La cour administrative d’appel de Versailles a rendu une décision importante le 21 janvier 2025 concernant l’exécution des peines d’éloignement. Un ressortissant étranger a fait l’objet d’une interdiction du territoire français par une sentence du tribunal judiciaire de Meaux le 19 novembre 2021. L’autorité administrative a désigné son pays de nationalité comme destination de renvoi par un arrêté en date du 2 août 2023. L’intéressé a contesté cette mesure devant le tribunal administratif de Versailles qui a rejeté sa demande le 17 août 2023. Le requérant a alors saisi la juridiction d’appel pour obtenir l’annulation de ce jugement et de l’acte préfectoral initial. Le litige porte sur la validité d’une décision d’exécution alors que la condamnation pénale sous-jacente fait l’objet d’un appel. Les magistrats d’appel doivent déterminer si l’effet suspensif attaché au recours pénal paralyse légalement l’action de l’administration. La cour administrative d’appel de Versailles infirme la position du premier juge en retenant l’absence de caractère définitif de la peine.
I. Le rappel de l’effet suspensif attaché à l’appel en matière pénale
A. L’exigence du caractère exécutoire de la mesure d’interdiction
L’exercice du pouvoir de police administrative suppose l’existence préalable d’une décision de condamnation revêtue de la force exécutoire. La juridiction d’appel constate que l’interdiction du territoire « n’avait pas de caractère exécutoire » au jour de l’arrêté préfectoral. Cette analyse se fonde sur la production d’une attestation prouvant qu’un recours avait été régulièrement formé contre la sentence pénale. L’administration ne pouvait donc pas légalement se fonder sur ce jugement pour organiser le renvoi forcé du ressortissant étranger. L’absence de titre définitif prive la décision de désignation de son fondement juridique et vicie la procédure d’éloignement engagée.
B. L’influence de l’article 506 du code de procédure pénale sur l’acte administratif
Le juge administratif assure le respect des garanties fondamentales en appliquant les règles de procédure en vigueur devant le juge répressif. L’article 506 du code de procédure pénale dispose qu’il est « sursis à l’exécution du jugement » durant les délais d’appel. Cette règle d’ordre public suspend l’application de la peine d’interdiction du territoire dès lors qu’un recours est introduit. Les magistrats rappellent que cette suspension s’impose à l’autorité préfectorale quelle que soit l’urgence invoquée pour l’exécution de la mesure. Le lien étroit entre la sanction pénale et son exécution administrative impose une vérification rigoureuse du caractère définitif de la condamnation.
II. Les conséquences de l’absence de force de chose jugée sur l’éloignement
A. L’illégalité consécutive de la décision fixant le pays de renvoi
L’illégalité du fondement juridique de l’acte administratif entraîne nécessairement son annulation pour excès de pouvoir par le juge de l’administration. La cour administrative d’appel de Versailles affirme que la décision désignant le pays de retour est « entachée d’illégalité » et doit être annulée. Le défaut de base légale résulte directement du caractère non définitif du jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Meaux. Cette solution garantit la protection des droits du justiciable en empêchant la mise en œuvre de sanctions encore soumises à débat juridictionnel. La censure du jugement de première instance rétablit ainsi la légalité républicaine bafouée par une exécution prématurée de la peine.
B. La persistance de l’intérêt à agir malgré l’exécution matérielle du renvoi
L’accomplissement matériel de l’éloignement ne saurait priver le requérant de son droit à voir statuer sur la légalité de la décision. Les juges précisent que la contestation n’a pas perdu son objet malgré la « reconduite à la date du 22 septembre 2023 ». Cette persistance de l’intérêt à agir permet d’effacer les effets de l’acte illégal dans l’ordonnancement juridique de façon rétroactive. L’annulation prononcée offre au ressortissant étranger la possibilité de solliciter ultérieurement la réparation des préjudices nés de cette éviction irrégulière. La juridiction administrative confirme ici sa mission de contrôle souverain sur les actes de l’exécutif même après leur réalisation concrète.