Cour d’appel administrative de Toulouse, le 30 septembre 2025, n°25TL00479

Par une ordonnance en date du 30 septembre 2025, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Toulouse s’est prononcé sur la demande de provision d’un agent public contractuel à la suite d’un manquement de son employeur à ses obligations de réintégration. En l’espèce, un agent contractuel en congé de mobilité avait sollicité sa réintégration au sein de son administration d’origine à l’échéance de ce congé. Face aux difficultés rencontrées, notamment la perte de sa demande initiale par l’employeur et le placement en congé de mobilité prolongé, l’agent a saisi le juge des référés d’une demande de provision. Le juge de première instance a fait droit à sa demande, condamnant l’établissement public au versement d’une provision de 32 100 euros. Saisi en appel par l’employeur public, le juge des référés de la cour administrative d’appel a annulé l’ordonnance de première instance pour insuffisance de motivation. Évoquant l’affaire, le juge d’appel était confronté à deux questions distinctes. D’une part, il s’agissait de déterminer si une demande de provision, initialement irrecevable en première instance faute de liaison du contentieux, pouvait être régularisée au stade de l’appel. D’autre part, il lui appartenait d’apprécier si le manquement d’un employeur public à son obligation de réintégration d’un agent contractuel, caractérisé par des erreurs et un manque de diligence, constituait une faute dont l’existence n’est pas sérieusement contestable au sens de l’article R. 541-1 du code de justice administrative. Le juge des référés d’appel répond par l’affirmative à ces deux interrogations. Il écarte la fin de non-recevoir soulevée tardivement, le contentieux ayant été lié en cours d’instance d’appel, et reconnaît le caractère non sérieusement contestable de l’obligation de l’employeur. Il alloue en conséquence à l’agent une provision, bien que d’un montant inférieur à celui fixé en première instance. Cette décision, qui articule une solution procédurale pragmatique (I) et une appréciation rigoureuse de la responsabilité de l’employeur public (II), illustre l’office du juge du référé-provision.

I. La neutralisation en appel d’une irrecevabilité procédurale

Le juge des référés d’appel, après avoir annulé l’ordonnance de première instance pour un vice de forme (A), admet la recevabilité de la demande de l’agent en consacrant la possibilité de régulariser la liaison du contentieux en cours d’instance (B).

A. L’annulation prononcée pour une motivation insuffisante

L’ordonnance commentée fait une application orthodoxe de l’exigence de motivation des décisions de justice, rappelée à l’article L. 9 du code de justice administrative. Le juge d’appel censure la décision des premiers juges qui, pour accueillir la demande de provision, s’étaient bornés à constater l’absence de mémoire en défense de l’établissement public dans le délai imparti. Une telle approche est jugée insuffisante, car elle ne permet pas de comprendre le raisonnement qui a conduit le premier juge à considérer l’obligation comme non sérieusement contestable. En effet, comme le souligne la cour, « ni la nature de la créance, son fondement juridique, ni l’étendue des préjudices ne sont évoqués dans les motifs de l’ordonnance ». Cette cassation pour insuffisance de motivation rappelle que le silence d’une partie ne saurait dispenser le juge d’exposer, même de manière sommaire, les raisons de droit et de fait qui fondent sa décision, particulièrement en matière de référé-provision où l’analyse du caractère non sérieusement contestable de l’obligation est centrale.

B. La régularisation de la liaison du contentieux en cours d’instance

Après avoir annulé l’ordonnance et évoqué l’affaire, le juge d’appel se penche sur la recevabilité de la demande initiale de l’agent. Il constate qu’à la date de l’ordonnance de première instance, la condition de liaison du contentieux, exigée par l’article R. 421-1 du code de justice administrative, n’était pas remplie. Cependant, il relève qu’au moment où il statue, une décision implicite de rejet était née et que l’établissement public avait présenté des défenses au fond, liant ainsi le contentieux. En jugeant que la fin de non-recevoir, soulevée par l’employeur postérieurement à cette liaison, devait être écartée comme tardive, le juge adopte une position pragmatique. Cette solution favorise une bonne administration de la justice en permettant de statuer sur le fond du litige plutôt que de rejeter la demande pour un vice de procédure qui a été couvert en cours d’instance. Elle confirme une jurisprudence souple, selon laquelle la liaison du contentieux peut intervenir jusqu’à ce que le juge statue.

II. La consécration d’une obligation à réparation à la charge de l’employeur

Le juge, après avoir admis la recevabilité de la demande, se prononce sur le fond et reconnaît l’existence d’une obligation non sérieusement contestable à la charge de l’employeur public (A), tout en procédant à une évaluation stricte des préjudices indemnisables (B).

A. La faute caractérisée de l’administration dans le processus de réintégration

Pour établir le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, le juge d’appel procède à une analyse détaillée des faits de l’espèce. Il retient que l’établissement public a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Cette faute résulte d’un ensemble de manquements, notamment le défaut de traitement de la demande de réintégration initiale de l’agent, la méconnaissance de sa « priorité de réemploi prévue l’article 32 du décret du 17 janvier 1986 », ainsi que des « erreurs répétées » et un « manque de diligence dans le traitement des demandes de réintégration et les diverses candidatures de l’intéressé ». Le juge conclut que ces agissements sont « directement à l’origine du retard dans sa réintégration effective ». Ce faisant, l’ordonnance rappelle avec force les obligations qui pèsent sur un employeur public envers un agent contractuel à l’issue d’un congé de mobilité, dont le droit à réintégration constitue le principe. Le caractère fautif du comportement de l’administration ne faisant aucun doute sérieux, le principe de sa dette indemnitaire est ainsi établi.

B. L’évaluation mesurée des préjudices indemnisables

Le juge procède ensuite à l’évaluation du montant de la provision, qui ne peut excéder la part non sérieusement contestable de la créance. Il admet l’indemnisation du préjudice financier, correspondant à la perte de revenus subie par l’agent durant la période où il a été injustement privé d’emploi. Il accorde également une indemnisation pour le préjudice moral, en tenant compte de la « résistance abusive dont a fait preuve l’OFB », fixant son montant à 2 000 euros. En revanche, le juge rejette la demande d’indemnisation des frais d’avocat, rappelant que ceux-ci relèvent du mécanisme spécifique de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. De même, il écarte le préjudice tiré des troubles dans les conditions d’existence, faute pour le requérant d’établir un lien de causalité direct et certain avec la faute de l’administration, distinct d’autres causes. Cette ventilation des chefs de préjudice illustre le contrôle rigoureux du juge administratif, qui s’assure que seuls les préjudices présentant un lien direct avec la faute et dont l’évaluation n’est pas sérieusement discutable peuvent donner lieu à l’octroi d’une provision.

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