Cour d’appel administrative de Versailles, le 12 février 2025, n°23VE00915

Par un arrêt en date du 12 février 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur le cas d’un ressortissant étranger qui s’était vu refuser la délivrance d’un titre de séjour par l’autorité préfectorale. En l’espèce, un jeune homme, entré en France en 2018 alors qu’il était mineur, avait sollicité en 2022, une fois devenu majeur, une carte de séjour temporaire sur le fondement des liens personnels et familiaux. Le préfet a rejeté sa demande par un arrêté, l’obligeant à quitter le territoire français, au motif que son droit au respect de sa vie privée et familiale ne justifiait pas la délivrance d’un tel titre. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a confirmé la décision préfectorale par un jugement du 29 mars 2023. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, soutenant que le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, et que le préfet avait commis une erreur d’appréciation. Il appartenait donc à la cour de déterminer si le refus d’autoriser le séjour d’un jeune majeur, présent en France depuis plusieurs années et y ayant des attaches fraternelles, mais dont les parents résident à l’étranger, caractérisait une ingérence excessive dans son droit au respect de la vie privée et familiale. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que la décision du préfet n’était pas entachée d’illégalité. Elle estime que les éléments de la vie privée et familiale de l’intéressé en France n’étaient pas suffisants pour considérer le refus de séjour comme une atteinte disproportionnée. La solution retenue par la cour administrative d’appel témoigne d’une application rigoureuse des critères d’appréciation de l’atteinte à la vie privée et familiale (I), tout en réaffirmant les limites du contrôle juridictionnel sur la décision administrative (II).

I. L’appréciation rigoureuse de l’atteinte à la vie privée et familiale

La cour fonde sa décision sur une analyse stricte des conditions posées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce qui la conduit à juger les liens familiaux de l’intéressé insuffisants (A) et à accorder une importance moindre à son parcours d’intégration sociale (B).

A. L’insuffisance des liens familiaux établis en France

La cour examine la situation personnelle et familiale du requérant à la date de la décision attaquée pour déterminer si les conditions de délivrance d’un titre de séjour sont remplies. Elle relève ainsi que l’intéressé était « célibataire et sans enfants » et que ses parents résidaient dans son pays d’origine. Ces éléments sont jugés déterminants pour écarter l’existence d’un centre de sa vie privée et familiale en France. Bien que la présence de deux frères de nationalité française et le fait que l’un d’eux ait exercé l’autorité parentale par délégation jusqu’à sa majorité soient reconnus, la cour estime que ces circonstances ne suffisent pas à rendre le refus de séjour attentatoire. Elle conclut ainsi que « le refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ». Cette motivation illustre une approche classique du contrôle de proportionnalité, où la composition du noyau familial direct et la résidence des ascendants priment sur les liens collatéraux, même lorsque ceux-ci ont joué un rôle structurant durant la minorité de l’étranger.

B. La prise en compte limitée de l’intégration sociale

Dans son appréciation, la cour mentionne la scolarisation de l’intéressé en France, mais ne lui confère pas un poids suffisant pour infléchir sa décision. Cet élément, qui témoigne pourtant d’une intégration réelle dans la société française, est relégué au second plan derrière l’analyse des liens familiaux. Cette hiérarchisation des critères révèle une interprétation stricte de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui met l’accent sur les « liens personnels et familiaux » sans détailler la place à accorder aux autres facettes de l’insertion. De plus, en écartant d’un revers de main la contestation relative au refus d’un titre « Etudiant », au motif que cette demande relevait d’un autre fondement juridique, la cour renforce l’idée d’un examen cloisonné, où chaque motif de séjour est évalué indépendamment des autres, limitant ainsi une appréciation globale de la situation de l’étranger.

Cette approche, centrée sur une analyse factuelle stricte au regard du texte, conduit logiquement à un contrôle restreint de la décision préfectorale.

II. La confirmation du pouvoir d’appréciation de l’administration

En validant la décision du préfet, la cour réaffirme la marge d’appréciation dont dispose l’administration en matière de police des étrangers. Elle le fait en écartant l’existence d’une erreur manifeste dans l’examen de la demande (A) et en jugeant inopérants les moyens tirés de la violation de conventions internationales (B).

A. Le rejet de l’erreur manifeste d’appréciation

Le requérant invoquait également la possibilité d’une admission exceptionnelle au séjour, prévue par l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce dispositif permet de régulariser la situation d’un étranger pour des « considérations humanitaires » ou des « motifs exceptionnels ». La cour, pour rejeter ce moyen, se réfère aux éléments déjà analysés concernant la vie privée et familiale. Elle juge qu’au vu de ces mêmes faits, « le préfet ait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que M. B… ne justifiait ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels ». Ce faisant, elle applique le contrôle restreint de l’erreur manifeste, qui ne la conduit pas à substituer sa propre appréciation à celle du préfet, mais seulement à sanctionner les erreurs grossières. En l’absence de circonstances jugées suffisamment fortes pour entrer dans le champ de l’exception, la décision préfectorale est logiquement maintenue, confirmant la grande latitude laissée à l’administration pour définir ce qui constitue un « motif exceptionnel ».

B. L’inapplicabilité des normes internationales invoquées

Enfin, la cour écarte le moyen fondé sur la méconnaissance de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, qui impose de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision le concernant. La motivation est ici purement factuelle et juridique : « M. B… étant majeur à la date de l’arrêté attaqué et n’ayant lui-même pas d’enfants, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations. » L’argument est imparable et démontre une application rigoureuse du champ d’application des textes. La situation de l’étranger est appréciée à la date de l’acte administratif contesté ; son ancienne qualité de mineur, qui a pourtant structuré son parcours en France, ne peut plus être invoquée pour contester une décision prise après sa majorité. Cette solution, juridiquement fondée, illustre le caractère temporellement circonscrit de la protection offerte par les conventions internationales et le formalisme qui préside à l’examen de leur applicabilité par le juge administratif.

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Hassan KOHEN
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