Cour d’appel administrative de Versailles, le 10 juillet 2025, n°22VE01943

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Versailles se prononce sur le recouvrement d’indemnités de fonction versées à une élue locale. La juridiction administrative devait déterminer si l’annulation d’une délibération indemnitaire permettait la répétition intégrale des sommes perçues durant plusieurs années de mandat municipal. Une adjointe au maire a bénéficié d’indemnités fixées par une délibération, laquelle fut ultérieurement annulée par le tribunal administratif pour dépassement du plafond légal. La commune a émis un titre de recettes afin d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes versées entre les années deux mille onze et deux mille quatorze. Le tribunal administratif de Versailles a annulé ce titre en considérant que les versements mensuels constituaient des décisions individuelles créatrices de droits insusceptibles de retrait. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Versailles a vu son ordonnance annulée par le Conseil d’État, qui a ensuite renvoyé l’affaire devant elle. Le litige porte sur la nature juridique des versements d’indemnités et sur la régularité formelle du titre exécutoire émis par l’autorité exécutive de la commune. La cour juge que l’annulation rétroactive de la délibération remet en vigueur les décisions antérieures et limite ainsi le montant de la créance réclamée par l’administration. Elle prononce toutefois l’annulation du titre de recettes en raison d’une discordance entre l’émetteur mentionné et l’identité réelle du signataire effectif du bordereau comptable. L’examen de la légalité interne précède l’analyse des vices de forme qui entachent l’acte administratif contesté devant le juge de l’excès de pouvoir.

I. L’encadrement du bien-fondé de la créance par l’effet rétroactif de l’annulation

A. L’absence de caractère créateur de droits des mesures de liquidation

La cour écarte d’abord la thèse selon laquelle les versements mensuels d’indemnités constitueraient des décisions créatrices de droits protégées contre un retrait tardif par l’administration. Elle considère que ces sommes constituent « de simples mesures de liquidation fondée sur la délibération », laquelle doit être réputée n’être jamais intervenue dans l’ordre juridique. Cette qualification juridique est essentielle puisqu’elle autorise la collectivité à réclamer le remboursement des sommes indument perçues sans se voir opposer le délai de quatre mois. La rétroactivité attachée à l’annulation contentieuse prive de base légale les paiements effectués, transformant les sommes versées en créances de la collectivité envers son élu.

B. La remise en vigueur des délibérations antérieures par l’effet de l’annulation

Le juge limite strictement le montant de la répétition de l’indu en appliquant le mécanisme classique de la reviviscence des normes juridiques antérieures au litige. L’annulation de l’acte a pour effet de remettre en vigueur les délibérations précédentes, lesquelles n’avaient été ni retirées, ni abrogées par l’autorité municipale compétente. La créance est « entachée d’illégalité, mais en tant seulement qu’elle porte sur une somme excédant la différence » entre les indemnités perçues et celles prévues initialement. L’élue locale ne peut être privée de toute rémunération alors que ses fonctions sont effectives et qu’une norme juridique valide préexistait à la délibération censurée.

II. La sanction du formalisme du titre exécutoire et la portée de la décision

A. L’exigence de concordance entre l’émetteur et le signataire du bordereau

L’arrêt censure le titre de recettes sur le terrain de la légalité externe en relevant une méconnaissance caractérisée des dispositions du code général des collectivités territoriales. L’acte mentionnait un adjoint au maire comme émetteur, tandis que le bordereau des titres de recettes avait été signé par le maire en personne. La cour administrative d’appel de Versailles souligne que le document constituait la « copie destinée au débiteur formant avis des sommes à payer » remise à l’élue. Cette « irrégularité en la forme » justifie l’annulation du titre exécutoire sans que le juge n’ait besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la partie requérante.

B. L’irrégularité du jugement de première instance pour moyen relevé d’office

La décision est également l’occasion pour la cour de sanctionner l’erreur de procédure commise par les premiers juges du tribunal administratif de Versailles en première instance. Le tribunal s’était fondé sur le caractère créateur de droits des indemnités, moyen qui n’avait pas été invoqué et n’était pas d’ordre public national. En soulevant d’office ce moyen, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une irrégularité, ce qui conduit nécessairement la cour à annuler la décision attaquée. La juridiction d’appel utilise son pouvoir d’évocation pour statuer immédiatement sur l’ensemble du litige et régler définitivement les prétentions pécuniaires des parties en présence.

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Hassan KOHEN
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