La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 17 juillet 2025, une décision confirmant le refus de séjour opposé à une ressortissante marocaine. Cette dernière sollicitait une admission exceptionnelle au séjour en raison de violences conjugales et de sa présence auprès de sa mère résidant en France.
Le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté sa demande initiale par un jugement en date du 2 janvier 2023, dont elle a interjeté appel. La requérante soutenait que la procédure était irrégulière et que l’arrêté préfectoral méconnaissait ses droits fondamentaux ainsi que les risques encourus au Maroc.
Les juges d’appel devaient déterminer si des violences conjugales alléguées, sans procédure judiciaire effective en France, justifiaient une régularisation pour motifs exceptionnels. La solution retenue confirme la légalité de l’éloignement, en soulignant l’insuffisance des preuves matérielles et la persistance d’attaches familiales dans le pays d’origine.
L’analyse de cette décision conduit à examiner la rigueur de l’admission exceptionnelle au séjour avant d’étudier la validation de la procédure administrative.
**I. La rigueur de l’appréciation des conditions d’admission exceptionnelle au séjour**
**A. L’insuffisance probante des allégations de violences conjugales**
L’admission au séjour pour des considérations humanitaires suppose la démonstration de motifs exceptionnels que l’autorité administrative doit apprécier souverainement sous le contrôle du juge. La requérante invoquait des maltraitances répétées, mais elle n’avait engagé aucune action pénale contre son époux sur le territoire national avant sa demande.
La Cour administrative d’appel de Toulouse estime que « les pièces produites par l’intéressée (…) ne sont toutefois pas suffisantes pour caractériser l’existence de considérations humanitaires ». Le juge relève que la seule déclaration de main courante, sans dépôt de plainte, ne permet pas d’établir la réalité d’un danger actuel.
Cette position illustre une exigence de preuve matérielle forte pour déroger aux conditions habituelles de délivrance des titres de séjour en matière de protection des étrangers. La situation personnelle de l’appelante ne présentait donc pas le caractère exceptionnel requis par les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour.
**B. La prévalence du centre des intérêts familiaux au pays d’origine**
Le respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, nécessite une évaluation globale des attaches. Si la mère de l’intéressée réside en France, le juge souligne que l’appelante a vécu séparée d’elle durant plus de dix années consécutives.
Les magistrats observent également que la requérante n’est pas isolée dans son pays d’origine où demeurent ses deux enfants mineurs ainsi que sa fratrie. Par conséquent, l’arrêté contesté ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale « une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ».
L’insertion sociale et professionnelle est également jugée insuffisante, car la promesse d’embauche produite était postérieure à la décision administrative prise par le représentant de l’État. L’éloignement vers le Maroc apparaît ainsi comme une mesure proportionnée à l’objectif de gestion des flux migratoires et de respect de l’ordre public.
**II. La confirmation de la régularité procédurale et de l’intégrité du droit au séjour**
**A. La validité de la dispense de conclusions du rapporteur public**
La requérante critiquait la régularité du jugement de première instance en raison de l’absence de conclusions du rapporteur public lors de l’audience devant le tribunal. Elle estimait que cette dispense était préjudiciable compte tenu de la complexité particulière des enjeux liés au droit des étrangers en France.
La Cour rejette ce moyen en rappelant que le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public de prononcer ses conclusions à l’audience. Le juge précise qu’il ne peut être utilement soutenu que « les particularités de la demande ne permettaient pas de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions ».
Cette solution conforte la simplification des procédures contentieuses prévue par le code de justice administrative pour certains litiges spécifiques comme le contentieux des étrangers. La légalité de la procédure n’est ainsi pas entachée par l’absence d’un avis oral du rapporteur public si les dispositions textuelles sont respectées.
**B. L’absence de risques avérés de traitements inhumains ou dégradants**
L’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales interdit d’éloigner un étranger vers un pays où il encourt des traitements inhumains. L’appelante craignait pour son intégrité physique au Maroc en raison de la présence possible de son époux violent après sa propre expulsion.
Cependant, la Cour administrative d’appel de Toulouse constate que l’intéressée n’établit pas « l’existence de risques réels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour ». Le juge administratif souligne que la requérante n’a pas sollicité le bénéfice de la protection subsidiaire auprès des autorités compétentes.
Enfin, la possibilité de solliciter la protection des autorités marocaines est mise en avant pour écarter toute méconnaissance des stipulations conventionnelles par l’administration française. La décision d’éloignement est donc validée dans toutes ses dispositions, confirmant ainsi le rejet définitif de la requête formulée par l’intéressée.