La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 4 février 2025, une décision relative à la reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie. Un enseignant certifié de mathématiques souffrait d’une pathologie à l’épaule droite caractérisée par une fissuration tendineuse et une arthropathie dégénérative banale. Après plusieurs annulations contentieuses de décisions de refus, l’administration a opposé un nouveau rejet fondé sur l’absence de lien de causalité avec les fonctions. Le requérant a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande par un jugement du 27 janvier 2023. Saisie en appel, la juridiction devait déterminer si les conditions d’exercice de l’enseignement des mathématiques présentent un lien direct avec le développement de ces lésions. La cour rejette la requête en estimant que la durée d’exposition aux gestes répétitifs demeure insuffisante pour établir le lien certain avec le service. Cette solution repose sur une analyse précise de la charge de travail réelle (I) et confirme la validité formelle de l’acte administratif de refus (II).
I. La caractérisation restrictive du lien de causalité avec le service
A. L’analyse factuelle de l’exposition aux risques professionnels
Les juges d’appel procèdent à une évaluation concrète de l’activité de l’enseignant pour vérifier si les mouvements effectués sont de nature à susciter la maladie. Ils relèvent que « la durée cumulée d’écriture au tableau, par heure d’enseignement en mathématiques, ne dépasse pas 15 minutes » selon les rapports médicaux. Cette donnée chronométrée permet à la juridiction d’écarter l’existence d’un risque professionnel significatif malgré les allégations de l’agent sur la pénibilité. L’arrêt précise que « le bras scripteur ne présente un angle supérieur à 90° que pour l’écriture dans la partie supérieure du tableau » mural. La cour en déduit que l’exposition quotidienne réelle reste limitée à environ une heure, ce qui interdit de caractériser un lien direct et certain. Cette approche pragmatique limite la responsabilité administrative aux seules situations où la contrainte physique présente une intensité et une durée particulièrement notables.
B. L’influence prépondérante des facteurs physiologiques extra-professionnels
L’appréciation de l’imputabilité exige d’écarter toute cause étrangère au service pouvant expliquer l’apparition ou l’aggravation de la pathologie dont souffre l’agent public. L’expert médical a souligné l’absence d’état antérieur, mais il a néanmoins fait état de « lésions dégénératives en raison de l’âge de l’intéressé ». La présence de ces facteurs endogènes affaiblit la thèse d’une maladie contractée exclusivement à l’occasion de l’exercice des fonctions au sein de l’enseignement. Les juges soulignent également que « l’utilisation de l’outil informatique » ne présente pas de lien de causalité établi puisque la main est alors soutenue mécaniquement. La pathologie est donc rattachée à une évolution physiologique normale plutôt qu’à une usure prématurée provoquée par les contraintes spécifiques du métier d’enseignant. Cette rigueur dans l’établissement de la causalité garantit que le régime protecteur des accidents de service ne se transforme pas en assurance maladie universelle.
L’exigence d’un lien direct avec le service justifie ainsi la validité de la décision administrative de refus dont la régularité formelle est confirmée par le juge.
II. La validité de la décision administrative de refus de reconnaissance
A. Le respect des garanties procédurales et de l’obligation de motivation
Le requérant critiquait la motivation de la décision de refus ainsi que l’absence d’une nouvelle saisine de la commission de réforme avant l’acte litigieux. La cour estime pourtant que l’administration a « mentionné les considérations de fait sur lesquelles est fondé le refus » en évoquant précisément l’arthropathie dégénérative banale. La motivation est jugée suffisante dès lors qu’elle permet à l’agent de comprendre les raisons médicales et administratives ayant conduit au rejet de sa demande. Par ailleurs, la circonstance que les avis médicaux initiaux n’étaient pas exhaustifs ne justifiait pas une nouvelle consultation obligatoire de l’instance paritaire. La décision attaquée « porte sur les lésions constatées » dans leur globalité, ce qui démontre un examen réel et complet de la situation individuelle de l’intéressé.
B. L’absence de méconnaissance de l’autorité de la chose jugée
Le contentieux se heurtait à la question délicate de l’autorité de la chose jugée suite à l’annulation d’une précédente décision de refus par le tribunal. Les juges considèrent qu’il n’existe pas d’identité de motifs entre l’acte annulé précédemment et la nouvelle décision prise par l’autorité administrative. Le premier refus reposait sur l’absence de la pathologie dans les tableaux des maladies professionnelles, motif jugé illégal par les premiers juges. La nouvelle décision se fonde désormais sur « l’absence de lien de causalité entre la survenance de la pathologie et les conditions d’exercice des fonctions » de l’agent. Ce changement de fondement juridique permet à l’administration de reprendre une décision de même sens sans méconnaître les obligations découlant de la chose jugée. La cour de Toulouse valide ainsi la capacité de l’autorité administrative à réitérer un refus en purgeant les vices relevés par le juge.