Cour d’appel administrative de Versailles, le 13 février 2025, n°22VE01049

La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 13 février 2025, une décision précisant les conditions d’exercice de l’action subrogatoire après une infection nosocomiale.

Une patiente, souffrant de multiples pathologies antérieures, est décédée des suites d’un choc septique grave après la pose d’un cathéter lors de son hospitalisation. L’organisme national d’indemnisation a indemnisé les ayants droit avant d’émettre un titre de recettes à l’encontre de l’assureur de l’établissement de santé.

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce titre le 1er mars 2022 pour vice de forme, tout en condamnant l’assureur au paiement des sommes principales. L’assureur a interjeté appel afin d’obtenir la décharge totale des sommes réclamées, contestant le principe de la responsabilité et le montant des indemnités versées.

Le juge administratif doit déterminer si l’absence de mentions obligatoires sur l’avis de paiement invalide le titre et si un manquement caractérisé justifie l’action subrogatoire. La juridiction d’appel confirme l’irrégularité du titre mais maintient la condamnation de l’assureur, tout en réduisant le taux de perte de chance.

Cette solution repose sur l’analyse de la régularité des actes administratifs avant de porter sur les conditions de fond de la responsabilité médicale engagée.

I. La confirmation d’une défaillance formelle de l’administration et d’une faute caractérisée de l’établissement

A. L’irrégularité formelle du titre de recettes sanctionnée par le juge

L’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration impose la mention du prénom, du nom et de la qualité de l’auteur de la décision. En l’espèce, l’avis des sommes à payer mentionnait le directeur de l’organisme alors que l’ordre de recouvrer avait été signé par un délégataire.

Le juge précise que ces informations « doivent, en revanche, être mentionnées sur le titre de perception, de même que sur l’ampliation adressée au redevable ». L’irrégularité est constituée même si elle n’a privé le destinataire d’aucune garantie, soulignant le caractère impératif des règles de forme.

Toutefois, l’annulation du titre exécutoire ne fait pas obstacle à ce que le juge, saisi de conclusions en ce sens, se prononce sur le bien-fondé de la créance. Cette dualité permet de sanctionner l’erreur de l’administration sans pour autant éteindre l’obligation de paiement de l’assureur.

B. La caractérisation d’un manquement aux obligations de lutte contre les infections nosocomiales

L’action subrogatoire de l’office contre un établissement n’est ouverte, en cas d’infection nosocomiale, qu’en présence d’une « faute établie de l’assuré à l’origine du dommage ». La cour relève que l’infection est imputable à la pose d’un cathéter et qu’un comportement non conforme a été relevé.

L’établissement n’a pas prouvé que le site d’insertion du dispositif avait fait l’objet d’une surveillance quotidienne durant la période critique de l’hospitalisation de la patiente. « L’existence d’un manquement caractérisé de l’hôpital à ses obligations en matière de lutte contre les infections nosocomiales doit être regardé comme suffisamment établi ».

Ce manquement autorise l’organisme de substitution à réclamer le remboursement des indemnités versées aux proches, ouvrant ainsi la voie à une discussion sur le préjudice. La reconnaissance de cette faute constitue le pivot juridique permettant d’écarter le régime de solidarité nationale au profit d’une responsabilité pour faute.

II. L’appréciation nuancée de la réparation et l’exclusion rigoureuse des sanctions accessoires

A. La révision à la baisse de la perte de chance au regard de l’état antérieur

Le juge administratif exerce un contrôle entier sur l’appréciation du taux de perte de chance initialement fixé par l’expert médical à quatre-vingt-dix pour cent. La cour observe que la patiente présentait des antécédents médicaux très lourds, incluant un diabète déséquilibré et une immunodépression sévère.

Ces circonstances particulières atténuent la part de responsabilité imputable au défaut de soins car l’état antérieur de l’intéressée constituait un facteur de risque majeur. La perte de chance d’éviter le décès « peut être regardée comme s’élevant, dans les circonstances de l’espèce, à 70 % ».

Cette minoration entraîne une réduction proportionnelle de l’indemnité due par l’assureur, illustrant la volonté du juge de limiter la réparation au seul dommage directement imputable. La décision procède à un équilibre entre la nécessaire indemnisation et la réalité clinique de la patiente avant l’infection.

B. L’impossibilité juridique de cumuler action subrogatoire et pénalité de retard

L’organisme demandait l’application d’une pénalité de quinze pour cent prévue par l’article L. 1142-15 du code de la santé publique en cas d’offre d’indemnisation tardive. Le juge écarte cette prétention en relevant d’office que cette sanction n’est pas applicable dans le cadre d’une action engagée sur la subrogation.

L’action en recouvrement exercée par l’office contre l’assureur du responsable obéit exclusivement aux règles de l’article L. 1142-17 qui ne prévoient pas de pénalité additionnelle. Cette rigueur préserve l’équilibre entre les prérogatives de l’administration et les droits des assureurs en limitant strictement les causes de condamnation.

L’arrêt marque une distinction claire entre la mission sociale de l’office et les mécanismes de sanction qui ne sauraient être étendus par simple analogie textuelle. Le juge administratif garantit ainsi une application stricte de la loi tout en assurant l’efficacité du recours subrogatoire de l’administration.

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Hassan KOHEN
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