Cour d’appel administrative de Toulouse, le 25 mars 2025, n°23TL00086

La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 25 mars 2025, une décision relative au régime juridique des mutations d’office des agents publics territoriaux. La juridiction s’est prononcée sur la distinction entre une simple mesure d’ordre intérieur et une sanction disciplinaire déguisée portant atteinte aux droits d’un agent. Un adjoint technique territorial, bénéficiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, exerçait ses fonctions au sein d’un établissement d’enseignement secondaire. L’autorité territoriale a décidé de modifier son affectation vers un autre lycée de la même ville pour assurer le bon fonctionnement du service public. L’agent a saisi le Tribunal administratif de Toulouse afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté de mutation qu’il considérait comme une sanction injustifiée. Le président de la troisième chambre du tribunal a rejeté la demande par une ordonnance d’irrecevabilité en qualifiant l’acte de mesure d’ordre intérieur. L’intéressé a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Toulouse en invoquant la dégradation de sa santé et le détournement de procédure. La question posée aux juges consistait à déterminer si un changement d’affectation géographique mineur peut constituer un acte faisant grief pour un travailleur handicapé. La Cour administrative d’appel censure l’ordonnance en retenant que la mutation constitue une sanction déguisée prise en méconnaissance des garanties disciplinaires obligatoires. La remise en cause de la qualification de mesure d’ordre intérieur précède l’examen du caractère punitif de la décision administrative imposée à l’agent territorial.

I. La remise en cause de la qualification de mesure d’ordre intérieur

Les mesures d’ordre intérieur constituent des actes de gestion interne qui ne modifient pas de manière substantielle la situation juridique ou matérielle des agents publics. La jurisprudence administrative exclut traditionnellement ces décisions du recours pour excès de pouvoir afin de préserver l’efficacité de l’action des autorités administratives.

A. L’impact significatif sur les conditions matérielles de vie de l’agent

La Cour administrative d’appel de Toulouse relève que la mutation litigieuse a eu « une incidence importante sur ses conditions matérielles de travail ». Le trajet entre le domicile et le lieu d’exercice est passé de six cents mètres à près de trois kilomètres suite à cette décision. Cette modification géographique entraîne une « dégradation des conditions de travail de l’intéressé » malgré le maintien du même cadre d’emploi et de la même rémunération. Les juges considèrent que l’allongement de la distance constitue un grief suffisant pour ouvrir la voie du recours contentieux devant la juridiction compétente.

B. La protection renforcée liée à la situation de handicap

L’agent concerné était titulaire d’une carte mobilité inclusion et bénéficiait d’un aménagement de poste spécifique validé par le médecin du travail compétent. La Cour souligne que l’état de santé du requérant imposait « une proximité maximale du lieu de travail et de son domicile » selon les prescriptions médicales. Le non-respect de cette contrainte thérapeutique transforme une décision de gestion courante en un acte faisant grief susceptible d’être annulé par le juge. La vulnérabilité particulière de l’agent impose ainsi une interprétation stricte des critères de recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière de mutation.

La reconnaissance du caractère décisoire de l’acte permet alors à la juridiction d’apprécier la légalité interne de la décision au regard des faits reprochés.

II. La censure d’une mutation constitutive d’une sanction déguisée

Une mutation d’office revêt un caractère disciplinaire lorsqu’elle résulte d’une volonté de punir l’agent tout en entraînant une dégradation réelle de sa situation professionnelle. La Cour administrative d’appel identifie un détournement de pouvoir à travers l’analyse des pièces produites durant l’instruction contradictoire de l’affaire portée devant elle.

A. La preuve de l’intention punitive de l’autorité administrative

L’autorité territoriale justifiait la mesure par la dégradation de l’ambiance de travail et la nécessité de restaurer la cohésion au sein de l’équipe technique. Le dossier révèle toutefois que le supérieur hiérarchique direct avait formellement sollicité la « mise en œuvre d’une procédure disciplinaire » quelques semaines auparavant. Les juges estiment que la volonté de réaffecter l’agent procédait de l’intention d’écarter le fonctionnaire en raison de la « réitération d’un comportement fautif » supposé. L’objectif répressif de l’administration l’emporte donc sur les motifs d’intérêt général initialement avancés pour justifier ce changement brutal d’affectation géographique.

B. Le rétablissement nécessaire des garanties de la procédure disciplinaire

La qualification de sanction déguisée entraîne l’annulation de l’acte pour vice de procédure car l’agent n’a pu bénéficier d’aucune protection légale préalable. La décision précise que l’arrêté constitue une « sanction disciplinaire déguisée le privant par là même des garanties attachées à la procédure » de défense du fonctionnaire. L’absence de consultation du conseil de discipline entache la régularité de la décision et justifie son éviction immédiate de l’ordonnancement juridique interne. La Cour ordonne finalement la réaffectation de l’intéressé sur son poste aménagé d’origine dans un délai strict de deux mois suivant l’arrêt.

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Hassan KOHEN
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