Cour d’appel administrative de Versailles, le 12 février 2025, n°23VE01034

La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 12 février 2025, une décision relative à la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant étranger est entré régulièrement en France en 2017 sous couvert d’un visa étudiant mais s’est maintenu illégalement après l’expiration de son titre. L’autorité administrative lui a alors imposé une mesure d’éloignement sans délai, accompagnée d’une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois années. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le 26 avril 2023 en première instance. L’intéressé soutient devant les juges d’appel que la décision méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les conventions internationales. La juridiction doit déterminer si la présence de la famille en France suffit à rendre disproportionnée une mesure d’éloignement motivée par une menace pour l’ordre public. La cour confirme la validité de l’arrêté car la situation personnelle du requérant, célibataire et sans charge, n’interdisait pas une telle mesure de police administrative. L’analyse portera sur la régularité de l’obligation de quitter le territoire avant d’étudier la proportionnalité des mesures de sûreté encadrant l’exécution de l’éloignement.

I. La validation de la mesure d’obligation de quitter le territoire français

A. Une motivation répondant aux exigences légales

L’arrêté litigieux précise les considérations de droit et de fait justifiant l’obligation de quitter le territoire sur le fondement du code de l’entrée et du séjour. Les juges considèrent que l’acte satisfait aux exigences de motivation « alors même qu’il ne fait pas état de certains éléments de la situation personnelle » de l’administré. L’autorité administrative n’est effectivement pas tenue de mentionner chaque détail de la vie privée dès lors que les éléments essentiels du dossier sont visés. Cette solution rappelle la distinction classique entre l’omission d’un fait secondaire et l’absence totale de prise en compte de la situation réelle du ressortissant étranger. La motivation en droit s’appuie ici sur le maintien irrégulier après l’expiration du visa, ce qui caractérise suffisamment la base légale de la mesure d’éloignement.

B. Une ingérence proportionnée au droit à la vie privée et familiale

La régularité formelle de l’acte étant établie, il convient d’en examiner la proportionnalité au regard des liens familiaux invoqués par le requérant devant la juridiction. Celui-ci invoque la protection de sa vie privée car ses parents, ses sœurs ainsi que son frère résident actuellement sur le territoire de la République française. La cour relève toutefois qu’à la date de la décision contestée, l’intéressé « était célibataire et sans charges de famille » malgré une scolarité effectuée dans des établissements français. Le préfet n’a donc pas porté une atteinte disproportionnée aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. L’insertion professionnelle et l’obtention d’un diplôme ne suffisent pas à contrebalancer l’absence de descendants directs ou de liens matrimoniaux sur le sol national.

II. La rigueur proportionnée des mesures de sûreté et d’éloignement

A. La légitimité du refus de délai de départ volontaire

Cette validation de la mesure de base permet ensuite d’analyser la légalité des modalités d’exécution, notamment l’absence de délai laissé pour le départ volontaire. L’autorité administrative peut déroger au délai habituel de trente jours lorsqu’il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de départ. La juridiction d’appel note que le requérant s’est soustrait à l’exécution de précédentes mesures d’éloignement, ce qui établit légalement la nécessité d’une exécution d’office. Le juge administratif valide ce motif unique en vertu de l’article L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette sévérité procédurale s’explique par la volonté du législateur de garantir l’effectivité des décisions administratives face à des comportements caractérisés par une insoumission réitérée.

B. La sévérité justifiée de l’interdiction de retour

La légalité du refus de délai entraîne l’examen de la mesure accessoire consistant en l’interdiction de retour sur le territoire national pour une durée déterminée. La durée de l’interdiction de retour, fixée ici à trois ans, est motivée par l’utilisation d’alias et des signalements récurrents pour des faits de délinquance. L’intéressé a notamment fait l’objet de procédures pour conduite sans permis, usage de stupéfiants et violences aggravées, ce qui révèle une menace pour l’ordre public. La cour estime que l’arrêté « comporte enfin les éléments essentiels de la situation personnelle et familiale » tout en tenant compte de la nature des infractions commises. L’appréciation de la durée de l’interdiction relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration, sous réserve de l’absence d’erreur manifeste que le juge administratif contrôle avec précision. La décision de rejet confirme ainsi la primauté de la sauvegarde de la sécurité publique sur les intérêts privés d’un étranger dont le comportement est instable.

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Hassan KOHEN
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