Cour d’appel administrative de Toulouse, le 17 juillet 2025, n°23TL01626

La Cour administrative d’appel de Toulouse, par une décision du 17 juillet 2025, statue sur la régularité de l’éviction d’une élue locale de ses fonctions exécutives. Une adjointe a perdu ses délégations après que son compagnon a agressé physiquement et insulté plusieurs membres de la municipalité lors d’une réunion. L’intéressée a ensuite soutenu publiquement ces violences sur les réseaux sociaux, tout en critiquant sévèrement la gestion politique du premier magistrat de sa commune. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête le 9 mai 2023, estimant que la mesure de retrait servait l’intérêt général de l’administration locale. L’appelante conteste ce jugement en affirmant que les motifs invoqués sont étrangers à la bonne marche du service et que sa loyauté n’était pas en cause. Le juge doit déterminer si la rupture du lien de confiance, manifestée par des critiques publiques outrancières, justifie légalement le retrait des délégations d’un élu. Les magistrats rejettent l’appel en considérant que le comportement de l’adjointe nuisait gravement à la cohésion de l’équipe municipale et au fonctionnement régulier des services locaux. Cette solution repose sur l’analyse de la rupture du lien de confiance entre élus tout en soulignant la protection nécessaire de la stabilité du conseil municipal.

I. La caractérisation d’une rupture du lien de confiance entre élus

A. Un pouvoir discrétionnaire limité par l’intérêt du service

L’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales énonce que « le maire est seul chargé de l’administration » mais peut déléguer une partie de ses attributions. Le retrait de ces délégations demeure possible à tout moment, « sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l’administration communale ». Cette mesure discrétionnaire impose au juge de vérifier que l’éviction de l’adjoint ne procède pas d’une intention purement malveillante ou d’un simple conflit de personnes. Dès lors, la juridiction administrative s’assure ainsi que le maintien de l’élue à son poste était devenu incompatible avec la direction efficace des affaires de la collectivité.

B. La sanction de manquements aux devoirs de loyauté et de dignité

La Cour relève que l’appelante a tenu des « propos glorifiant l’acte » violent de son proche, tout en dénigrant le maire par des attaques personnelles répétées. De tels agissements sont jugés « contraires à la loyauté attendue d’une adjointe de la majorité et à l’obligation de dignité à laquelle est astreint tout élu local ». L’argumentation relative à la confidentialité des échanges sur Internet est écartée, car la diffusion des messages touchait un public large composé de nombreux citoyens. La rupture du « nécessaire lien de confiance entre le maire et son adjointe » est donc établie, rendant la décision de retrait parfaitement légale au regard des faits. Ce constat de déloyauté individuelle se double d’une menace pour l’équilibre collectif, laquelle impose une intervention immédiate pour garantir la pérennité de l’action publique.

II. La préservation de la bonne marche de l’administration face aux dissensions politiques

A. La réponse à un climat institutionnel devenu délétère

L’instruction démontre que des tensions préexistaient au sein de l’exécutif, provoquant une ambiance de travail que les autres membres de la municipalité décrivaient comme insupportable. Plusieurs élus avaient d’ailleurs « menacé de démissionner de leurs fonctions » si l’intéressée conservait ses attributions, créant ainsi un risque réel de paralysie pour la commune. L’annonce par l’appelante de son ralliement prochain aux rangs de l’opposition a achevé de démontrer l’impossibilité de poursuivre une collaboration efficace et loyale. Le maire était donc fondé à considérer que cette situation conflictuelle nuisait directement à la gestion quotidienne et à la mise en œuvre des décisions locales.

B. La validation d’un contrôle restreint sur l’éviction politique

L’arrêt confirme que le juge administratif exerce un contrôle sur l’erreur manifeste d’appréciation sans pour autant se substituer à l’autorité politique dans ses choix organisationnels. Les magistrats écartent toute accusation de harcèlement ou d’animosité préalable, privilégiant la sauvegarde de l’intérêt communal sur les considérations individuelles de l’élue évincée. Cette jurisprudence sécurise ainsi le pouvoir de direction du maire, garantissant que l’organe exécutif reste soudé autour d’un projet commun pour le bien des administrés. La décision de la Cour de Toulouse réaffirme que la stabilité des institutions locales prime sur le maintien en fonction d’un élu ayant rompu ses engagements.

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Hassan KOHEN
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