La Cour administrative d’appel de Versailles, par un arrêt du 10 juillet 2025, examine la responsabilité d’une commune suite à une délibération indemnitaire illégale. Une élue locale a perçu, d’avril 2011 à avril 2014, des indemnités de fonction fixées par une décision municipale. Le représentant de l’État a contesté cet acte. Celui-ci fut annulé par le tribunal administratif pour dépassement des plafonds légaux. Consécutivement à cette annulation, le nouveau maire a émis un titre exécutoire afin de recouvrer les sommes indûment versées. L’intéressée a sollicité la condamnation de la collectivité à réparer ses préjudices matériels et moraux résultant de cette situation fautive. Le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de réparation matérielle. Il a rejeté les prétentions relatives au préjudice moral. La collectivité a interjeté appel pour contester toute faute. L’élue a formé un appel incident pour obtenir l’indemnisation de son atteinte à la réputation. La question posée à la juridiction est de savoir si le versement prolongé d’indemnités fondé sur un calcul erroné engage la responsabilité pour faute de la collectivité. La Cour administrative d’appel confirme que la persistance de l’erreur comptable sur trois ans constitue une faute de nature à engager la responsabilité administrative.
I. La caractérisation d’une faute administrative dans le versement d’indemnités illégales
A. L’irrégularité de la délibération comme fait générateur de la responsabilité
Le conseil municipal avait adopté une délibération fixant le montant des indemnités des élus, acte qui fut ultérieurement annulé par la juridiction administrative. Cette annulation reposait sur la méconnaissance des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au plafond légal des indemnités susceptibles d’être allouées. L’illégalité d’une décision administrative, même si elle procède d’une simple erreur de calcul, constitue par principe une faute de nature à engager la responsabilité. Dans cette espèce, l’acte initial prévoyait un régime indemnitaire dépassant les limites autorisées par les textes en vigueur pour les conseillers municipaux délégués. La disparition rétroactive de cet acte du monde juridique prive de fondement légal les paiements effectués au profit de l’élue locale concernée.
B. La persistance d’une erreur comptable non imputable à l’administré
La juridiction souligne que le versement des sommes s’est poursuivi pendant trois ans, « sur le fondement d’une délibération entachée d’une erreur de calcul ». L’élue avait assumé ses fonctions avec constance et n’avait jamais reçu d’information concernant l’irrégularité affectant ses indemnités de fonction mensuelles. La Cour estime qu’il « ne saurait être fait grief à l’intéressée de ne pas l’avoir identifiée et dénoncée » compte tenu de sa situation personnelle. Le maintien d’un tel dispositif erroné sur « une période aussi longue » caractérise un manquement de la collectivité à ses obligations de gestion rigoureuse. Cette défaillance administrative est jugée « bien constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité » à l’égard de l’agent public électif victime.
II. La mise en œuvre de la responsabilité et les exigences de réparation des préjudices
A. La consécration du droit à réparation du préjudice matériel
Le préjudice matériel réside ici dans l’obligation de rembourser des sommes perçues de bonne foi mais dépourvues de base légale suite à l’annulation. La Cour valide la condamnation de la collectivité à verser une somme équivalente aux montants effectivement remboursés par l’ancienne conseillère municipale déléguée. Cette réparation vise à compenser la charge financière subie par l’élue en raison de l’erreur initiale commise par les services de la municipalité. La responsabilité est engagée dès lors que le lien de causalité entre la faute de calcul et le dommage financier est établi. L’administration ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’absence d’intention malveillante ou la simple application des conséquences de l’annulation juridictionnelle.
B. Le rejet de l’indemnisation du préjudice moral faute de preuve probante
L’appelante incidente invoquait une atteinte à son honneur résultant des accusations de détournement d’argent public portées par la nouvelle majorité municipale. Cependant, la juridiction administrative refuse d’indemniser ce chef de préjudice car les assertions produites par la requérante demeurent trop imprécises. Le juge relève que les éléments avancés « ne sont assortis d’aucune pièce en vue de les étayer », rendant impossible la vérification du dommage. La réalité d’un préjudice moral, tel qu’une atteinte à la réputation, doit être démontrée par des faits concrets et des pièces justificatives précises. En l’absence d’une telle démonstration, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation d’un préjudice moral à hauteur de trois mille euros sont rejetées.