Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Versailles se prononce sur la légalité d’une décision portant obligation de quitter le territoire national.
Un ressortissant européen, installé en France depuis 2008, a fait l’objet de condamnations pénales répétées pour des faits graves de violences et de vols aggravés. L’autorité administrative a édicté à son encontre une mesure d’éloignement sans délai ainsi qu’une interdiction de circulation sur le sol national pendant trois ans. Après un rejet de sa demande par les premiers juges le 6 février 2025, l’intéressé a interjeté appel devant la juridiction supérieure de second degré. La question posée porte sur la régularité du jugement rendu en l’absence de convocation effective et sur la menace que représente l’individu pour l’ordre public. La cour annule le jugement attaqué pour irrégularité procédurale, mais confirme le bien-fondé de l’éloignement en statuant par la voie de l’évocation.
L’analyse de cette décision commande d’examiner l’annulation du jugement pour vice de procédure avant d’étudier la validation au fond de la mesure d’éloignement.
I. L’annulation du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire
A. L’irrégularité tenant au défaut de convocation personnelle du requérant
Le code de justice administrative dispose que toute partie doit être avertie du jour où l’affaire sera appelée à l’audience publique de la juridiction. En l’espèce, l’avis d’audience avait été transmis uniquement à un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle qui s’était montré particulièrement défaillant. La cour relève qu’en « adressant l’avis d’audience au seul mandataire défaillant », l’intéressé n’a pas été valablement mis en mesure de présenter ses observations orales. Cette carence affecte directement la régularité de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Versailles dont le jugement rendu le 6 février 2025 est annulé.
B. Le règlement définitif du litige par la voie de l’évocation
L’annulation de la décision de première instance conduit les magistrats d’appel à se saisir directement de l’ensemble du litige par la méthode juridique de l’évocation. Cette technique procédurale permet de statuer sur les conclusions présentées initialement tout en garantissant une bonne administration de la justice au regard des impératifs de célérité. La Cour administrative d’appel de Versailles examine ainsi les moyens soulevés contre l’arrêté préfectoral sans renvoyer l’affaire devant les premiers juges pour un nouveau jugement. Les magistrats apprécient la légalité de l’obligation de quitter le territoire en tenant compte des pièces versées au dossier par les parties au litige.
II. La validation de la mesure d’éloignement fondée sur l’ordre public
A. La caractérisation d’une menace réelle et grave pour la société
Pour un ressortissant européen, l’éloignement suppose que son comportement constitue une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société ». L’intéressé a multiplié les infractions délictuelles, notamment des violences volontaires sur son conjoint en récidive et des vols avec violence ayant entraîné une incapacité de travail. La juridiction estime souverainement que la gravité et la réitération de ces agissements justifient légalement l’éviction du territoire pour des impératifs de sécurité publique. Par suite, l’autorité administrative n’a commis aucune erreur d’appréciation en considérant que la présence de l’intéressé sur le sol français troublait gravement l’ordre public national.
B. L’absence d’atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de l’intéressé
Le droit au respect de la vie privée et familiale ne s’oppose pas à l’éloignement si la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d’origine. Les juges soulignent que « rien ne s’oppose à ce que la vie familiale se poursuive hors de France » puisque l’intéressé n’établit aucune intégration sociale particulière. L’intérêt supérieur des enfants mineurs est également préservé car la décision contestée n’a pas pour effet de séparer définitivement les membres de la famille concernée. Dès lors, la mesure d’interdiction de circulation pour une durée de trois ans apparaît proportionnée aux buts de défense de l’ordre et de prévention des infractions.