La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 5 juin 2025, précise les modalités de détermination du prix d’acquisition d’un droit démembré. Un contribuable a reçu la nue-propriété de parts sociales en 2008 avant de les céder conjointement avec l’usufruitier en 2014. L’administration a rectifié la plus-value déclarée en retenant la valeur de la nue-propriété au jour de la donation. Le litige porte sur le choix de l’âge de l’usufruitier pour évaluer ce droit selon le barème de l’article 669 du code général des impôts. Le tribunal administratif de Nîmes ayant rejeté sa demande, le requérant soutient que l’âge au jour de la cession doit prévaloir. La juridiction d’appel devait donc déterminer si la valeur d’acquisition d’un bien reçu gratuitement correspond à celle déclarée pour les droits de mutation. La Cour confirme le rejet de la requête en validant le calcul de l’administration fondé sur la situation au jour de la transmission initiale.
I. La consécration de la valeur de la nue-propriété au jour de la transmission gratuite
A. Le renvoi impératif à la valeur servant de base aux droits de mutation
Aux termes de l’article 150-0 D du code général des impôts, le prix d’acquisition des titres obtenus gratuitement est fixé à leur valeur de mutation. Cette règle garantit une cohérence nécessaire entre l’imposition de la transmission et celle de la plus-value réalisée lors de la revente ultérieure. La Cour rappelle que cette valeur « doit en principe être prise en compte » sans égard pour l’évolution postérieure de l’âge de l’usufruitier. Elle refuse ainsi de dissocier le calcul de la plus-value de l’assiette retenue lors de l’enregistrement de l’acte de donation initial. Le juge administratif confirme que le prix d’acquisition ne peut fluctuer en fonction d’éléments postérieurs à l’entrée du bien dans le patrimoine.
B. L’application chronologique rigoureuse du barème du code général des impôts
L’article 669 du code général des impôts impose un barème fixe pour déterminer la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété. Pour la nue-propriété, il n’est tenu compte que des « usufruits ouverts au jour de la mutation » selon le texte législatif en vigueur. La Cour considère que l’âge de l’usufruitier lors de la donation détermine définitivement la quotité applicable pour le calcul du prix d’acquisition. Cette solution évite une réévaluation arbitraire de la valeur d’origine qui fausserait mécaniquement le calcul du gain net imposable du nu-propriétaire. La stabilité du prix d’acquisition constitue un principe cardinal que les contribuables ne sauraient écarter au gré de leurs intérêts financiers.
II. Le rejet d’une interprétation extensive de la doctrine et des principes généraux
A. La subordination des schémas explicatifs à la lettre de la doctrine administrative
Le contribuable invoquait un renvoi contenu dans un schéma de la doctrine administrative pour justifier l’application de l’âge au moment de la cession. La Cour juge que ce renvoi ne comporte aucune interprétation formelle opposable en raison de sa « contrariété avec le commentaire qu’il accompagne ». Un support graphique ou une note de bas de page ne peut prévaloir sur le texte clair qu’il a pour objet d’illustrer. La juridiction d’appel assure ainsi la primauté de la cohérence globale de la doctrine administrative sur une lecture fragmentaire de ses illustrations. Cette exigence de clarté protège l’administration contre des interprétations opportunistes fondées sur des détails graphiques isolés de leur contexte.
B. L’inefficacité des moyens tirés de sources privées ou de situations individuelles
Les requérants sollicitaient également l’application d’un ouvrage privé et se prévalaient de l’absence de rectification d’un dossier fiscal identique concernant un tiers. La Cour écarte ces arguments en soulignant qu’un éditeur juridique ne constitue jamais une « interprétation formelle de la loi fiscale » opposable au service. Elle précise aussi que l’absence de contrôle d’un autre contribuable ne peut être assimilée à une prise de position formelle de l’administration. Enfin, le principe d’égalité devant les charges publiques ne permet pas de revendiquer un traitement contraire à la loi pour bénéficier d’une erreur passée. Le juge administratif réaffirme que seule la loi et la doctrine administrative officielle lient l’administration dans l’exercice de son pouvoir de contrôle.