Cour d’appel administrative de Toulouse, le 18 février 2025, n°23TL00971

La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 18 février 2025, un arrêt précisant les critères de qualification juridique d’un accident de service. Une assistante socio-éducative hospitalière avait effectué un signalement pour une situation de danger concernant un enfant mineur hospitalisé dans son service de soins. L’intéressée fut entendue par les services de police avant de solliciter la reconnaissance d’un accident de service pour troubles psychologiques consécutifs à cet épisode. Le directeur de l’établissement de santé refusa de reconnaître l’imputabilité au service de cet évènement, provoquant la saisine de la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Toulouse annula ce refus en considérant que l’état de santé de la requérante présentait un lien direct avec ses fonctions. L’administration contesta ce jugement en faisant valoir que l’audition policière s’était déroulée dans des conditions normales sans constituer un fait accidentel soudain. La question posée à la cour portait sur la possibilité de qualifier d’accident un évènement s’inscrivant dans le prolongement normal de l’activité professionnelle. Les juges d’appel censurent le raisonnement de première instance en affirmant qu’une audition sans violence ne saurait constituer un accident de service caractérisé. Cette décision s’articule autour de la caractérisation matérielle de l’accident (I) et de l’étendue du contrôle opéré sur la légalité de la décision administrative (II).

I. La caractérisation restrictive de la notion matérielle d’accident de service

A. La nécessaire démonstration d’un évènement anormal ou violent

La Cour administrative d’appel de Toulouse rappelle qu’un accident suppose un évènement à date certaine dont résulte une lésion physique ou psychique pour l’agent. Elle précise ainsi que « constitue un accident de service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service ». L’audition par les services de police constituait le prolongement normal du signalement effectué par l’agent dans l’exercice de ses missions sociales. Aucune pièce du dossier ne permet d’établir que cette rencontre se serait déroulée dans des conditions anormales, traumatisantes ou particulièrement violentes. Le simple ressenti subjectif de l’agent ou ses craintes de représailles ne suffisent pas à transformer un acte administratif régulier en fait accidentel. L’absence de circonstance particulière détachant l’évènement de la gestion normale du service interdit de retenir la qualification juridique d’accident de service. Le juge administratif privilégie ici une approche objective des faits sur une interprétation centrée sur la seule vulnérabilité de l’agent public.

B. La primauté de la qualification juridique sur les expertises médicales et paritaires

La solution de la Cour administrative d’appel de Toulouse s’écarte des avis rendus par les experts psychiatres et par la commission de réforme départementale. L’arrêt mentionne que le médecin psychiatre agréé avait initialement considéré l’épisode litigieux comme un véritable accident de travail au sens du droit. De même, la commission de réforme hospitalière avait émis un avis favorable à la reconnaissance de l’imputabilité au service pour cet évènement. La juridiction administrative affirme son autonomie d’appréciation en refusant de se lier par ces constatations techniques ou par ces avis consultatifs paritaires. Elle considère que la qualification d’accident de service demeure une question de droit que le juge doit trancher souverainement au regard des faits. L’erreur d’appréciation retenue par les premiers juges est écartée au profit d’une lecture stricte des dispositions législatives régissant la fonction publique hospitalière. L’analyse de la matérialité de l’accident commande alors de vérifier le respect des règles procédurales entourant la décision de refus.

II. L’encadrement jurisprudentiel de la procédure d’instruction et de motivation

A. L’absence d’obligation de requalification d’office de la pathologie

L’arrêt précise l’étendue des obligations pesant sur l’administration lorsqu’elle est saisie d’une demande de reconnaissance d’imputabilité formulée par un fonctionnaire hospitalier. L’agent avait fondé sa sollicitation sur la notion d’accident survenu à une date précise, excluant la procédure relative aux maladies professionnelles. La cour juge qu’il « n’appartenait pas au centre hospitalier universitaire d’examiner d’office si une pathologie affectant l’intéressée pouvait être reconnue comme imputable au service ». Cette position protège la sécurité juridique des décisions administratives en limitant l’examen de l’administration au seul cadre juridique invoqué par le demandeur. L’employeur public n’est pas tenu de rechercher si une affection psychique chronique pourrait être indemnisée au titre d’une maladie contractée en service. Cette rigueur procédurale impose aux agents une vigilance particulière lors de la rédaction de leurs demandes de prise en charge pour raison de santé.

B. Le contrôle de la régularité formelle et de la motivation de l’acte

La décision de refus prise par le directeur général de l’établissement de santé devait satisfaire aux exigences de motivation imposées par le droit. Les juges vérifient que l’acte administratif comporte l’énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision contestée. L’arrêt souligne que le document visait les textes applicables, le rapport d’encadrement, les conclusions de l’expertise médicale et l’avis de la commission. La mention précisant que l’incident n’était pas occasionné par des conditions particulières tenant à l’activité professionnelle est jugée suffisante par la juridiction. La Cour administrative d’appel de Toulouse estime que les exigences de motivation sont respectées au regard du secret médical protégeant la vie privée. Le rejet final de la requête confirme la légalité de la décision de refus tant sur le fond du droit que sur la forme.

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Hassan KOHEN
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