Par un arrêt en date du 30 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse se prononce sur le refus de délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant algérien. En l’espèce, un citoyen algérien est entré régulièrement en France sous couvert d’un visa de court séjour puis s’est maintenu sur le territoire après l’expiration de ce dernier. Il a par la suite noué des attaches familiales en France, notamment par son mariage avec une ressortissante marocaine titulaire d’une carte de résident, la naissance d’un enfant de cette union et la présence au foyer de deux enfants de son épouse, de nationalité française. Se prévalant de ces liens et de perspectives d’insertion professionnelle, l’intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. L’autorité préfectorale a rejeté sa demande par une décision du 28 mars 2022. Saisi par le requérant, le tribunal administratif de Toulouse a confirmé cette décision par un jugement du 28 septembre 2023. L’étranger a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que le refus de séjour était entaché de plusieurs illégalités, notamment la méconnaissance de son droit au respect de la vie privée et familiale et une erreur d’appréciation. Il convenait donc pour la cour de déterminer si le refus d’admission au séjour opposé à un ressortissant algérien, dont la situation est devenue irrégulière mais qui a constitué en France le centre de ses attaches familiales, caractérise une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie privée et familiale ou une erreur manifeste dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que le cadre juridique spécifique de l’accord franco-algérien prime sur le droit commun et que l’autorité préfectorale n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ni porté une atteinte excessive aux droits familiaux de l’intéressé. La juridiction d’appel fonde sa décision sur une application rigoureuse du cadre juridique spécifique applicable aux ressortissants algériens (I), tout en exerçant un contrôle restreint sur l’appréciation portée par l’autorité préfectorale (II).
I. L’application rigoureuse d’un cadre juridique dérogatoire
La cour administrative d’appel rappelle avec fermeté la spécificité du régime applicable aux ressortissants algériens, ce qui conduit d’une part à l’exclusion des dispositions de droit commun (A) et d’autre part à la subordination de la délivrance d’un titre de séjour à la régularité de l’entrée sur le territoire (B).
A. L’exclusion des dispositions de droit commun au profit de l’accord franco-algérien
L’arrêt illustre le principe selon lequel l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 constitue un régime complet et exclusif pour le séjour des ressortissants algériens en France. Le requérant invoquait notamment le bénéfice de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui prévoit une procédure d’admission exceptionnelle au séjour pour des motifs humanitaires ou exceptionnels. La cour écarte ce moyen en des termes dénués d’ambiguïté, rappelant qu’un ressortissant algérien « ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l’appui d’une demande d’admission au séjour sur le territoire national ».
Cette solution, constante en jurisprudence, réaffirme que les stipulations de l’accord prévalent sur les dispositions générales du code précité. En effet, la cour précise que l’accord « régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ». L’existence de ce texte spécial empêche toute application supplétive du droit commun, même dans des cas où ce dernier pourrait sembler plus favorable ou mieux adapté à une situation individuelle particulière. La cour ne fait ici que confirmer une hiérarchie des normes bien établie, qui place l’engagement international au-dessus de la loi interne dans les matières qu’il régit de façon exhaustive.
B. La subordination de la délivrance d’un titre à la régularité de l’entrée
Le requérant se prévalait également de perspectives professionnelles pour obtenir un certificat de résidence en qualité de salarié. La cour rejette cet argument en se fondant sur les articles 7 b) et 9 de l’accord franco-algérien. Elle souligne que l’obtention d’un certificat de résidence pour exercer une activité salariée est conditionnée par la possession d’un visa de long séjour. Or, l’intéressé était entré en France sous couvert d’un simple visa de court séjour.
Pour la cour, cette seule circonstance suffit à justifier le refus du titre de séjour sollicité. Elle précise que l’autorité préfectorale « pouvait, pour ce seul motif, valablement lui refuser de lui délivrer un certificat de résidence », sans même avoir à examiner la demande d’autorisation de travail. Cette position démontre une application stricte des conditions posées par l’accord. L’exigence d’un visa de long séjour adéquat apparaît comme un prérequis incontournable, dont l’absence vicie la demande à la racine et dispense l’administration d’instruire plus avant les autres éléments du dossier, notamment ceux relatifs à l’emploi. La décision réaffirme ainsi l’importance du respect des procédures de visa comme condition première de l’accès au séjour régulier.
II. Un contrôle restreint sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire
Au-delà de l’application stricte des textes, la cour examine si l’autorité préfectorale a correctement usé de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Elle exerce à ce titre un contrôle restreint sur l’appréciation des motifs de régularisation (A) et procède à une mise en balance mesurée entre l’intérêt général et le droit à la vie privée et familiale (B).
A. Le contrôle de l’erreur manifeste dans l’appréciation des motifs de régularisation
Bien que les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile soient inapplicables, la cour reconnaît qu’il « appartient au préfet, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé, l’opportunité d’une mesure de régularisation ». Cependant, le contrôle du juge sur cette appréciation se limite à la censure de l’erreur manifeste.
En l’espèce, la cour estime qu’une telle erreur n’est pas constituée. Elle analyse les éléments avancés par le requérant, tels que son mariage, la naissance de son enfant, ou la situation de santé de son épouse. Elle minore leur portée en relevant « le caractère récent de son mariage et de la naissance de son enfant à la date de la décision en litige ». De même, les éléments relatifs à l’insertion professionnelle sont jugés insuffisants. L’arrêt démontre que pour qu’une situation justifie une régularisation, les attaches doivent présenter un caractère de stabilité et d’ancienneté que le juge n’a pas reconnu ici. En validant l’analyse du préfet, la cour confirme que le pouvoir de régularisation reste une simple faculté pour l’administration et non un droit pour l’étranger, et que seules des circonstances exceptionnelles particulièrement fortes peuvent contraindre l’administration à l’exercer.
B. La recherche d’un équilibre entre l’ordre public et la vie privée et familiale
Le requérant soutenait que le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La cour procède à une mise en balance des intérêts en présence. D’un côté, elle prend acte des liens familiaux du requérant en France. De l’autre, elle retient les conditions de son séjour et la possibilité pour lui de régulariser sa situation par une autre voie.
L’argument central de la cour réside dans le fait que « la décision en litige, qui se borne à refuser la délivrance d’un titre de séjour à M. C… et n’est assortie d’aucune mesure d’éloignement, n’implique pas, par elle-même, une séparation familiale ». Elle ajoute qu’il n’existe « aucun obstacle à ce que M. C… regagne temporairement l’Algérie (…) en vue d’y solliciter la délivrance d’un visa afin de régulariser les conditions de son entrée en France et s’inscrire dans une procédure de regroupement familial ». En considérant que la voie légale du regroupement familial reste ouverte, même si elle impose un retour temporaire dans le pays d’origine, la cour juge que l’ingérence dans la vie familiale n’est pas disproportionnée. Cette solution, classique, montre que le juge administratif tend à privilégier le respect des procédures légales d’immigration, considérant que celles-ci permettent en elles-mêmes d’assurer un juste équilibre avec les droits individuels.