Le juge d’appel des référés de la Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu une ordonnance le 16 septembre 2025. Cette décision porte sur le montant de la provision accordée à une victime d’un accident médical non fautif. L’enjeu juridique principal réside dans la détermination de la date de consolidation de l’état de santé du requérant.
À la suite d’une intervention chirurgicale cardiaque pratiquée en novembre 2018, un patient a été victime de complications graves ouvrant droit à indemnisation. L’organisme chargé de la solidarité nationale a reconnu son obligation de réparer les conséquences de cet accident médical survenu sans faute.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a condamné l’organisme d’indemnisation à verser une provision initiale par une ordonnance du 29 janvier 2025. Le requérant a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Toulouse pour obtenir une réévaluation de cette somme. Il sollicitait l’indemnisation de préjudices définitifs en soutenant que son état de santé était consolidé depuis septembre 2023. L’établissement public d’indemnisation demandait pour sa part la confirmation de la décision de première instance en opposant le défaut de consolidation.
Le problème de droit soumis au juge est de savoir si l’inscription sur une liste d’attente pour une transplantation cardiaque empêche la consolidation juridique. Le juge doit également déterminer si des pertes de gains professionnels peuvent présenter un caractère non sérieusement contestable malgré un arrêt de travail antérieur.
La magistrate rejette la demande de consolidation mais procède à une augmentation substantielle de la provision par l’intégration des pertes de revenus professionnels actuels. L’examen de la décision impose d’étudier l’appréciation rigoureuse du défaut de consolidation (I) avant d’analyser l’extension de la provision aux préjudices patrimoniaux (II).
I. L’appréciation rigoureuse du défaut de consolidation de l’état de santé
Le juge des référés valide l’analyse du premier juge en refusant de fixer une date de consolidation malgré les conclusions d’un rapport d’expertise médicale.
A. Le maintien du patient sur une liste d’attente de transplantation
Pour rejeter la consolidation, la magistrate souligne que « l’intéressé est toujours inscrit sur la liste des patients en attente d’une greffe de cœur ». Cette situation administrative et médicale révèle que l’état de santé n’a pas encore atteint un stade de stabilité définitive. Le requérant ne produit aucun document médical récent attestant qu’il ne serait plus éligible à cette intervention chirurgicale lourde. Le juge considère alors que « c’est à bon droit que la juge des référés de première instance a procédé à l’estimation des seuls préjudices constitués avant consolidation ».
La solution retenue privilégie une approche concrète de l’évolution prévisible du dommage corporel pour évaluer les droits de la victime. Une telle position évite la cristallisation de préjudices dont l’ampleur pourrait être radicalement modifiée par une opération chirurgicale programmée mais non encore réalisée.
B. Une vision restrictive de la stabilisation des séquelles
Le juge refuse de s’écarter du constat de non-consolidation malgré les statistiques de réussite de greffe alléguées par le demandeur au vu de son âge. L’incertitude sur la date de l’intervention et sur ses résultats futurs maintient l’ensemble des préjudices permanents dans le champ de la contestation sérieuse. Cette décision illustre la difficulté d’indemniser les chefs de préjudice viagers lorsque l’état physique demeure susceptible d’une amélioration notable par un traitement ultérieur. Le juge des référés limite ainsi strictement son office à la réparation des troubles temporaires dont l’existence est établie avec un degré suffisant de certitude.
Cette prudence juridictionnelle garantit que le montant de la provision n’excède pas les sommes qui seront définitivement dues après la stabilisation réelle des blessures.
II. L’extension de la provision aux préjudices patrimoniaux temporaires
La décision commentée réforme l’ordonnance de première instance en reconnaissant que certains préjudices financiers n’étaient plus sérieusement contestables lors de l’examen de l’appel.
A. La reconnaissance du lien de causalité pour les pertes professionnelles
Le juge d’appel infirme le raisonnement du tribunal concernant les pertes de gains professionnels actuels subies par le requérant entre 2019 et 2022. Le premier juge avait rejeté cette demande faute de précisions sur les motifs de l’arrêt de travail initial qui avait précédé l’opération. La magistrate d’appel relève que l’arrêt maladie initial « a permis le diagnostic qui a conduit à l’intervention chirurgicale » ayant causé l’accident médical. Les experts s’accordaient sur le fait que la durée normale d’indisponibilité en l’absence de complication n’aurait pas dû excéder une période de soixante jours.
Le juge en déduit que la perte de revenus est « bien en lien direct avec l’accident médical non fautif » subi par le patient hospitalisé. La provision est donc augmentée de plus de soixante-huit mille euros pour couvrir ce manque à gagner professionnel désormais certain.
B. Le rejet des prétentions indemnitaires atteintes d’une contestation sérieuse
Toutes les autres demandes de réévaluation présentées par le requérant au titre des frais de transport ou de l’assistance par tierce personne sont rejetées. Concernant l’aide humaine, le juge note que les rapports d’expertise divergent et que le besoin de surveillance passive demeure insuffisamment documenté par les pièces produites. Pour les préjudices extrapatrimoniaux comme les souffrances endurées, le juge estime que l’intéressé n’apporte aucun élément prouvant l’insuffisance flagrante de la somme déjà allouée. La magistrate rappelle que le montant de la provision s’arrête là où commence la contestation sérieuse sur l’évaluation réelle ou le lien de causalité.
L’ordonnance de la Cour administrative d’appel de Toulouse confirme ainsi l’équilibre nécessaire entre l’indemnisation rapide de la victime et la protection des fonds publics.