Par une ordonnance rendue le 2 juillet 2025, le président de la Cour administrative d’appel de Toulouse précise les conditions d’utilité d’une expertise médicale en référé. Un adjoint technique, victime d’un accident de service en juin 2021, sollicitait une nouvelle évaluation de ses préjudices personnels après plusieurs rechutes. Le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes avait initialement rejeté cette demande par une ordonnance du 24 janvier 2025. Le requérant contestait le caractère suffisant d’une première expertise réalisée en 2022 alors que son état de santé s’était manifestement aggravé. La question posée au juge d’appel porte sur l’utilité d’une mesure d’instruction nouvelle malgré l’existence d’une évaluation médicale passée. La Cour administrative d’appel de Toulouse annule l’ordonnance de premier ressort et ordonne la mission d’expertise sollicitée par l’agent. Cette décision souligne la nécessité d’une évaluation complète des préjudices avant d’aborder l’articulation de cette mesure avec le litige indemnitaire principal.
I. La reconnaissance de l’utilité d’une nouvelle mesure d’expertise
A. L’insuffisance des constatations médicales antérieures
Le juge administratif subordonne le référé-expertise à une condition d’utilité appréciée souverainement en fonction des éléments déjà disponibles dans le dossier. En l’espèce, une première expertise médicale avait été réalisée le 30 novembre 2022 dans le cadre de la procédure d’accident de service. La juridiction d’appel relève toutefois que « les conséquences dommageables des pathologies décrites n’ont pas été examinées dans toute leur ampleur » lors de ce premier examen. Cette insuffisance technique justifie le recours à une mesure complémentaire afin d’appréhender l’intégralité des dommages réellement subis par l’agent public. L’utilité de la mesure est ici caractérisée par le besoin de chiffrer précisément des préjudices extrapatrimoniaux non encore formellement identifiés. Le juge refuse ainsi de se satisfaire d’une évaluation dont le périmètre médical initial apparaît trop restreint pour le futur litige.
B. La prise en compte de l’évolution de l’état de santé
L’utilité de l’expertise se trouve également renforcée par la survenance d’événements médicaux nouveaux affectant la situation du requérant après la première évaluation. L’ordonnance mentionne que l’état de santé de l’intéressé a connu plusieurs rechutes en lien avec l’accident initial entre 2023 et 2024. Un syndrome anxiodépressif a par ailleurs été diagnostiqué par un psychiatre, constituant une pathologie distincte des lésions physiques initialement constatées. Le juge considère qu’une « expertise contradictoire ordonnée par voie juridictionnelle présente le caractère d’utilité requis par l’article R. 532-1 du code de justice administrative ». Cette solution permet d’ajuster l’évaluation aux réalités pathologiques actuelles pour garantir une juste réparation au bénéfice de la victime. Les rechutes successives rendent caduque la date de consolidation précédemment retenue par le premier praticien désigné par la collectivité.
II. L’articulation de la procédure de référé avec le contentieux indemnitaire
A. L’autonomie du référé-expertise face au recours au fond
Le droit pour un requérant d’obtenir une expertise en référé demeure entier, même si une procédure au principal est déjà engagée. La Cour rappelle qu’il peut être fait application du référé-expertise « alors même qu’une requête aux fins d’indemnisation est en cours d’instruction ». L’existence d’une action au fond n’enlève pas son utilité à la mesure d’instruction si celle-ci aide à éclairer la juridiction. Le requérant avait déjà saisi le tribunal d’un recours indemnitaire et obtenu une provision financière pour son déficit fonctionnel permanent. Cette antériorité procédurale ne saurait cependant faire obstacle à une nouvelle expertise destinée à préciser l’étendue exacte des préjudices personnels. Le juge préserve ainsi l’efficacité des mesures d’instruction rapides face à la durée parfois longue des jugements sur le fond.
B. La détermination de l’étendue de la réparation complémentaire
L’expertise ordonnée par le juge d’appel vise à permettre l’évaluation des préjudices non couverts par le forfait de l’allocation temporaire d’invalidité. Le magistrat se fonde sur le régime de responsabilité sans faute de la collectivité employeur garantissant la réparation intégrale des préjudices personnels. L’expert désigné devra notamment « déterminer le taux et la durée de l’incapacité temporaire » ainsi que les souffrances et le préjudice d’agrément. Ces éléments sont indispensables pour permettre au juge du fond de statuer ultérieurement sur l’indemnisation complémentaire due à l’agent. La décision de la Cour garantit que la victime pourra se prévaloir d’un rapport contradictoire exhaustif lors de la phase finale du procès. L’annulation de l’ordonnance de Nîmes rétablit le droit de l’agent à une preuve technique fiable pour l’ensemble de ses demandes.