Par un arrêt rendu le 22 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Versailles se prononce sur la légalité d’un refus de titre de séjour. Un couple de ressortissants étrangers, entrés en France respectivement en 2014 et 2015, a sollicité la régularisation de sa situation administrative. Le préfet du Val-d’Oise a opposé deux arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français au mois de septembre 2023. Les requérants ont alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’une demande d’annulation de ces décisions qu’ils jugeaient illégales. Par un jugement du 14 mai 2024, les premiers juges ont rejeté les conclusions des intéressés après avoir prononcé la jonction des instances. Les administrés ont interjeté appel de cette décision en invoquant la durée de leur présence et l’intensité de leurs attaches familiales. Il convient de déterminer si une présence stable de près de dix années associée à une insertion professionnelle caractérisée justifie l’annulation du refus de séjour. La juridiction d’appel censure la position préfectorale en retenant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la situation personnelle des requérants.
I. L’objectivation d’une intégration durable par la preuve matérielle
A. La stabilité de la résidence et de l’activité professionnelle
L’arrêt souligne l’importance de la preuve documentaire pour établir la réalité d’une présence prolongée et continue sur le sol national. Le requérant « se prévaut par ailleurs de son insertion professionnelle, en qualité de mécanicien, depuis le 1er octobre 2014 ». Cette insertion est étayée par la production d’un contrat à durée indéterminée et de l’intégralité de ses fiches de paie. La cour relève également le respect des obligations citoyennes à travers la fourniture de l’ensemble des avis d’imposition depuis l’année 2015. Cette accumulation d’éléments matériels démontre une volonté constante de s’insérer durablement dans le tissu économique et social français. Le juge administratif s’appuie sur cette continuité pour qualifier le centre des intérêts privés des intéressés. La stabilité de l’emploi occupé pendant près d’une décennie constitue ici un facteur déterminant pour évaluer l’ancrage territorial du foyer.
B. L’ancrage familial renforcé par la scolarisation prolongée
Le centre des intérêts privés ne se limite pas à la sphère professionnelle mais englobe l’ensemble des liens familiaux développés. Les deux enfants du couple « ont été scolarisés en France dès 2015, sans discontinuité ni interruption » jusqu’à la date des décisions contestées. Cette scolarisation s’étend de la moyenne section de maternelle jusqu’à la classe de seconde pour l’enfant le plus âgé. La cour administrative d’appel de Versailles attache une valeur particulière à cette durée qui couvre l’essentiel de la vie des mineurs. La présence d’une sœur en situation régulière sur le territoire français complète le faisceau d’indices relatif aux attaches familiales. Ces éléments convergent pour établir que la famille a durablement déplacé son centre de vie hors de son pays d’origine. La reconnaissance de cet ancrage profond permet d’apprécier la proportionnalité de la mesure de police administrative.
II. La qualification de l’erreur manifeste d’appréciation préfectorale
A. Le contrôle restreint du juge sur les conséquences du refus de séjour
L’autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour évaluer si la situation d’un étranger justifie la délivrance d’un titre de séjour. Le juge exerce toutefois un contrôle restreint afin de sanctionner une erreur manifeste dans l’exercice de cette prérogative régalienne. En l’espèce, la juridiction estime que le préfet a « entaché les arrêtés contestés d’une erreur manifeste d’appréciation quant à leurs conséquences ». Le refus de séjour aurait eu des effets disproportionnés sur la vie privée des intéressés compte tenu de leur parcours. Cette qualification juridique suppose que l’administration a commis une erreur de jugement évidente au regard des faits qui lui étaient soumis. La solution retenue par la cour administrative d’appel de Versailles illustre la protection effective du droit au séjour des étrangers intégrés. Le juge ne se substitue pas à l’administration mais il redresse une décision dont la sévérité dépasse les nécessités de l’ordre public.
B. L’étendue des mesures d’injonction découlant de l’annulation
L’annulation d’un acte administratif impose à la juridiction d’ordonner les mesures nécessaires pour rétablir la légalité de la situation individuelle. La cour considère que sa décision « implique nécessairement » d’enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen du dossier des requérants. Elle prescrit également la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour assortie d’une autorisation de travail dans un délai de trois mois. Cette mesure d’injonction garantit que l’annulation ne reste pas purement théorique pour les bénéficiaires de l’arrêt de la cour. L’administration se voit ainsi contrainte de tenir compte de l’autorité de chose jugée pour ses futures décisions individuelles. Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est intégralement infirmé en raison de l’erreur d’appréciation initialement commise par l’autorité préfectorale. La protection des droits individuels l’emporte sur la rigueur du contrôle migratoire lorsque l’intégration est manifestement acquise.