La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 18 mars 2025, un arrêt relatif à la responsabilité pour défaut d’entretien d’un ouvrage public. Une usagère a chuté dans une excavation située sur le trottoir en sortant d’un cabinet médical, subissant une fracture grave du fémur gauche. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la métropole compétente à indemniser la victime ainsi que la caisse de sécurité sociale. La collectivité publique a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation du jugement ou, à titre subsidiaire, une réduction significative des indemnités allouées. La juridiction d’appel devait déterminer si la présence d’un trou non signalé sur la voirie caractérisait un manquement de l’administration à ses obligations d’entretien. Elle a confirmé la responsabilité exclusive de la métropole tout en procédant à une révision minutieuse du montant des préjudices corporels et matériels. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la caractérisation du défaut d’entretien de l’ouvrage, avant d’examiner la rigueur de l’évaluation des préjudices.
I. La caractérisation du défaut d’entretien normal de la voie publique
A. L’existence d’un danger anormal excédant les obstacles prévisibles
Pour engager la responsabilité du maître de l’ouvrage, l’usager doit prouver le lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage subi lors de l’accident. La collectivité peut s’exonérer en démontrant l’entretien normal de la voie ou en invoquant une faute de la victime ayant contribué à sa chute. En l’espèce, l’ouvrage présentait une excavation d’un mètre de côté et de soixante centimètres de profondeur située au pied d’un angle de mur. Les juges soulignent que « l’excavation en litige […] représentait un obstacle excédant celui auquel un usager de la voie publique peut normalement s’attendre à rencontrer ». La métropole avait d’ailleurs connaissance du péril puisqu’elle avait commandé une grille de protection plusieurs mois avant la survenance du dommage. L’absence de signalisation ou de protection au moment des faits constitue donc un défaut d’entretien normal engageant pleinement la responsabilité de la personne publique.
B. L’exclusion de la faute exonératoire de la victime normalement attentive
La collectivité tentait de s’exonérer en invoquant l’imprudence de la piétonne qui aurait dû, selon elle, éviter cet obstacle parfaitement visible et prévisible. La cour rejette cette argumentation en relevant la localisation spécifique du trou, situé dans un angle droit qui masquait la visibilité pour l’usagère. Les juges affirment que « l’accident est dû à l’absence de signalisation et de protection de l’obstacle et non au comportement imprudent de la victime ». L’administration ne rapporte pas la preuve que la requérante avait une connaissance particulière des lieux lui permettant d’anticiper la présence de cette excavation. La responsabilité de la métropole est donc totale, aucune négligence n’étant retenue contre l’intéressée malgré son âge et les circonstances de son déplacement. Cette solution classique protège l’usager face à des désordres structurels de la voirie qui ne font l’objet d’aucune mesure de prévention.
II. L’encadrement strict de la réparation des préjudices corporels
A. La détermination précise des besoins d’assistance par une tierce personne
La cour administrative d’appel procède à un contrôle rigoureux des conclusions de l’expert judiciaire concernant l’assistance nécessaire à la vie quotidienne de la victime. Elle rappelle que l’indemnisation de la tierce personne se fonde sur les besoins réels sans être liée aux débours effectifs justifiés par l’intéressée. Pour la période postérieure à la consolidation, les juges retiennent une aide non spécialisée de trois heures par semaine sur la base d’un taux horaire. Le montant est fixé « en appliquant un barème de capitalisation de 5,349 correspondant à un âge de 89 ans chez une femme » au jour de la décision. Cette méthode assure une réparation intégrale du préjudice fonctionnel tout en respectant les standards actuels de la capitalisation pour les victimes âgées. La décision réforme ainsi le jugement initial pour ajuster les sommes dues au titre de cette assistance indispensable à l’autonomie de la requérante.
B. L’exigence d’un lien de causalité direct pour les frais divers et matériels
La juridiction rejette les demandes d’indemnisation qui ne présentent pas un lien de causalité suffisamment certain avec la chute survenue sur le domaine public. Concernant le remplacement des prothèses auditives, la cour estime que les preuves fournies ne permettent pas d’établir leur perte ou leur bris durant l’accident. Elle précise que l’attestation produite « se borne à reprendre les dires de [la victime] sur les circonstances de la perte de son appareil » auditif. De même, les frais d’assistance humaine pour l’époux malade sont écartés car ils ne découlent pas directement des blessures subies par l’usagère. Les juges manifestent une vigilance particulière quant à la réalité des frais divers, exigeant des justificatifs précis pour chaque dépense de santé restée à charge. Cette rigueur probatoire limite l’indemnisation aux seules conséquences directes de la fracture fémorale, excluant tout préjudice dont l’imputabilité à l’ouvrage resterait hypothétique.