L’appréciation de la légalité d’un refus de titre de séjour opposé à un ressortissant étranger constitue un contentieux classique pour le juge administratif, qui doit opérer un contrôle méticuleux des faits et une application rigoureuse des textes applicables. Par un arrêt en date du 16 juillet 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur le cas d’un ressortissant algérien sollicitant un certificat de résidence en France sur le fondement d’une présence de plus de dix ans. L’étranger, entré sur le territoire national en 2001, s’est vu opposer plusieurs refus de séjour avant de formuler une nouvelle demande en 2021, laquelle fut rejetée par l’autorité préfectorale par un arrêté lui faisant également obligation de quitter le territoire français. L’intéressé a saisi le tribunal administratif de Toulouse, qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté. Il a interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que la décision préfectorale était entachée d’un vice de procédure, d’une inexactitude matérielle des faits, d’une méconnaissance des stipulations conventionnelles applicables et d’une erreur manifeste d’appréciation. Le problème de droit soulevé devant la cour consistait donc à déterminer si la preuve d’une résidence habituelle de plus de dix ans peut être écartée au regard du caractère jugé insuffisant des pièces produites, et si, en conséquence de cette appréciation, l’administration est dispensée de saisir pour avis la commission du titre de séjour. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que les éléments fournis par le requérant ne permettent pas d’établir la réalité de sa résidence habituelle en France au sens de l’accord franco-algérien. Elle juge que l’absence de preuve d’une installation durable et la faiblesse des attaches privées et familiales justifient le refus de titre de séjour et que, les conditions de fond n’étant pas remplies, l’administration n’était pas tenue de consulter la commission du titre de séjour. La solution retenue par la cour repose ainsi sur une appréciation stricte de la condition de résidence et de ses justificatifs (I), ce qui entraîne logiquement le rejet des moyens procéduraux et dérivés soulevés par le requérant (II).
I. L’appréciation stricte de la condition de résidence comme fondement du refus
La cour fonde sa décision sur une analyse rigoureuse des éléments de preuve relatifs à la résidence du requérant, en examinant d’une part l’insuffisance des justificatifs matériels (A) et en procédant d’autre part à une mise en balance des intérêts défavorable à l’établissement de l’étranger en France (B).
A. Le contrôle de la continuité et de la diversité des preuves de résidence
Le juge administratif exerce un contrôle approfondi sur les pièces versées au dossier pour attester de la condition de résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, exigée par le 1) de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. En l’espèce, le requérant produisait des factures, des relevés bancaires, des documents médicaux et des billets de transport. La cour observe cependant que ces éléments, jugés « peu diversifiés », ne suffisent pas à démontrer une installation stable et continue sur le territoire. Elle relève spécifiquement l’absence de documents essentiels tels que des quittances de loyer ou des factures d’énergie pour plusieurs années, notamment 2011, 2012, 2014 et 2020. Le juge souligne que les justificatifs avancés ne sont pas de nature à établir « par leur manque de variété et de caractère probant » la résidence habituelle du requérant. Cette approche démontre l’exigence d’un faisceau d’indices concordants et probants, ne se satisfaisant pas d’une simple collection de documents épars qui ne dessineraient pas le tableau d’une vie quotidienne ancrée durablement en France. La critique portant sur l’année 2020, où seuls trois billets de train sont produits, illustre parfaitement cette nécessité d’une preuve couvrant l’ensemble de la période alléguée.
B. La prévalence des impératifs d’ordre public sur la vie privée et familiale
Au-delà de la question de la résidence, le juge se livre à une appréciation concrète de la situation personnelle du requérant au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La cour met en balance le droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale et les objectifs poursuivis par la décision de refus, notamment la maîtrise des flux migratoires. Elle constate que le requérant, divorcé et sans charge de famille, vit en France « de manière précaire et isolée » et n’apporte pas d’éléments permettant de caractériser l’intensité de ses liens privés et familiaux. À l’inverse, la cour relève que ses attaches familiales subsistent dans son pays d’origine, où résident ses deux parents. Dans ces conditions, l’ingérence dans son droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas jugée « disproportionnée aux buts poursuivis ». Cette analyse confirme une jurisprudence constante selon laquelle la seule durée de présence sur le territoire, lorsqu’elle n’est pas accompagnée de l’établissement de liens stables et intenses, ne suffit pas à faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le juge administratif réaffirme ainsi que le droit au séjour n’est pas un corollaire automatique de l’écoulement du temps.
La démonstration par la cour que les conditions de fond pour l’obtention du titre n’étaient pas réunies emporte des conséquences directes sur l’appréciation des autres moyens soulevés par le requérant.
II. Le rejet conséquent des moyens de légalité externe et interne
Le défaut de satisfaction des conditions de résidence et d’intégration conduit la cour à écarter logiquement tant le moyen de légalité externe tiré d’un vice de procédure (A) que les moyens d’illégalité par ricochet affectant les mesures d’éloignement (B).
A. L’interprétation restrictive de l’obligation de saisine de la commission du titre de séjour
Le requérant invoquait un vice de procédure tenant à l’absence de saisine pour avis de la commission du titre de séjour, prévue par l’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La cour rappelle la portée de cette garantie procédurale en s’appuyant sur une lecture stricte du texte. Elle énonce que « le préfet n’est tenu de saisir la commission du titre de séjour […] que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l’ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d’un tel titre ». Or, ayant établi au préalable que le requérant ne justifiait pas de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, la cour en déduit que cette condition de fond n’est pas remplie. Par conséquent, l’autorité préfectorale n’était pas tenue de procéder à cette consultation. Cette solution réaffirme que la saisine de la commission n’est pas une formalité substantielle systématique pour tout refus de séjour, mais une garantie offerte à l’étranger qui, remplissant les critères légaux, se voit néanmoins opposer une décision défavorable. Le raisonnement de la cour neutralise ainsi le moyen procédural en le rendant inopérant du fait de la situation de l’intéressé au regard du droit au séjour.
B. La neutralisation de l’exception d’illégalité des mesures d’éloignement
Le requérant soutenait que la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi étaient illégales par voie de conséquence de l’illégalité de la décision de refus de séjour. Ce mécanisme de l’exception d’illégalité est fréquemment invoqué dans le contentieux des étrangers, où les décisions administratives s’enchaînent logiquement. Cependant, la validité de ce raisonnement est entièrement subordonnée à la reconnaissance de l’illégalité de la décision initiale. La cour, ayant conclu à la légalité du refus de délivrance du certificat de résidence en écartant l’ensemble des moyens soulevés à son encontre, ne peut que constater que le fondement de l’argumentation du requérant s’effondre. Par une application mécanique et rigoureuse, elle écarte donc les moyens dirigés contre l’obligation de quitter le territoire et la décision de renvoi. L’arrêt illustre ainsi la structure en cascade du contentieux de l’éloignement : la solidité juridique du refus de titre de séjour suffit à valider l’ensemble des mesures qui en découlent.