La Cour administrative d’appel de Versailles, par un arrêt du 21 janvier 2025, statue sur la légalité du renouvellement de mesures de surveillance administrative. Le litige oppose un ressortissant condamné pour terrorisme à l’autorité ministérielle souhaitant prévenir tout risque de réitération d’actes violents sur le territoire. L’intéressé a fait l’objet de deux condamnations pénales pour association de malfaiteurs terroriste avant de subir des mesures individuelles de contrôle dès juin 2024. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le recours contre le renouvellement de ces mesures par un jugement rendu le 11 octobre 2024. Le requérant invoque son comportement irréprochable durant neuf années de détention ainsi que l’absence de dangerosité psychiatrique relevée par les médecins experts. La juridiction doit déterminer si le passé criminel et des soupçons de dissimulation justifient la prolongation d’une entrave à la liberté d’aller et venir. L’étude de la décision n° 24VE02733 révèle la persistance d’une menace d’une particulière gravité complétée par une adhésion manifeste à une idéologie radicale.
I. La caractérisation d’une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public
A. La prédominance des antécédents pénaux sur l’écoulement du temps
L’autorité administrative fonde sa décision sur la répétition d’infractions terroristes commises par l’intéressé entre les années 2006 et 2015 sur plusieurs territoires. La Cour relève que le requérant a subi deux condamnations pénales lourdes pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ». L’intéressé tente de neutraliser ce passé en invoquant l’ancienneté des faits criminels ayant justifié sa condamnation définitive par la cour d’assises en 2021. Les juges écartent cet argument en précisant que « cette ancienneté est cependant due, pour l’essentiel, à la longue période de détention de l’intéressé ». La durée de l’incarcération empêche mécaniquement la démonstration d’une neutralité comportementale durable en milieu libre depuis la commission des derniers crimes reprochés. Le passé terroriste demeure donc un élément structurel de l’appréciation du risque malgré le temps écoulé depuis les derniers actes matériels constatés.
B. La suspicion de dissimulation face aux signes extérieurs de réinsertion
Le comportement exemplaire en détention ne suffit pas à écarter la qualification de menace d’une particulière gravité selon l’analyse rigoureuse de la juridiction. Le requérant met pourtant en avant « l’absence de dangerosité criminologique et d’un risque de récidive avéré » soulignée par les magistrats de l’application des peines. La Cour oppose à ces éléments favorables les observations des équipes pluridisciplinaires ayant suspecté « la mise en œuvre par l’intéressé d’une stratégie de dissimulation ». L’absence de pathologie mentale n’exclut pas le maintien d’une volonté criminelle soigneusement masquée pour obtenir des aménagements de peine ou des remises conséquentes. Les juges exigent une « renonciation claire et non équivoque à son idéologie » qui semble faire défaut au regard des rapports des services spécialisés. Cette exigence probatoire renforce considérablement le pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration dans le contrôle des individus sortant de détention pour des faits terroristes. La menace constatée par l’autorité administrative s’accompagne d’un volet idéologique et relationnel justifiant la mise en œuvre des mesures de surveillance.
II. L’évaluation de l’adhésion persistante au projet terroriste
A. L’ancrage idéologique déterminé par les éléments matériels passés
Le renouvellement des mesures de surveillance impose de démontrer que l’intéressé adhère toujours à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme. La Cour administrative d’appel de Versailles s’appuie sur la découverte passée de « CD-Rom contenant des propos jihadistes et des prêches anti-occidentaux et antisémites ». La possession de fichiers audio et d’ouvrages issus de figures radicales du salafisme constitue une preuve matérielle d’un engagement intellectuel particulièrement profond. Le requérant conteste cette analyse en rappelant son implication dans un « programme sur le désengagement de la violence » durant les dernières années de sa détention. La juridiction estime toutefois que l’administration a pu légalement considérer que l’intéressé « avait soutenu et adhéré à des thèses faisant l’apologie » d’actes terroristes. La participation à des activités de soins ou de formation ne compense pas l’absence de remise en cause sincère des convictions radicales initiales. L’adhésion aux thèses radicales se double d’une inscription durable du requérant au sein de réseaux opérationnels incitant à la violence terroriste.
B. La réalité des relations habituelles avec des organisations terroristes
Le code de la sécurité intérieure subordonne également la mesure à l’existence de relations habituelles avec des personnes incitant à des actes de terrorisme. L’arrêt mentionne des liens établis par le passé avec une figure influente présentée comme l’émir d’une organisation terroriste étrangère opérant au Sahel. L’exploitation de la téléphonie a révélé des contacts avec des structures facilitant « l’acheminement des volontaires jihadistes » entre différents pays de la zone méditerranéenne. L’interpellation du requérant en Turquie en 2015, dans une ville frontalière de la Syrie, confirme matériellement la mise en œuvre de ces relations suspectes. La Cour considère que ces éléments anciens conservent leur pertinence pour justifier un contrôle administratif rigoureux dès la fin de la période d’incarcération. Le rejet final de la requête confirme ainsi la primauté de la sécurité publique sur les intérêts personnels de l’individu faisant l’objet du contrôle.