Cour d’appel administrative de Toulouse, le 15 juillet 2025, n°23TL01716

La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 15 juillet 2025, une décision relative à l’indemnisation d’un agent public irrégulièrement évincé de son service. Un chercheur a exercé ses fonctions sous contrats à durée déterminée successifs au sein d’un établissement public de recherche pendant sept années. L’administration a refusé de transformer son engagement en contrat à durée indéterminée, invoquant le non-respect des conditions d’ancienneté prévues par la loi. Cette décision fut annulée par la cour administrative d’appel de Marseille en 2016, mais la proposition de nouveau contrat n’intervint qu’en 2018. L’intéressé a sollicité la condamnation de l’établissement public à réparer les préjudices financiers et moraux résultant de ce refus illégal et du retard d’exécution. Par un jugement du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à sa demande indemnitaire à hauteur de 43 583 euros. Le requérant a relevé appel de ce jugement pour obtenir une revalorisation des sommes allouées, tandis que l’établissement public a formé un appel incident. La question posée aux juges d’appel concernait les modalités de calcul de la réparation intégrale due à un agent dont la carrière a été entravée. La juridiction administrative confirme la responsabilité de la puissance publique tout en précisant les éléments de rémunération devant être intégrés dans la reconstitution théorique de carrière.

I. La caractérisation de la responsabilité et la délimitation temporelle du préjudice

A. L’existence de fautes cumulatives imputables à l’administration

L’engagement de la responsabilité de la puissance publique repose ici sur une double illégalité commise par l’établissement public de recherche à l’égard de son agent. La cour rappelle d’abord que l’annulation définitive du refus de contrat à durée indéterminée par le juge de l’excès de pouvoir constitue une faute. Cette décision initiale privait injustement le chercheur de la stabilité professionnelle à laquelle il pouvait prétendre au regard de son ancienneté de services effectifs. Par ailleurs, les juges soulignent la carence de l’administration dans l’exécution de l’injonction de réintégration prononcée par une précédente instance juridictionnelle de second degré. La cour juge ainsi que « ce retard d’exécution de l’injonction prononcée par la cour administrative d’appel de Marseille constitue également une faute de nature à engager la responsabilité ». Le manquement à l’autorité de la chose jugée renforce ici le droit à réparation de la victime, laquelle est demeurée sans proposition contractuelle durant deux années.

B. La fixation souveraine de la période d’éviction indemnisable

La détermination de la période durant laquelle le préjudice est directement imputable à la faute administrative constitue une étape essentielle du raisonnement de la cour. Le requérant demandait que l’indemnisation couvre l’intégralité de son absence du service, soit jusqu’à sa reprise effective de fonctions en septembre 2019. Les juges considèrent toutefois que la période d’éviction illégale doit être limitée au 30 juin 2018, date suivant immédiatement la proposition formelle de contrat. Le délai supplémentaire sollicité par l’agent pour achever un projet éducatif au sein de l’éducation nationale est regardé comme relevant d’un choix strictement personnel. La cour affirme que cette décision « ne saurait être regardée comme imputable » à l’établissement public, rompant ainsi le lien de causalité pour la période finale. Cette approche restrictive garantit que l’administration ne supporte pas les conséquences financières de circonstances étrangères à son comportement fautif initial ou à sa tardiveté.

II. Les modalités de la réparation intégrale et l’exclusion des dommages incertains

A. La reconstitution de la perte de revenus et des chances de revalorisation

L’indemnisation doit placer le requérant dans la situation financière qui aurait été la sienne si le contrat à durée indéterminée avait été conclu légalement. La cour précise que le calcul doit intégrer non seulement le traitement de base mais aussi les évolutions indiciaires et les revalorisations de la valeur du point. Elle reconnaît au requérant une « chance sérieuse de voir sa rémunération augmenter au taux moyen, à chaque échéance triennale » conformément à la réglementation applicable. Cette solution s’inscrit dans le principe de réparation intégrale, imposant de prendre en compte les primes et augmentations dont l’agent avait une probabilité réelle de bénéficier. Le juge d’appel ordonne ainsi le renvoi de l’intéressé devant l’administration pour que soit liquidée l’indemnité selon ces critères de progression de carrière théorique. Le montant final devra toutefois résulter de la déduction des rémunérations nettes et des allocations de remplacement effectivement perçues par l’agent durant sa période d’éviction.

B. Le rejet des préjudices dépourvus de lien de causalité ou de certitude

Si la cour accorde une indemnité pour les frais de formation engagés et pour le préjudice moral, elle rejette en revanche plusieurs autres chefs de demande. La perte de droits à la retraite est écartée au motif que la reconstitution de carrière implique nécessairement la régularisation rétroactive des cotisations auprès des caisses. De même, le préjudice de carrière résultant d’une perte de chance d’accéder aux fonctions de directeur de recherche n’est pas jugé suffisamment certain par la juridiction. La cour relève qu’aucune condition d’âge n’empêche le chercheur de candidater et que ses mérites scientifiques comparés ne permettent pas de conclure à une promotion automatique. Enfin, les pertes de revenus postérieures à la reprise de fonctions au sein de l’établissement public sont également rejetées faute de lien de causalité. Les juges considèrent que « ces préjudices ne présentent pas de lien de causalité avec les fautes commises » par l’administration lors de l’éviction ou du retard d’exécution.

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Hassan KOHEN
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