Cour d’appel administrative de Toulouse, le 28 janvier 2025, n°23TL02748

Par un arrêt en date du 28 janvier 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur les conditions d’obtention d’un certificat de résidence pour une ressortissante algérienne. En l’espèce, une citoyenne de nationalité algérienne, déclarant être entrée sur le territoire français en 2010, a sollicité en 2022 la délivrance d’un titre de séjour en raison de ses liens privés et familiaux. Le préfet compétent a opposé un refus à sa demande, assorti d’une obligation de quitter le territoire français. La requérante a alors saisi le tribunal administratif, qui a rejeté son recours par un jugement du 15 décembre 2022. C’est dans ce contexte qu’elle a interjeté appel de cette décision, soutenant que le refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l’accord franco-algérien ainsi que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle arguait notamment remplir la condition de résidence de plus de dix ans et subir une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Se posait donc la question de savoir si des preuves de présence sur le territoire, constituées majoritairement de documents médicaux et d’attestations amicales, étaient suffisantes pour caractériser à la fois une résidence habituelle et l’existence de liens privés et familiaux intenses justifiant la délivrance d’un titre de séjour. La cour administrative d’appel a répondu par la négative, estimant que « ces éléments, qui sont pour la plupart en lien avec sa prise en charge médicale en France (…) ne sont pas de nature à établir, par leur manque de variété et leur caractère probant, la résidence habituelle » de l’intéressée en France. Elle a par conséquent rejeté la requête, confirmant ainsi le jugement de première instance.

La solution retenue par la cour administrative d’appel s’inscrit dans une application classique et rigoureuse des critères d’admission au séjour. Elle illustre l’examen strict auquel se livrent les juridictions administratives concernant les preuves de résidence et d’intégration (I), réaffirmant ainsi la marge d’appréciation laissée à l’autorité préfectorale dans ce domaine (II).

I. L’appréciation stricte des conditions de délivrance du titre de séjour

Le juge administratif, pour évaluer le droit au séjour de la requérante, a procédé à une double analyse factuelle. Il a d’abord examiné de manière exigeante la preuve de la résidence habituelle sur le territoire (A), avant de se livrer à une évaluation concrète de l’intensité des liens privés et familiaux invoqués (B).

A. La vérification rigoureuse de la condition de résidence habituelle décennale

La cour a examiné le premier fondement de la demande, à savoir le droit de plein droit au certificat de résidence prévu par l’article 6, paragraphe 1, de l’accord franco-algérien pour les ressortissants justifiant d’une résidence de plus de dix ans. Pour ce faire, elle a procédé à une analyse minutieuse des pièces fournies par l’appelante. La décision souligne que les justificatifs produits, tels que des documents liés à l’aide médicale d’État, des courriers d’assurance maladie ou des relevés bancaires, ne suffisent pas à eux seuls. Le juge relève en effet qu’ils sont dépourvus de « quittance de loyer, aucune facture ou autres pièces de nature à établir son installation durable sur le territoire français, notamment pour des activités socio-professionnelles ». Cette motivation met en lumière l’exigence jurisprudentielle d’une preuve non seulement continue mais également variée, témoignant d’une réelle intégration dans la société. L’absence de documents probants pour une année entière, en l’occurrence 2014, a constitué un élément déterminant dans le raisonnement de la cour pour écarter la continuité de la résidence. Cette approche confirme que la simple présence matérielle, même sur une longue durée, ne saurait se confondre avec la notion de résidence habituelle, laquelle suppose l’établissement du centre des intérêts privés et familiaux.

B. L’évaluation concrète de l’intensité des liens privés et familiaux

La cour a ensuite examiné la situation de la requérante au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et du paragraphe 5 de l’article 6 de l’accord franco-algérien, qui protègent le droit au respect de la vie privée et familiale. Le juge a opéré une balance des intérêts, pesant d’un côté la solidité des liens de l’appelante en France et de l’autre les impératifs de la politique migratoire. La décision retient que l’intéressée, célibataire et sans enfant, n’a pas démontré l’existence de liens personnels suffisamment forts en France, malgré la durée de sa présence. La production d’une simple attestation d’hébergement de sa sœur a été jugée insuffisante. De surcroît, la cour a relevé qu’elle « ne démontre pas être totalement dépourvue d’attaches familiales » dans son pays d’origine, qu’elle a quitté à l’âge de trente-huit ans. Concernant l’allégation d’une relation de couple avec un ressortissant français, le juge a constaté qu’elle ne produisait « aucun justificatif, même anonymisé, quant à la réalité de la communauté de vie ». En conséquence, la cour a conclu que le refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Cette application rigoureuse des conditions de fond relatives au séjour s’accompagne logiquement de la validation de la décision préfectorale sur le terrain du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

II. La réaffirmation de la marge d’appréciation de l’autorité administrative

En confirmant la décision du préfet, la cour administrative d’appel rappelle les limites de son contrôle juridictionnel. Elle valide une décision qui relève du pouvoir d’appréciation de l’administration (A), tout en livrant une solution dont la portée est avant tout pédagogique pour les futurs demandeurs de titres de séjour (B).

A. La confirmation d’un contrôle restreint sur l’appréciation préfectorale

La requérante invoquait une erreur manifeste d’appréciation, tant pour le refus de titre que pour l’obligation de quitter le territoire. Ce moyen invite le juge à vérifier si l’administration n’a pas commis une erreur grossière dans l’évaluation des faits de l’espèce. En écartant ce grief « pour les mêmes motifs » que ceux ayant conduit à rejeter les violations des textes conventionnels, la cour signifie que l’appréciation du préfet n’était entachée d’aucune illégalité flagrante. Le raisonnement de la cour démontre que le préfet disposait d’éléments suffisants pour considérer que la situation de l’intéressée ne justifiait pas la délivrance d’un titre de séjour. Le juge ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l’administration ; il s’assure seulement que celle-ci n’est pas manifestement erronée au vu des pièces du dossier. L’arrêt confirme ainsi que, dès lors que l’examen de la situation personnelle a été effectué sans erreur de droit et sur la base de faits matériellement exacts, le choix de l’administration de refuser le séjour relève de sa marge d’appréciation, que le juge ne censure qu’en cas d’excès manifeste.

B. La portée pédagogique d’une solution fondée sur l’insuffisance probatoire

Cet arrêt, bien qu’il s’agisse d’une décision d’espèce dont la solution est étroitement liée aux faits, revêt une portée instructive. Il rappelle avec clarté la charge de la preuve qui pèse sur le demandeur de titre de séjour. La motivation détaillée de la cour sur la nature des preuves attendues agit comme un guide pratique : la démonstration d’une installation durable et de liens réels ne peut reposer sur des documents univoques ou ne traduisant qu’un aspect de la vie de la personne, tel que son suivi médical. L’exigence de « variété » et de « caractère probant » des pièces est un message clair adressé aux administrés. La décision illustre que la constitution d’un dossier de demande de régularisation doit être préparée avec soin, en rassemblant des preuves tangibles et diversifiées couvrant l’ensemble de la période de résidence alléguée. Ainsi, la portée de cet arrêt n’est pas de créer une nouvelle règle de droit, mais de réaffirmer avec force une exigence constante en droit des étrangers, servant de rappel pragmatique des standards de preuve requis pour l’obtention d’un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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