Cour d’appel administrative de Versailles, le 10 juillet 2025, n°25VE00664

La cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 10 juillet 2025, un arrêt précisant les modalités de calcul de la durée de résidence habituelle. Un ressortissant étranger sollicitait son admission exceptionnelle au séjour en invoquant une présence continue sur le territoire français depuis le mois de janvier 2013. L’autorité préfectorale a opposé un refus sans saisir préalablement la commission du titre de séjour compétente pour les dossiers de résidents de longue durée. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a d’abord rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le 30 janvier 2025. La question posée consistait à déterminer si l’existence de mesures d’éloignement restées infructueuses interrompait le calcul des dix années de résidence habituelle. La cour consacre ainsi une appréciation purement factuelle de la résidence habituelle avant de renforcer la portée des garanties procédurales dues à l’étranger.

I. La consécration d’une appréciation purement factuelle de la durée de résidence habituelle

A. L’indifférence des mesures d’éloignement antérieures sur le calcul de la décennie de présence

La cour souligne que l’inexécution des précédentes mesures d’éloignement par l’intéressé est « sans incidence sur le calcul de la durée de résidence habituelle ». Cette solution repose sur une lecture littérale des dispositions législatives qui imposent uniquement la preuve d’une résidence effective supérieure à dix années. Les juges estiment que le maintien irrégulier sur le territoire n’efface pas la réalité physique et temporelle de la présence de l’étranger en France. L’arrêt précise ainsi que la résidence doit être établie « par tout moyen » pour déclencher l’obligation de consultation prévue par le code de l’entrée.

B. Le caractère automatique de la consultation de la commission comme garantie procédurale substantielle

Dès lors que la durée de dix ans est atteinte, l’autorité administrative est tenue de soumettre la demande pour avis à l’organe consultatif départemental. Le « vice de procédure ayant privé l’intéressé d’une garantie » entache d’illégalité la décision de refus ainsi que l’obligation de quitter le territoire. La juridiction d’appel rappelle que cette formalité présente le caractère d’une garantie dont la privation entraîne nécessairement l’annulation de l’acte administratif contesté. Cette obligation de consultation s’impose même si l’administration dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier les motifs exceptionnels de l’admission au séjour sollicitée.

II. Le renforcement de la protection de l’étranger face à l’exercice du pouvoir discrétionnaire

A. Une interprétation jurisprudentielle favorable à la continuité de la résidence malgré l’irrégularité du séjour

La solution retenue confirme une approche libérale de la notion de résidence habituelle en déconnectant le fait matériel de la légalité du séjour. L’arrêt écarte le raisonnement de l’administration qui tendait à sanctionner l’inexécution des mesures d’éloignement par une remise à zéro du compteur temporel. En validant les pièces probantes fournies par le requérant, la cour reconnaît que la continuité de la vie privée prime sur le statut administratif. Cette position jurisprudentielle assure une cohérence avec l’objectif de régularisation des personnes durablement insérées sur le sol national pour des raisons humanitaires.

B. L’annulation nécessaire de la décision préfectorale pour vice de procédure privant le requérant d’une garantie

L’annulation du jugement et de l’arrêté conduit les magistrats à ordonner un réexamen complet de la situation individuelle après avis de la commission. Le juge de l’excès de pouvoir sanctionne ici une erreur de droit manifeste dans l’articulation des dispositions relatives au séjour et à l’éloignement. L’injonction prononcée oblige l’administration à délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour dans l’attente d’une nouvelle décision sur le fond. Ce contrôle rigoureux des formes protectrices garantit que le droit à l’examen approfondi des situations individuelles ne soit pas éludé par l’autorité compétente.

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Hassan KOHEN
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