La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 18 mars 2025, une décision relative à la responsabilité de l’État envers un agent public. Un surveillant pénitentiaire, victime d’un accident de service, contestait des retenues sur traitement appliquées malgré la production de certificats médicaux réguliers. Le tribunal administratif de Versailles avait initialement reconnu un préjudice moral et condamné l’administration au versement de deux mille euros. Le ministre de la justice sollicite l’annulation de ce jugement tandis que l’agent demande une augmentation de l’indemnisation allouée. La juridiction doit déterminer si l’administration commet une faute en maintenant des retenues de traitement malgré des éléments médicaux contradictoires. La cour confirme l’existence d’une faute administrative tout en précisant la charge de la preuve concernant la saisine des comités médicaux.
**I. La reconnaissance d’une faute administrative relative au maintien de la rémunération**
**A. La présomption de régularité de la situation de congé de maladie**
La cour rappelle que le fonctionnaire est « placé de plein droit en congé de maladie dès la demande qu’il a formulée ». Cette situation administrative demeure régulière tant que l’autorité n’a pas contesté utilement le bien-fondé du congé produit. Le maintien du traitement est toutefois subordonné à la transmission des avis d’arrêt de travail justifiant l’absence dans les délais. L’administration peut faire procéder à tout moment à une contre-visite par un médecin agréé pour vérifier l’aptitude de l’agent. En l’espèce, une première expertise médicale avait conclu à l’aptitude au service sous réserve d’aménagements spécifiques du poste.
**B. L’appréciation souveraine de l’aggravation de l’état de santé**
Les juges considèrent que des certificats médicaux postérieurs doivent être pris en compte même s’ils n’ont pas été transmis initialement. La cour relève que « des circonstances nouvelles mettent l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions » selon des attestations de l’année deux mille vingt. Ces documents établissaient une aggravation de la pathologie lombaire nécessitant désormais une intervention chirurgicale lourde et des traitements antalgiques. La juridiction privilégie ainsi l’état de santé réel sur les conclusions antérieures d’un médecin agréé dont l’expertise datait. Ce raisonnement conduit à écarter la qualification d’absence de service fait pour justifier les retenues opérées sur le traitement.
**II. Les limites de la responsabilité et l’évaluation de l’indemnisation**
**A. L’exclusion d’une faute concernant la saisine du comité médical**
L’agent invoquait également une faute résultant de l’absence de saisine du comité médical compétent par son employeur après la contre-visite. La cour écarte ce moyen en précisant qu’ « il lui incombait de saisir le comité médical compétent » s’il contestait l’expert. Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à l’administration de procéder à cette saisine en lieu et place de l’agent demandeur. La responsabilité de la contestation d’un avis d’aptitude médicale pèse donc prioritairement sur le fonctionnaire qui s’estime lésé. Par conséquent, l’inaction de l’autorité administrative sur ce point précis ne constitue pas un agissement illégal susceptible d’engager sa responsabilité.
**B. La réparation du préjudice moral résultant de la défiance administrative**
La cour observe que l’intéressé a subi la « défiance de son employeur qui a remis en cause la réalité de son état ». La privation de revenus pendant plus d’une année a engendré un trouble psychologique certain justifiant une réparation financière adéquate. Si le préjudice matériel est déjà couvert par l’annulation des titres de perception, la souffrance morale demeure un poste distinct. Les juges décident de porter l’indemnité à quatre mille euros afin de mieux traduire la gravité de l’atteinte subie. Cette décision souligne la protection nécessaire des agents contre des suspensions de traitement injustifiées durant des périodes d’incapacité médicale.