Par un arrêt en date du 19 juin 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur les conditions de renouvellement du certificat de résidence d’une ressortissante algérienne à la suite du décès de son conjoint français. En l’espèce, une citoyenne algérienne, entrée régulièrement en France en 2021, avait obtenu un premier certificat de résidence d’un an en qualité de conjointe d’un ressortissant français. Son époux ayant été hospitalisé puis étant décédé quelques jours plus tard, au printemps 2022, elle a néanmoins déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour en juin de la même année. Par un arrêté du 24 octobre 2022, l’autorité préfectorale a rejeté sa demande, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination.
La requérante a saisi le tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté sa demande par un jugement du 3 février 2023. Elle a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que la décision préfectorale méconnaissait les stipulations de l’accord franco-algérien relatives au droit au séjour des conjoints de Français ainsi que celles applicables aux salariés, et que l’obligation de quitter le territoire était insuffisamment motivée. La question de droit qui se posait à la cour était donc de savoir si la condition de communauté de vie effective, exigée pour le renouvellement du certificat de résidence d’un ressortissant algérien conjoint de Français, doit être appréciée à la date du dépôt de la demande ou à celle de la décision de l’administration, notamment lorsque le décès du conjoint français est survenu entre ces deux moments.
La cour administrative d’appel a rejeté la requête, jugeant que la condition de communauté de vie n’était plus remplie à la date de l’arrêté préfectoral en raison du décès du conjoint. Elle a par ailleurs écarté les autres moyens comme étant inopérants ou non fondés. En confirmant le refus de renouvellement, la cour applique de manière stricte la condition de communauté de vie en se fondant sur la date de sa propre décision (I), ce qui conduit logiquement au rejet des autres prétentions de la requérante (II).
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I. L’appréciation de la condition de communauté de vie à la date de la décision administrative
La cour administrative d’appel, pour juger de la légalité de l’arrêté préfectoral, a dû se prononcer sur l’interprétation de la notion de communauté de vie effective. Elle a d’abord rappelé la conception extensive de cette notion face à des événements temporaires (A), avant de retenir le décès du conjoint comme une rupture définitive faisant obstacle au renouvellement du titre de séjour (B).
A. La confirmation d’une conception extensive de la communauté de vie
Dans son raisonnement, la cour prend soin de souligner qu’une simple séparation matérielle et involontaire des époux n’emporte pas nécessairement la cessation de la communauté de vie. Elle admet que la requérante « soutient à bon droit que l’hospitalisation temporaire de l’un des époux ne saurait caractériser à elle seule la rupture de la communauté de vie ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante qui distingue la cessation de la vie commune, qui doit résulter d’une volonté de rompre le lien conjugal, des séparations imposées par les circonstances, comme des raisons professionnelles ou de santé.
En validant ce principe, le juge administratif reconnaît que la communauté de vie est avant tout d’ordre intentionnel et affectif, et non purement matériel. Il refuse de faire de l’hospitalisation, même si elle se prolonge, un élément suffisant pour justifier un refus de séjour. Cette approche protectrice des liens familiaux permet d’éviter que des situations de détresse ne soient aggravées par des décisions administratives rigides. Toutefois, cette souplesse d’appréciation trouve sa limite face à un événement qui anéantit par nature le lien matrimonial.
B. La rupture définitive de la communauté de vie par le décès du conjoint
La cour opère une distinction fondamentale entre l’hospitalisation et le décès. Si la première ne rompt pas la communauté de vie, le second y met fin de manière irrévocable. Le point central de l’argumentation du juge réside dans la temporalité de l’appréciation de cette condition. Il est en effet jugé « qu’il est constant que le conjoint (…) est décédé le 3 avril 2022, de sorte qu’à la date de la décision attaquée, la communauté de vie du couple n’était plus effective ».
Cette formule établit clairement que les conditions de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour doivent être remplies à la date à laquelle l’administration statue. Le fait que la communauté de vie existait encore à la date du dépôt de la demande est indifférent. C’est une application d’un principe général du contentieux administratif selon lequel la légalité d’une décision s’apprécie au jour où elle est prise. Dès lors, le décès du conjoint français avant l’édiction de l’arrêté préfectoral constitue un obstacle juridique dirimant, la condition légale de communauté de vie n’étant matériellement plus satisfaite.
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II. La portée d’une solution rigoureuse et le rejet des moyens subsidiaires
L’application stricte du critère de la communauté de vie emporte des conséquences sur la situation de la requérante et illustre une application classique du droit des étrangers (A). Par ailleurs, le rejet par la cour des autres arguments soulevés par la requérante confirme la rigueur procédurale qui encadre ce type de contentieux (B).
A. Une solution rigoureuse, confirmation d’une jurisprudence établie
En retenant la date de la décision administrative pour apprécier la condition de communauté de vie, la cour fait une application orthodoxe des règles de droit public. Cette solution, bien que sévère sur le plan humain, est juridiquement fondée et cohérente avec l’état du droit positif. Elle réaffirme que le droit au séjour du conjoint étranger est un droit dérivé, intimement lié à la persistance du lien matrimonial et de la vie commune. Le décès du conjoint français fait disparaître le fondement même de ce droit.
Cette décision s’inscrit dans une logique de maîtrise des flux migratoires où le législateur et le juge administratif veillent à ce que les titres de séjour ne soient délivrés qu’aux personnes remplissant strictement les conditions prévues par les textes. Bien qu’il existe des dispositions spécifiques pour protéger le droit au séjour du conjoint survivant en cas de violences conjugales ou pour les titulaires d’une carte de résident de longue durée, la situation de l’espèce n’entrait manifestement pas dans ces cas dérogatoires. La décision commentée a donc une portée limitée à son espèce et ne constitue pas un revirement de jurisprudence, mais plutôt une application ferme de principes bien établis.
B. Le rejet logique des moyens inopérants et formels
La cour écarte avec la même rigueur les autres moyens soulevés par la requérante. D’une part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations relatives aux salariés est jugé inopérant. Le juge relève en effet que la demande de la requérante « a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien en qualité de conjoint (…) et non sur le fondement du b) de l’article 7 de cet accord ». Il rappelle ainsi une règle fondamentale du contentieux administratif : l’administration n’a à se prononcer que sur l’objet de la demande dont elle est saisie.
D’autre part, la cour rejette le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’obligation de quitter le territoire français. Elle constate que le refus de séjour est lui-même suffisamment motivé et que, dès lors que la mesure d’éloignement en est la conséquence légale, elle n’exige pas de motivation distincte. Cette approche pragmatique, codifiée à l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, témoigne de la volonté de ne pas imposer un formalisme excessif à l’administration lorsque la logique juridique relie inextricablement deux décisions.