La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 6 mai 2025, un arrêt relatif à l’installation d’une crèche de Noël dans un hôtel de ville. Une autorité municipale avait décidé d’implanter cette représentation religieuse dans la cour d’honneur du bâtiment public pour les fêtes de fin d’année. Le représentant de l’État dans le département a saisi le tribunal administratif de Nîmes afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Par un jugement du 31 octobre 2023, les premiers juges ont fait droit à cette demande en prononçant l’annulation de l’acte attaqué. La collectivité a alors formé un appel devant la juridiction supérieure pour contester cette solution et défendre le caractère culturel de l’installation. Le litige porte sur la compatibilité d’un tel emblème avec le principe de laïcité et l’interdiction de signes religieux dans les monuments publics. Les juges d’appel rejettent la requête, estimant que la crèche ne remplit pas les conditions nécessaires pour constituer une exception légale à la neutralité.
I. L’encadrement strict de la présence de symboles religieux dans les bâtiments publics
A. Le rappel de l’interdiction de principe posée par la loi de 1905
L’arrêt s’appuie sur l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui interdit d’apposer aucun signe religieux sur les monuments publics. La cour rappelle que ces dispositions assurent la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes en s’opposant à toute reconnaissance d’une préférence religieuse. Elle souligne que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » conformément aux principes constitutionnels de laïcité et d’égalité des citoyens. La juridiction précise que l’installation d’une crèche par une personne publique n’est possible que si elle présente un caractère culturel, artistique ou festif. Cette appréciation dépend notamment du lieu de l’installation, la situation étant différente selon qu’il s’agisse d’un bâtiment public ou d’un autre emplacement. Dans l’enceinte des sièges de services publics, le principe de neutralité s’oppose à une telle présence sauf si des circonstances particulières sont démontrées.
B. Le constat d’une absence de caractère culturel ou artistique probant
La cour administrative d’appel de Toulouse examine scrupuleusement les justifications avancées par la collectivité pour établir la dimension culturelle de la crèche litigieuse. Elle relève que les panneaux explicatifs ne portent pas sur le savoir-faire des artisans mais sur des traditions dont la dimension religieuse est soulignée. Les juges constatent également que la crèche n’a pas été réalisée par des santonniers et qu’elle demeure distincte des autres manifestations culturelles de la ville. Le cadre de la préparation des fêtes de fin d’année ne suffit pas à conférer un caractère festif suffisant à une telle installation. La juridiction estime ainsi que la commune ne justifie pas que cette mise en scène constituerait « une exposition à caractère culturel » au sens de la loi. En l’absence de ces critères, l’installation méconnaît l’exigence de neutralité qui s’impose rigoureusement à l’intérieur des bâtiments abritant le siège d’une collectivité.
II. La recherche de l’intention prosélyte de l’autorité administrative
A. L’écartement de l’usage local au profit d’une démarche revendicative
La juridiction écarte l’argument relatif à l’existence d’un usage local, bien que l’installation soit reconduite chaque année depuis plusieurs hivers par la collectivité. Elle considère que cette pratique ne résulte pas d’une tradition ancienne mais d’un « mouvement revendicatif » initié délibérément par plusieurs responsables locaux. Les juges relèvent que cette volonté a été poursuivie malgré les annulations répétées de décisions similaires par les juridictions administratives les années précédentes. La persistance de cette démarche témoigne d’une volonté politique de contester l’application du droit positif plutôt que de célébrer une coutume historique locale. En qualifiant ainsi les faits, la cour refuse de valider une pratique dont l’origine est perçue comme un acte de résistance aux principes républicains. L’usage ne saurait se construire sur la répétition d’une illégalité manifeste destinée à provoquer un débat idéologique au sein de l’espace public.
B. La démonstration d’une rupture caractérisée avec le principe de neutralité
La décision s’attache à démontrer la dimension religieuse et prosélyte de l’acte à travers les déclarations publiques de l’autorité ayant ordonné l’installation. La cour mentionne des propos révélant la volonté d’inscrire les racines de la culture nationale exclusivement dans la tradition catholique lors de l’inauguration. Elle souligne également l’existence d’une mise en scène de la « Sainte Famille » effectuée en écho direct à une actualité politique et migratoire sensible. Ces éléments permettent de conclure que la crèche n’est pas dépourvue de dimension religieuse et manifeste une préférence claire de la part de l’autorité. Une telle démarche exprime « la reconnaissance d’un culte » et rompt avec le calme nécessaire au fonctionnement neutre des services de l’État. L’arrêt confirme donc l’annulation de la décision en raison de la méconnaissance manifeste des obligations imposées par la loi de séparation des Églises et de l’État.