La Cour administrative d’appel de Toulouse, le 26 décembre 2024, a statué sur la légalité d’un refus de titre de séjour opposé à un ressortissant étranger. L’intéressé, de nationalité vénézuélienne, est entré sur le territoire national en 2017 sous couvert d’un visa de long séjour portant la mention étudiant. Après avoir bénéficié de titres de séjour temporaires, il a tenté un changement de statut en qualité de salarié auprès d’une autorité préfectorale distincte. Sa demande initiale ayant été classée sans suite pour incomplétude, il a formulé une nouvelle requête qui a fait l’objet d’un refus le 3 mai 2022.
Le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 27 décembre 2022 dont l’appelant soutient qu’il est insuffisamment motivé. Le requérant invoque également l’illégalité, par voie d’exception, du classement sans suite de sa première demande ainsi que la méconnaissance des dispositions législatives. Le litige porte sur l’articulation entre des procédures administratives successives et sur les critères d’admission exceptionnelle au séjour prévue par le code de l’entrée et du séjour.
La juridiction d’appel écarte l’ensemble des moyens soulevés en confirmant la régularité du jugement attaqué ainsi que le bien-fondé de la décision administrative contestée. Elle considère que l’illégalité d’un acte antérieur ne peut être utilement invoquée que si la décision finale a été prise pour son application. L’étude de cette décision impose d’analyser la délimitation du champ de l’exception d’illégalité procédurale, avant d’envisager la confirmation d’une vision stricte de l’admission exceptionnelle au séjour.
I. La délimitation du champ de l’exception d’illégalité procédurale
La Cour administrative d’appel de Toulouse rappelle avec précision les conditions de recevabilité des moyens tirés de l’illégalité d’un acte administratif antérieur par voie d’exception.
A. La nécessaire démonstration d’un lien d’application entre les actes
Pour qu’un administré puisse invoquer l’illégalité d’une décision précédente, il doit démontrer que l’acte attaqué constitue la base légale du premier. La jurisprudence administrative exige systématiquement que la décision ultérieure ait été prise pour l’application de l’acte dont l’illégalité est invoquée devant le juge. L’arrêt souligne que « l’illégalité d’un acte administratif ne peut être utilement invoquée par voie d’exception que si cette dernière décision a été prise pour l’application du premier ». Cette règle garantit la sécurité juridique en limitant les contestations aux seuls actes qui s’inscrivent dans une même opération administrative complexe.
En l’espèce, le refus de titre de séjour opposé par l’autorité préfectorale ne se fondait pas sur la procédure antérieurement menée dans un autre département. La cour constate que « cet arrêté n’avait pas été pris pour l’application de ce classement » et ne constituait pas davantage son fondement juridique propre. Les juges du fond confirment que l’incomplétude d’un dossier déposé ailleurs ne lie pas l’administration lorsqu’elle statue sur une nouvelle demande autonome.
B. L’indépendance de la décision finale face au classement sans suite
Le classement sans suite d’une demande de titre de séjour pour motif d’incomplétude est une mesure qui clôt une procédure spécifique sans statuer au fond. La juridiction administrative considère que ce type d’acte ne fait pas grief à une décision de refus ultérieure si cette dernière repose sur d’autres motifs. Le requérant ne peut pas se prévaloir des irrégularités éventuelles commises lors de l’instruction de son premier dossier de demande de titre de séjour.
L’arrêt précise que le moyen tiré de l’illégalité de ce classement sans suite est inopérant puisque le préfet a statué sur une base légale distincte. La décision du 3 mai 2022 comporte l’énoncé clair des considérations de droit et de fait, remplissant ainsi les exigences de motivation suffisante prescrites. Cette autonomie procédurale permet à l’autorité préfectorale d’évaluer la situation actuelle de l’étranger sans être entravée par les vicissitudes des démarches administratives passées.
II. La confirmation d’une vision stricte de l’admission exceptionnelle au séjour
Au-delà des questions de procédure, l’arrêt aborde les critères de fond permettant la délivrance d’un titre de séjour pour des considérations humanitaires ou exceptionnelles.
A. La primauté de la qualification sur l’expérience professionnelle simple
L’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers permet la régularisation de ressortissants dont l’admission répond à des motifs impérieux. Le requérant faisait valoir une présence continue depuis plusieurs années ainsi qu’une expérience professionnelle significative acquise dans le secteur de la restauration française. Il justifiait également d’une promesse d’embauche ferme en qualité d’employé polyvalent saisonnier, espérant ainsi démontrer une insertion économique réelle et durable.
Cependant, la cour administrative estime que « ces éléments ne sauraient, à eux seuls, révéler l’existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels » au sens législatif. Elle relève particulièrement que « l’intéressé ne justifie pas de diplômes et de qualifications dans le domaine de la restauration » malgré son parcours professionnel effectif. L’absence de certification professionnelle semble primer ici sur la simple ancienneté de l’activité exercée sous couvert de précédents titres de séjour.
B. L’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences du refus
Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration lorsqu’elle refuse une admission exceptionnelle au séjour prévue par la loi. La juridiction vérifie seulement que le préfet n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant la situation personnelle et familiale de l’étranger concerné. Dans cette affaire, l’entrée régulière et la formation suivie en français ne suffisent pas à caractériser une situation d’exceptionnalité justifiant une dérogation.
L’arrêt conclut que la décision attaquée n’est pas « entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle » du ressortissant étranger. L’obligation de quitter le territoire français est maintenue puisque la base légale relative au séjour est confirmée comme étant parfaitement régulière et motivée. La requête est rejetée, confirmant la rigueur des conditions d’application de l’admission exceptionnelle au séjour pour les travailleurs étrangers.