Cour d’appel administrative de Toulouse, le 6 mai 2025, n°23TL01342

La cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 6 mai 2025, se prononce sur les conditions de recevabilité et de prescription des créances indemnitaires des agents publics. Un fonctionnaire, victime d’accidents de service successifs, a sollicité l’indemnisation de ses préjudices après le rejet implicite de sa réclamation préalable adressée à son administration de tutelle. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, estimant les conclusions relatives aux premiers accidents irrecevables et les prétentions concernant la rechute atteintes par la déchéance quadriennale. Le requérant soutient en appel que sa demande liait valablement le contentieux pour l’accident d’origine et qu’il ignorait la date de consolidation fixée tardivement par l’autorité. Le litige interroge l’influence d’une rechute sur la liaison du contentieux de l’accident initial et fixe le point de départ de la prescription en cas de consolidation rétroactive. L’arrêt souligne l’unité du fait générateur dans la liaison du contentieux avant de consacrer la protection du droit au recours face à une consolidation déterminée a posteriori.

I. L’identification d’un fait générateur unique liant le contentieux indemnitaire

A. L’indivisibilité des conséquences dommageables de l’accident de service

Le juge administratif rappelle que la décision de rejet d’une réclamation indemnitaire lie le contentieux pour l’ensemble des dommages découlant d’un même fait générateur de responsabilité. Cette règle s’applique indépendamment des chefs de préjudice spécifiés par la victime, dès lors que les dommages trouvent leur source directe dans l’événement dommageable initialement invoqué. La cour administrative d’appel de Toulouse précise qu’en présence d’une rechute médicale, « le fait générateur est identique à l’accident de service initial » ayant causé les premières blessures. Cette identité de cause juridique permet d’étendre la portée de la réclamation préalable, assurant une cohérence entre la procédure administrative et l’instance contentieuse engagée par l’agent.

B. La régularisation de la demande indemnitaire par l’effet de la rechute

L’administration avait estimé que l’absence de mention explicite de la date de l’accident initial dans la réclamation préalable rendait les conclusions indemnitaires de l’agent public irrecevables. Toutefois, le juge d’appel observe que la référence expresse à la situation de rechute manifeste sans ambiguïté la volonté de l’agent d’obtenir réparation pour les faits d’origine. L’arrêt censure alors le raisonnement du premier juge en considérant que le contentieux était régulièrement lié pour les dommages causés par l’accident de service initialement reconnu imputable. La solution retenue privilégie une approche concrète des prétentions du requérant, évitant ainsi un formalisme excessif qui ferait obstacle à l’examen au fond des préjudices subis.

II. La protection du créancier contre une application rigoureuse de la prescription

A. Le caractère déterminant de la connaissance effective de la consolidation

Le point de départ du délai de prescription quadriennale pour un dommage corporel est fixé au premier jour de l’année suivant la consolidation des infirmités de la victime. La loi du 31 décembre 1968 prévoit néanmoins que la prescription ne court pas contre le créancier qui peut être « légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ». Le juge souligne que cette ignorance légitime suspend le délai tant que l’intéressé n’est pas en mesure d’évaluer avec certitude l’étendue des dommages devant être indemnisés. Cette garantie assure l’effectivité du droit à réparation en empêchant que le délai de déchéance ne s’écoule avant que la victime ne puisse objectivement agir en justice.

B. L’inopposabilité d’une décision fixant une date de consolidation rétroactive

L’autorité administrative avait fixé rétroactivement la date de consolidation de l’agent par une décision intervenue près d’un an après la reprise effective de son activité professionnelle habituelle. L’arrêt écarte l’exception de prescription en jugeant que l’agent ne pouvait connaître l’existence de sa créance avant la notification de cet acte administratif ou médical. Le report du point de départ du délai au premier janvier de l’année suivant la décision administrative protège la victime contre les effets injustes d’une constatation médicale tardive. La cour administrative d’appel de Toulouse confirme ainsi une jurisprudence protectrice, imposant à la puissance publique une loyauté procédurale dans la gestion des droits des agents.

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Hassan KOHEN
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