La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 13 février 2025, un arrêt relatif au séjour d’un étranger et au respect des règles procédurales. Un ressortissant tunisien, entré en France sous couvert d’un visa de long séjour, a sollicité la délivrance d’un titre en qualité de conjoint de Français. L’autorité administrative a opposé un refus à cette demande, assorti d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement du 14 décembre 2023, dont l’intéressé a interjeté appel. Le requérant soutient principalement que le premier juge a omis de lui communiquer le mémoire en défense de l’administration, entachant ainsi la décision d’irrégularité. La question posée à la juridiction d’appel porte sur la validité formelle du jugement de première instance et sur le bien-fondé du refus de séjour. La Cour administrative d’appel de Versailles censure l’irrégularité commise par le tribunal administratif mais rejette les conclusions au fond après avoir évoqué le litige. L’étude de cette décision s’articulera autour de la sanction de l’irrégularité procédurale (I), avant d’analyser la confirmation du bien-fondé de la décision administrative (II).
I. La sanction d’une irrégularité procédurale commise en première instance
Le juge d’appel rappelle les obligations pesant sur les juridictions de premier ressort en matière de communication des écritures afin de garantir un procès équitable.
A. La méconnaissance du caractère contradictoire de l’instruction
En vertu du code de justice administrative, le premier mémoire de chaque défendeur doit impérativement être communiqué aux parties pour assurer le respect des droits. Il apparaît en l’espèce que les services préfectoraux ont produit des observations enregistrées avant la clôture de l’instruction, sans que celles-ci ne soient transmises au requérant. La Cour administrative d’appel de Versailles relève qu’en « s’abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées ». Cette omission constitue un vice de procédure substantiel qui affecte directement la régularité de la décision rendue en méconnaissant le principe fondamental du contradictoire. Une telle solution protège les justiciables contre toute décision prise sur le fondement d’éléments dont ils n’auraient pas pu discuter la teneur ou la pertinence.
B. L’annulation du jugement suivie de l’évocation du litige
La constatation de cette irrégularité entraîne nécessairement l’annulation du jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens. La juridiction d’appel choisit ensuite d’utiliser son pouvoir d’évocation pour statuer immédiatement sur les conclusions présentées par le ressortissant étranger devant le tribunal. Elle considère qu’il y a lieu de « statuer immédiatement sur les conclusions présentées » par l’intéressé, évitant ainsi un renvoi chronophage devant la juridiction de première instance. Cette technique processuelle permet à la cour d’exercer sa compétence de pleine juridiction tout en garantissant une bonne administration de la justice pour les parties. Le litige est désormais examiné au fond par les juges d’appel qui doivent apprécier la légalité intrinsèque de l’arrêté administratif contesté par le requérant.
II. La confirmation de la légalité de la mesure d’éloignement
L’examen au fond conduit la juridiction administrative à valider les motifs retenus par l’autorité préfectorale pour refuser le droit au séjour et ordonner le départ.
A. Le constat souverain de la rupture de la communauté de vie
Le bénéfice d’un titre de séjour pour le conjoint tunisien d’un ressortissant français suppose, selon l’accord bilatéral, que la communauté de vie n’ait pas cessé. L’autorité administrative a fondé son refus sur le fait que l’épouse de l’intéressé avait engagé une procédure de divorce et que la cohabitation était rompue. La Cour administrative d’appel observe que le requérant ne produit aucune pièce attestant d’une vie commune effective à la date de l’arrêté contesté. Elle juge que « la vie commune entre les époux doit être regardée comme ayant cessé entre le mois d’octobre 2022 et le mois de février 2023 ». Le refus de délivrance du titre de séjour ne méconnaît donc pas les stipulations de l’accord franco-tunisien puisque la condition de vie commune n’est plus remplie.
B. La proportionnalité de l’atteinte à la vie privée et familiale
Le requérant invoque également une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en raison de la naissance future de son enfant. Les juges considèrent pourtant que l’insertion socio-professionnelle sur le territoire national ne présente pas une consistance suffisante pour justifier la délivrance d’un titre dérogatoire. La Cour précise que « le préfet aurait pris la même décision s’il avait constaté la grossesse de l’épouse de l’intéressé » à la date de l’acte. L’intérêt supérieur de l’enfant, bien que protégé par les conventions internationales, ne fait pas obstacle à l’éloignement dès lors que le lien parental reste ténu. L’ensemble des moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination se trouve par conséquent rejeté.