Par un arrêt en date du 15 mai 2025, une cour administrative d’appel a statué sur la régularité d’une procédure de redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée, confirmant le rejet d’une demande en décharge d’impositions.
Une société spécialisée dans le conseil en communication a fait l’objet d’un contrôle sur pièces pour l’année 2012 et d’une vérification de comptabilité pour la période allant de 2013 à 2015. Ces contrôles ont abouti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés par l’administration fiscale et mis en recouvrement. La société a contesté ces impositions, mais sa réclamation a été rejetée. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a rejeté sa demande par un jugement du 28 mars 2023. La société a interjeté appel de ce jugement, soutenant que la procédure était entachée de plusieurs irrégularités. Elle arguait d’une violation du principe du débat oral et contradictoire, d’un défaut de notification de l’avis de la commission départementale des impôts, et d’une incohérence dans les montants réclamés.
La question posée aux juges d’appel était donc de déterminer si des irrégularités procédurales, tenant d’une part à l’absence de débat contradictoire imputable au contribuable et à un prétendu défaut de notification d’un avis de commission, et d’autre part à une discordance entre les montants mentionnés dans les actes de procédure, étaient de nature à vicier la procédure d’imposition et à justifier la décharge des rappels de taxe.
La cour administrative d’appel a rejeté l’ensemble des moyens soulevés par la société requérante. Elle a jugé que l’absence de débat oral et contradictoire résultait de la propre carence de la société, qui n’avait pas désigné de représentant habilité malgré les sollicitations de l’administration. Elle a ensuite estimé que l’administration apportait la preuve de la notification effective de l’avis de la commission. Enfin, elle a écarté le moyen relatif à la discordance des montants, soit parce que la garantie invoquée n’était pas applicable au type de contrôle mené, soit parce que les montants étaient en réalité identiques.
Cet arrêt, illustrant la rigueur avec laquelle le juge administratif apprécie les garanties procédurales du contribuable, met en lumière le rôle actif attendu de ce dernier (I), tout en confirmant une interprétation stricte du formalisme qui encadre l’action de l’administration (II).
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I. Les garanties du contribuable à l’épreuve de sa propre diligence
L’arrêt commenté rappelle que le bénéfice des garanties procédurales offertes au contribuable est conditionné à une attitude coopérative de sa part. Cette exigence se manifeste tant dans le cadre du débat contradictoire (A) que dans l’appréciation de la charge de la preuve en matière de notification (B).
A. Le principe du débat contradictoire face à la carence du représentant légal
Le débat oral et contradictoire constitue une garantie fondamentale du contribuable lors d’une vérification de comptabilité. Cependant, la cour rappelle que sa mise en œuvre effective suppose une participation du contribuable ou de son représentant. En l’espèce, la procédure de vérification s’était déroulée dans les locaux de l’administration à la demande même de la société. Bien qu’invitée à désigner un interlocuteur pour suivre les opérations, celle-ci avait délivré un mandat limité à la simple remise des documents comptables.
Face à cette situation, l’administration avait réitéré ses demandes pour qu’un représentant apte à discuter du fond du dossier soit désigné, sans succès. La cour en déduit logiquement que la société « n’est pas fondée à soutenir qu’elle a été privée d’un débat oral et contradictoire ». Cette solution, classique, souligne qu’une garantie ne saurait être instrumentalisée par celui qui, par sa propre inaction ou sa négligence, en a empêché l’exercice. Le juge refuse ainsi de faire peser sur l’administration les conséquences d’une défaillance qui est entièrement imputable au contribuable.
B. La charge de la preuve de la notification et sa portée
La régularité de la procédure d’imposition suppose que le contribuable soit informé des différentes étapes qui la jalonnent, notamment de l’avis de la commission départementale des impôts lorsque celle-ci a été saisie. La société requérante soutenait n’avoir jamais reçu cet avis avant la mise en recouvrement des impositions. Or, l’administration fiscale est parvenue à renverser cette allégation en produisant des éléments de preuve concordants.
La cour relève en effet que l’administration verse au dossier « la copie de l’avis de réception signé le 5 mai 2017 par la secrétaire de la société », ainsi que la copie de l’intégralité de l’envoi contenant ledit avis. Le juge se livre ici à une appréciation souveraine des faits et de la force probante des pièces. La signature apposée sur l’avis de réception par une employée de la société, associée à la production du contenu même du pli, suffit à établir la réalité de la notification. Cette approche pragmatique montre que si la charge de la preuve de la notification pèse sur l’administration, celle-ci peut s’en acquitter par un faisceau d’indices précis, rendant inopérante la simple dénégation du contribuable.
II. La stricte interprétation du formalisme procédural en matière fiscale
Au-delà de la conduite du contribuable, l’arrêt se prononce sur le champ d’application de certaines garanties formelles. Le juge administratif opère une lecture rigoureuse des textes, conduisant à distinguer clairement le régime applicable au contrôle sur pièces (A) et à vérifier avec une précision factuelle la concordance des actes de procédure (B).
A. L’inapplicabilité de certaines garanties au contrôle sur pièces
La requérante invoquait une méconnaissance de l’article L. 48 du livre des procédures fiscales, qui impose à l’administration d’informer le contribuable du montant des pénalités avant la mise en recouvrement en cas de modification des rehaussements. La cour écarte ce moyen pour la période de 2012 par une motivation lapidaire et purement juridique.
Elle rappelle en effet que le contribuable « n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées, qui ne sont applicables qu’aux seules procédures de vérification de comptabilité alors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l’année 2012 ont été établis à la suite d’un contrôle sur pièces ». Cette distinction est fondamentale en droit fiscal. Le contrôle sur pièces, effectué depuis les bureaux de l’administration, est une procédure moins intrusive qui n’ouvre pas droit à l’ensemble des garanties prévues pour la vérification de comptabilité. L’arrêt réaffirme ainsi que les garanties procédurales ne sont pas uniformes et que leur périmètre est strictement délimité par la loi en fonction de la nature du contrôle exercé.
B. La vérification de la concordance des actes subséquents à la rectification
Pour la période couverte par la vérification de comptabilité, la société soutenait que les montants des pénalités mis en recouvrement ne correspondaient pas à ceux indiqués dans la réponse aux observations du contribuable. Sur ce point, le juge ne se livre plus à une interprétation juridique, mais à une simple vérification matérielle des pièces du dossier.
La cour constate que l’avis de mise en recouvrement détaille les sommes dues, et que « ces montants étant identiques à ceux figurant dans le courrier du 29 septembre 2016 en réponse aux observations du contribuable ». L’argument de la société est donc balayé car il est factuellement erroné. Cette partie du raisonnement, bien que très simple, illustre une facette essentielle de l’office du juge de l’impôt : le contrôle de la réalité matérielle des faits et des chiffres qui fondent l’imposition. La protection du contribuable passe aussi par cette vérification concrète, qui garantit que la décision finale de taxation est bien la traduction exacte de ce qui a été débattu et arrêté au cours de la procédure.