Cour d’appel administrative de Versailles, le 10 juillet 2025, n°24VE00954

Par un arrêt en date du 10 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Versailles s’est prononcée sur les conditions d’appréciation de la réalité et du sérieux des études d’une ressortissante étrangère sollicitant le renouvellement de son titre de séjour. En l’espèce, une étudiante, entrée en France en 2021 munie d’un visa pour suivre une formation spécifique, avait changé d’orientation à plusieurs reprises. Face à sa demande de renouvellement de titre de séjour, le préfet de l’Essonne a opposé un refus, assorti d’une obligation de quitter le territoire français, au motif que le parcours de l’intéressée ne témoignait pas d’une poursuite effective d’études.

Saisi du litige, le tribunal administratif de Versailles avait rejeté le recours de l’étudiante par un jugement du 5 octobre 2023. Devant la cour d’appel, la requérante soutenait que la décision préfectorale était entachée d’une erreur de fait, puisqu’elle était bien inscrite dans un établissement pour l’année 2022-2023, et d’une erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation. Il revenait donc aux juges du fond de déterminer si la production d’un certificat d’inscription, dans un contexte de changements de cursus successifs et non justifiés, suffisait à établir la réalité et le sérieux des études conditionnant le droit au séjour de l’étudiant étranger.

En rejetant la requête, la cour administrative d’appel confirme une conception exigeante du contrôle opéré par l’administration, fondée sur une analyse globale du parcours académique de l’étudiant. Elle rappelle ainsi que la charge de la preuve d’un projet d’études cohérent et suivi pèse sur le demandeur. La solution adoptée souligne la prééminence de l’appréciation matérielle du parcours sur la simple justification formelle d’une inscription (I), tout en appliquant avec rigueur les règles de contentieux administratif qui limitent la prise en compte d’éléments nouveaux, consacrant par là même l’automaticité des mesures d’éloignement (II).

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I. La consolidation du contrôle de l’administration sur la consistance du parcours d’études

La cour administrative d’appel, en validant le raisonnement du préfet, réaffirme que le droit au séjour de l’étudiant est conditionné par une appréciation substantielle de son parcours académique. Cette approche conduit le juge à valider une analyse qui dépasse la simple formalité d’une inscription (A) et à reconnaître la pertinence d’un parcours universitaire instable comme indice d’un défaut de sérieux (B).

A. L’exigence d’une poursuite effective des études au-delà du certificat de scolarité

Le renouvellement du titre de séjour portant la mention « étudiant » est subordonné à la démonstration de la réalité et du sérieux des études, conformément à l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La décision commentée illustre que le juge administratif confère à l’administration une marge d’appréciation étendue pour évaluer ce critère. La cour précise en effet qu’« il appartient à l’administration, saisie d’une demande de renouvellement d’une carte de séjour présentée en qualité d’étudiant, de rechercher, à partir de l’ensemble du dossier, si l’intéressé peut être raisonnablement considéré comme poursuivant effectivement des études ».

Cette formule consacre une méthode d’examen global qui ne saurait se contenter de la production d’un simple certificat de scolarité. En l’espèce, bien que la requérante ait produit une attestation d’inscription pour l’année universitaire en cause, la cour relève qu’elle « ne produit aucun autre élément justifiant de ce qu’elle y a effectivement poursuivi des études ». Ainsi, des éléments concrets tels que les relevés de notes, les attestations d’assiduité ou les résultats aux examens deviennent déterminants pour emporter la conviction de l’administration, puis du juge. Le contrôle ne porte donc pas sur l’existence formelle d’une inscription, mais sur la matérialité de la participation à un enseignement.

B. La sanction de l’incohérence du parcours académique

Le second fondement de la décision réside dans l’analyse de la trajectoire de l’étudiante. La cour relève que la requérante, initialement admise pour un BTS en comptabilité et gestion, s’était réorientée vers une formation à distance en management commercial avant de s’inscrire, une nouvelle fois, dans un cursus de manager d’unité marchande. Cette succession de changements, qualifiée d’inconstante, a été interprétée par le préfet comme un défaut de sérieux dans le projet d’études.

La juridiction d’appel valide cette analyse en soulignant que l’intéressée n’a pas étayé les raisons de ces réorientations successives. Elle note ainsi que « si l’intéressée soutient qu’elle a dû changer de formation pour des motifs tenant au coût de scolarité de l’établissement initial, elle ne le démontre par aucun élément ». Cette approche place la charge de la justification d’un parcours atypique sur l’étudiant. En l’absence de preuves tangibles expliquant les changements de cap, l’administration est fondée à considérer que le motif du séjour en France n’est plus principalement la poursuite d’études, mais le maintien sur le territoire par d’autres moyens. Le juge confirme ici que la cohérence et la progression dans le cursus sont des composantes essentielles de l’appréciation du sérieux des études.

II. Une appréciation rigoureuse entraînant des conséquences sévères

La solution retenue par la cour administrative d’appel de Versailles s’inscrit dans une orthodoxie juridique stricte, notamment quant à la temporalité des preuves recevables, ce qui a pour effet de rendre la situation de la requérante difficilement contestable. L’application rigoureuse du droit contentieux sur la date d’appréciation de la légalité (A) entraîne ainsi une validation quasi mécanique de l’obligation de quitter le territoire qui en découle (B).

A. La neutralisation des éléments postérieurs à la décision contestée

Un des arguments de la requérante reposait sur la production en appel d’un certificat de scolarité et de bulletins de notes pour l’année 2024-2025, démontrant une reprise d’études sérieuse. La cour écarte ce moyen par une formule classique et sans équivoque, rappelant que de tels documents, « postérieurs à la date de la décision attaquée, sont sans incidence sur sa légalité ». Ce principe fondamental du contentieux administratif de l’excès de pouvoir veut que la légalité d’un acte s’apprécie au jour de son édiction.

Si cette règle garantit la sécurité juridique, elle révèle ici sa rigueur. Elle interdit au juge de prendre en considération les efforts de régularisation ou la bonne foi manifestée par l’administré postérieurement à la décision qui le frappe. Pour l’étudiante, cela signifie que sa situation est figée au jour de l’arrêté préfectoral, la privant de la possibilité de faire valoir des éléments qui témoigneraient pourtant de la réalité actuelle de son projet d’études. Cette approche incite les demandeurs à présenter un dossier initial irréprochable, car les possibilités de correction en cours de procédure contentieuse sont quasi inexistantes.

B. La confirmation inéluctable de la mesure d’éloignement

La légalité de l’obligation de quitter le territoire français était directement conditionnée par celle du refus de séjour. Le rejet des moyens dirigés contre ce dernier entraîne logiquement le rejet de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de la mesure d’éloignement. La cour l’affirme sobrement : « le refus de titre de séjour n’est pas entaché d’illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence […] doit être écarté ».

De même, l’examen de la proportionnalité de la mesure au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, se solde par un constat lapidaire. La cour relève que la requérante est « célibataire et sans charge de famille », qu’elle ne justifie d’aucune « insertion particulière dans la société française » et qu’elle conserve des attaches familiales dans son pays d’origine. Cette analyse, fréquente dans ce type de contentieux, montre que, en l’absence de liens familiaux constitués en France, le seul parcours d’études, lorsqu’il est jugé défaillant, ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée justifiant l’annulation de l’éloignement. La perte du statut d’étudiant place ainsi l’étranger dans une situation de grande précarité juridique.

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Hassan KOHEN
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