compétence liée, la délivrance d’un diplôme national étant subordonnée à la seule délibération d’un jury, laquelle faisait défaut en l’occurrence. Saisie du litige, la cour administrative d’appel était ainsi amenée à se prononcer sur la question de savoir si une autorité universitaire peut légalement refuser la délivrance d’un diplôme national en l’absence de validation formelle des études par un jury, nonobstant l’existence d’attestations ou d’indices tendant à prouver le contraire. Par un arrêt du 15 avril 2025, la cour rejette la requête. Elle juge que le président de l’université était tenu de refuser le diplôme dès lors que les pièces du dossier, notamment les procès-verbaux de jury, ne permettaient pas d’établir la validation de l’ensemble des enseignements requis, les certificats contraires invoqués par le requérant étant jugés erronés et non probants.
La solution retenue réaffirme avec force le principe de la compétence liée de l’administration en matière de délivrance des diplômes nationaux (I), tout en procédant à une appréciation particulièrement stricte des modes de preuve de la réussite universitaire (II).
I. Le rappel de la compétence liée de l’administration universitaire en matière de délivrance des diplômes nationaux
La cour administrative d’appel fonde sa décision sur le cadre juridique strict régissant l’octroi des titres universitaires, lequel repose sur le monopole étatique en la matière (A) et impose, en conséquence, à l’administration de refuser un diplôme lorsque les conditions formelles ne sont pas remplies (B).
A. Le monopole étatique de la collation des grades et le rôle souverain du jury
L’arrêt prend soin de rappeler les dispositions législatives et réglementaires qui gouvernent la délivrance des diplômes nationaux, en particulier les articles de la loi du 26 janvier 1984 et du code de l’éducation. Il en ressort que « l’Etat a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires ». Cette prérogative exclusive implique que les diplômes ne peuvent être délivrés qu’au terme d’une procédure précisément encadrée, destinée à garantir leur valeur et leur uniformité sur l’ensemble du territoire. La décision souligne ainsi le rôle central et exclusif du jury, seul habilité à apprécier « les connaissances et les aptitudes » des étudiants.
Le juge administratif déduit de ce cadre normatif une conséquence procédurale inéluctable pour l’autorité administrative. Il affirme en des termes clairs que « le président de l’université ne peut lui-même délivrer au nom de l’État le diplôme national de formation approfondie en sciences médicales qu’au vu des résultats du contrôle des connaissances et de l’aptitude de l’étudiant ». Cette formulation met en évidence que l’intervention du président n’est pas discrétionnaire ; elle s’inscrit dans un processus où sa seule tâche est de vérifier l’existence d’une décision préalable du jury attestant de la réussite du candidat.
B. L’obligation de refuser le diplôme en l’absence de validation formelle
La cour tire la conséquence logique de cette prérogative du jury en qualifiant la situation du président de l’université de compétence liée. Il ne lui appartient pas « d’apporter une quelconque appréciation sur les mérites de l’étudiant ». Son pouvoir se limite au seul constat de l’accomplissement des conditions légales et réglementaires de diplomation. Si ce constat révèle que l’étudiant n’a pas validé l’ensemble des enseignements requis, comme en l’espèce, l’administration est alors juridiquement contrainte de prendre une décision de refus.
Cette analyse conduit le juge à déclarer inopérants les moyens soulevés par le requérant tenant à l’insuffisance de motivation et au retrait illégal d’une décision créatrice de droits. En effet, lorsque l’administration est en situation de compétence liée, elle n’a d’autre choix que de prendre la décision qui s’impose, et la discussion sur la forme de l’acte ou sur d’éventuels droits acquis devient sans objet. La cour conclut ainsi sans équivoque que « le président de l’université de Montpellier était tenu, au vu de ces seuls éléments, de refuser la délivrance du diplôme de formation approfondie en sciences médicales sollicité ». La solution, rigoureuse, illustre la primauté de la légalité formelle sur toute autre considération.
II. L’appréciation stricte des modes de preuve de la réussite universitaire
Au-delà du principe de compétence liée, l’intérêt de la décision réside dans l’examen minutieux des preuves apportées par le requérant. Le juge opère un tri rigoureux entre les documents, écartant les attestations administratives qu’il juge non probantes (A) et refusant de tirer des conséquences juridiques de simples présomptions de réussite (B).
A. Le rejet des attestations administratives non probantes
Le requérant fondait une part essentielle de son argumentation sur des certificats établis en 2018 par le doyen de la faculté, attestant qu’il avait validé ses études. La cour examine ces documents mais leur dénie toute valeur probante. Elle relève que ces attestations « ont seulement été rédigées au vu » des certificats universitaires « , sans autres précisions » et ne peuvent donc « être regardés comme des documents établissant les résultats obtenus ». Le juge leur oppose les pièces du dossier administratif de l’étudiant et les procès-verbaux de délibérations, qui démontrent que celui-ci n’avait en réalité pas validé tous ses enseignements.
Ce faisant, l’arrêt établit une hiérarchie claire des preuves en matière de réussite universitaire. Les procès-verbaux de jury, qui constituent l’acte juridique originel de validation des connaissances, priment sur tout document administratif ultérieur qui ne ferait que les relater. En qualifiant les certificats invoqués de documents « fondés sur des mentions erronées », la cour refuse de laisser une erreur administrative, même émanant d’une autorité décanale, produire des effets de droit contraires à la réalité juridique telle qu’elle ressort des actes authentiques du jury. Cette position réaffirme que la sécurité juridique ne saurait naître d’un acte matériellement inexact.
B. L’inefficacité des présomptions de validation des études
L’étudiant avançait d’autres éléments pour tenter de démontrer qu’il avait nécessairement validé son deuxième cycle, comme l’accomplissement de stages ou l’obtention d’un diplôme d’université complémentaire dont l’accès était réservé aux médecins. La cour écarte également ces arguments avec la même rigueur. Elle souligne que ces éléments factuels ne sauraient pallier l’absence de la seule preuve pertinente en droit : la délibération favorable du jury.
Concernant le diplôme d’université, le juge rappelle qu’il ne s’agit pas d’un diplôme national conférant un grade universitaire et que les conditions de son obtention ne peuvent suffire à établir la validation d’un cycle d’études distinct. De même, les autres indices factuels sont considérés comme insuffisants pour renverser les constatations issues du dossier de scolarité de l’intéressé. Cette analyse confirme que la preuve de la réussite à un examen ou un concours ne peut être qu’directe et formelle, et ne saurait se déduire d’un faisceau d’indices, aussi concordants soient-ils. La solution, bien que sévère pour le requérant, est ainsi une application orthodoxe des règles régissant le service public de l’enseignement supérieur.