Par un arrêt rendu le treize mars deux mille vingt-cinq, la Cour administrative d’appel de Versailles s’est prononcée sur la légalité d’une mesure d’éloignement.
Un ressortissant étranger est entré régulièrement sur le territoire national en septembre deux mille dix afin de poursuivre des études sous couvert d’un visa. Le préfet a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français le cinq octobre deux mille vingt-trois pour séjour irrégulier. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le quatorze décembre deux mille vingt-trois. L’appelant soutient que le premier juge a procédé d’office à une substitution de base légale sans l’en avoir préalablement informé conformément aux règles. La juridiction doit déterminer si l’omission de la formalité prévue à l’article R. 611-7 du code de justice administrative entache le jugement d’irrégularité. La Cour annule le jugement attaqué mais rejette les conclusions au fond après avoir procédé elle-même à la substitution de base légale nécessaire.
I. L’annulation du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire
A. L’obligation d’information préalable lors d’une substitution de base légale
Le juge de l’excès de pouvoir dispose de la faculté de substituer d’office une base légale à celle initialement retenue par l’autorité administrative. Cette prérogative est toutefois strictement encadrée par le respect des droits des parties qui doivent pouvoir discuter le nouveau fondement juridique envisagé. L’arrêt rappelle que le juge peut y procéder « sous réserve d’avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ». Cette exigence garantit la loyauté du débat contradictoire devant la juridiction administrative en évitant toute décision surprise pour les justiciables.
En l’espèce, le tribunal administratif a substitué les dispositions relatives au refus de titre de séjour à celles concernant l’entrée irrégulière en France. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait été régulièrement informé de cette intention par le magistrat désigné. Cette omission constitue une méconnaissance des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative qui impose une information préalable des parties. La Cour censure donc logiquement cette pratique irrégulière afin de préserver l’intégrité de la procédure contentieuse suivie devant le juge de premier ressort.
B. L’évocation du litige par la cour après le constat de l’irrégularité
Lorsqu’un jugement est annulé pour un vice de procédure, la cour administrative d’appel se trouve investie de la faculté de trancher immédiatement le fond. Cette technique juridique, nommée évocation, permet de statuer directement sur la demande initiale sans renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Versailles. Le juge d’appel devient ainsi le juge du premier et dernier ressort pour examiner les moyens soulevés contre l’arrêté préfectoral contesté. Cette célérité procédurale répond à un objectif de bonne administration de la justice dans un contentieux marqué par des enjeux humains importants.
La juridiction procède à l’examen des conclusions tendant à l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français initialement soumises au tribunal administratif. Elle doit alors vérifier si la décision administrative repose sur des motifs de fait et de droit exacts au regard de la situation réelle. Cette étape permet d’analyser les griefs relatifs au droit d’être entendu ainsi qu’à la motivation de l’acte pris par le représentant de l’État. L’annulation du premier jugement n’entraîne donc pas automatiquement l’illégalité de la mesure d’éloignement dont la validité intrinsèque reste à démontrer.
II. La validité de la mesure d’éloignement malgré l’erreur de droit initiale
A. La rectification du fondement juridique de l’obligation de quitter le territoire
L’autorité préfectorale s’est fondée sur l’entrée irrégulière du requérant pour édicter la mesure d’éloignement sur le fondement de l’article L. 611-1 du code. Toutefois, l’intéressé a prouvé qu’il était titulaire d’un visa lors de son arrivée en France, ce qui rend ce premier motif matériellement inexact. La Cour constate que « le préfet ne pouvait pas légalement prendre la décision critiquée en se fondant sur le 1° de l’article L. 611-1 ». Cette erreur de droit initiale aurait pu entraîner l’annulation de l’acte si une substitution de base légale n’était pas possible.
Le juge d’appel décide de substituer les dispositions du 3° de l’article L. 611-1 à celles initialement invoquées par l’administration dans son arrêté. Le requérant s’était maintenu sur le territoire national après l’expiration de son titre de séjour étudiant et le rejet de sa demande de renouvellement. Cette situation permet légalement au préfet d’obliger l’étranger à quitter la France sans que l’intéressé soit privé de la moindre garantie procédurale. La substitution est valide puisque l’administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif de droit parfaitement établi par les faits.
B. Le rejet des griefs tirés de la violation de la vie privée
La Cour examine enfin la compatibilité de la mesure d’éloignement avec le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la convention européenne. Le requérant invoque une présence ancienne sur le territoire national pour contester la proportionnalité de l’obligation de quitter le territoire prise à son encontre. Cependant, les juges relèvent que l’intéressé est âgé de trente-six ans, célibataire et qu’il ne justifie d’aucune charge de famille particulière en France. L’absence de preuves suffisantes concernant la continuité de son séjour depuis son entrée en deux mille dix fragilise grandement sa position juridique.
La décision conclut que l’arrêté préfectoral ne porte pas une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris par l’autorité administrative. La Cour estime que le préfet n’a commis aucune erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l’étranger. Les conclusions tendant à l’annulation de l’acte et aux injonctions de délivrance d’un titre de séjour sont par conséquent rejetées par les magistrats. La validité de l’éloignement est ainsi confirmée sur le fond après la régularisation de la base légale opérée durant l’instance d’appel.