La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 28 janvier 2025, un arrêt relatif à la légalité d’un refus de séjour assorti d’une mesure d’éloignement. Un ressortissant étranger, entré régulièrement sous couvert d’un visa de travailleur saisonnier, a sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture de l’Hérault. L’administration a rejeté sa demande le 22 mai 2023, décision dont l’annulation a été refusée par le tribunal administratif de Montpellier le 28 novembre 2023. Le requérant soutient que l’autorité préfectorale a irrégulièrement consulté des pièces de procédure pénale sans obtenir l’autorisation préalable du procureur de la République. Il invoque également une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de sa situation personnelle. Le litige porte sur l’incidence d’une irrégularité procédurale commise sans influence sur le sens de la décision et sur la portée d’éléments de fait postérieurs. La juridiction d’appel écarte l’ensemble des moyens en considérant que le préfet ne s’est pas fondé sur les éléments pénaux litigieux pour motiver son acte.
**I. L’exigence relative de régularité dans la communication des pièces de procédure pénale**
La Cour administrative d’appel écarte le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de procédure pénale relatives à la délivrance des actes aux tiers.
**A. L’inopérance du moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 170 du code de procédure pénale**
Le requérant prétendait que l’autorité administrative avait pris connaissance d’un procès-verbal d’audition sans obtenir l’autorisation préalable requise par les textes en vigueur. L’article R. 170 du code de procédure pénale prévoit que les copies d’actes pénaux « ne sont délivrées aux tiers qu’avec l’autorisation préalable du procureur de la République ». Les juges d’appel soulignent néanmoins que la décision préfectorale ne se fonde pas sur les éléments de la procédure pénale recueillis à la suite d’une plainte. Cette solution confirme que l’irrégularité dans l’obtention d’un document est sans incidence sur la légalité de l’acte si ce dernier n’en constitue pas le fondement.
**B. La neutralité des éléments de fait issus de la plainte pénale sur le sens de la décision**
Le préfet avait simplement mentionné l’existence d’une plainte pour usurpation d’identité sans pour autant motiver son refus de séjour par les constatations des services de police. La Cour précise que les éléments de procédure pénale litigieux « ne sont même pas visés dans la décision » contestée par le ressortissant étranger devant la juridiction. L’absence de lien de causalité entre l’information pénale et le sens de l’arrêté préfectoral interdit ainsi l’annulation de la décision pour ce motif purement procédural. Cette approche pragmatique limite la portée des règles de communication des pièces pénales aux seuls cas où elles influencent réellement le sens de l’action administrative.
**II. La stricte appréciation de l’intensité des attaches privées et familiales sur le territoire**
Le juge administratif contrôle l’adéquation de la mesure d’éloignement à la situation personnelle de l’étranger au regard des stipulations de la convention européenne des droits de l’homme.
**A. L’insuffisance des liens personnels caractérisée par la brièveté du séjour**
La Cour observe que l’intéressé séjournait sur le territoire national depuis seulement deux mois à la date de la décision de refus attaquée par le requérant. Il ne ressortait d’aucune pièce du dossier que l’intéressé avait noué des liens « revêtant un caractère intense et stable » durant ce très court intervalle de temps. L’existence d’une promesse d’embauche ne suffit pas à caractériser une insertion sociale dont la rupture porterait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par la convention. La solution rappelle que le droit au séjour pour motifs personnels nécessite une sédentarisation durable que quelques semaines de présence ne peuvent suffire à établir légalement.
**B. L’indifférence des circonstances de fait postérieures à l’édiction de l’acte administratif**
Le requérant tentait de se prévaloir d’un pacte civil de solidarité conclu avec une ressortissante française quelques mois après l’intervention de l’arrêté préfectoral en litige. La Cour rejette cet argument en soulignant que la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date de sa signature par l’autorité administrative compétente. Le pacte ayant été signé « postérieurement à la décision attaquée », il ne peut utilement remettre en cause l’appréciation portée par le préfet sur la situation familiale. Cette décision réaffirme un principe classique du contentieux de l’excès de pouvoir tout en maintenant une application rigoureuse des critères de délivrance des titres.