La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 17 juillet 2025, précise les conditions de preuve permettant d’écarter une reconnaissance de paternité frauduleuse. Une ressortissante étrangère contestait le refus de titre de séjour opposé par l’autorité préfectorale malgré sa qualité de parent d’un enfant français résidant sur le territoire. L’administration invoquait le caractère frauduleux de la reconnaissance de filiation souscrite par un ressortissant français pour faire échec à la délivrance du titre de séjour sollicité. Le Tribunal administratif de Toulouse avait annulé cet arrêté initial, décision contre laquelle le représentant de l’État a décidé d’interjeter appel devant la juridiction supérieure. Le litige porte sur la charge de la preuve incombant à l’administration lorsqu’elle suspecte une fraude à la loi destinée à obtenir un avantage indu. La cour confirme l’annulation de l’acte administratif car les éléments apportés par le préfet ne permettaient pas de démontrer l’intention frauduleuse des intéressés. Nous examinerons d’abord l’encadrement du contrôle de l’intention frauduleuse par le juge administratif (I), avant d’analyser l’incidence des procédures judiciaires sur la légalité du refus (II).
I. L’encadrement rigoureux du contrôle administratif de la fraude à la filiation
A. Le principe d’opposabilité de la reconnaissance et l’exception de fraude
L’administration doit en principe respecter le lien de filiation légalement établi tant qu’une action en contestation n’a pas abouti devant le juge judiciaire compétent. Toutefois, le juge rappelle qu’il appartient au préfet « de faire échec à cette fraude et de refuser » le titre si la reconnaissance est purement intéressée. Cette prérogative permet de préserver l’ordre public face aux détournements de procédure destinés à faciliter l’obtention de la nationalité ou d’un droit au séjour. L’autorité administrative dispose ainsi d’un pouvoir de qualification juridique des faits pour écarter l’application des dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour.
B. L’exigence d’un faisceau d’indices précis et concordants
La preuve de la fraude repose sur des éléments suffisamment probants que le préfet doit réunir lors de l’examen de la demande de titre de séjour. En l’espèce, la cour estime que « la seule circonstance » d’une absence de vie commune ou de liens réguliers ne suffit pas à caractériser l’intention frauduleuse. Les incohérences relevées lors des auditions séparées n’étaient pas assez majeures pour renverser la présomption de sincérité attachée à l’acte authentique de reconnaissance. Le juge administratif exerce un contrôle de l’erreur d’appréciation pour s’assurer que les indices retenus par l’administration présentent un caractère réellement concordant et sérieux.
II. L’articulation nécessaire entre la légalité administrative et les décisions judiciaires
A. L’insuffisance des indices tirés de procédures judiciaires non définitives
L’administration ne peut valablement se fonder sur un jugement d’annulation de paternité si celui-ci fait l’objet d’un recours suspensif devant une juridiction supérieure. La cour souligne que le jugement civil invoqué par le préfet « n’est pas définitif » et a d’ailleurs été infirmé par l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 1er juillet 2025. L’existence d’une simple saisine du procureur de la République ne constitue pas non plus une preuve suffisante de la fraude au sens du droit administratif. Le préfet commet donc une erreur de droit en se prévalant de décisions juridictionnelles dépourvues de l’autorité de la chose jugée pour motiver son refus.
B. La protection du droit au séjour face à la prééminence de la filiation établie
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse du 17 juillet 2025 sanctuarise le droit au séjour du parent tant que la filiation demeure juridiquement valide. En l’absence d’une démonstration probante de la fraude, l’article L. 423-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers doit recevoir sa pleine application. Le juge administratif protège ainsi la situation de l’étranger contre des suspicions administratives qui ne reposeraient pas sur des faits matériels incontestables et vérifiables. Cette solution impose à l’administration une vigilance accrue dans l’instruction des dossiers pour ne pas porter une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale.