La cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 26 juin 2025, une décision relative à la légalité d’une mesure d’éloignement. Un ressortissant étranger contestait son obligation de quitter le territoire français ainsi que la fixation de son pays d’origine comme destination. Ce requérant invoquait notamment les risques d’excision encourus par sa fille mineure en cas de retour forcé vers la Côte d’Ivoire.
Le tribunal administratif de Versailles avait initialement rejeté sa demande d’annulation par un jugement en date du 18 novembre 2024. L’intéressé a donc interjeté appel en soutenant que les décisions portaient atteinte à son droit au respect de sa vie privée. Il invoquait également l’intérêt supérieur de ses enfants et les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La juridiction d’appel devait déterminer si le risque de traitements inhumains peut vicier une obligation de quitter le territoire indépendamment du pays de renvoi. Elle devait également préciser les conditions de preuve nécessaires pour établir la réalité d’un danger lié à des mutilations génitales féminines. La cour a rejeté la requête en soulignant que la mesure d’éloignement n’impose pas par elle-même le retour dans le pays d’origine.
L’étude de cette décision s’articulera autour de l’indépendance juridique de l’obligation de quitter le territoire (I) avant d’analyser l’appréciation souveraine du risque (II).
I. L’indépendance juridique de la mesure d’éloignement
La cour administrative d’appel rappelle la distinction fondamentale entre l’obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination. Cette séparation procédurale limite les moyens invocables contre la première décision administrative.
A. L’inopérance des risques liés au pays de renvoi
Les juges considèrent que le moyen tiré des risques de traitements inhumains est inopérant à l’encontre de la seule obligation de quitter le territoire. Cette mesure « n’implique pas en elle-même le retour du requérant et de sa famille dans leur pays d’origine ». La légalité de l’éloignement s’apprécie ainsi indépendamment des dangers spécifiques existant dans une zone géographique précise. Cette solution classique préserve la validité de l’acte administratif même si le renvoi vers un État déterminé s’avère juridiquement impossible.
La juridiction se penche ensuite sur la situation personnelle de la cellule familiale pour valider la proportionnalité de l’ingérence administrative.
B. La préservation de l’unité de la cellule familiale
La cour estime que la reconstitution de la famille en dehors de la France est possible car les parents sont en situation irrégulière. Elle relève que les intéressés « ne sont pas dépourvus d’attaches dans leur pays d’origine où réside toute leur famille ». Le jeune âge des enfants scolarisés ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à l’intérêt supérieur protégé par les conventions internationales. L’administration peut légalement exiger le départ d’une famille dont l’insertion sur le territoire national demeure récente et fragile.
Une fois la mesure d’éloignement validée, le juge doit examiner la réalité des menaces invoquées contre la décision de destination.
II. L’appréciation rigoureuse de la réalité du risque
Le contrôle juridictionnel de la décision fixant le pays de renvoi repose sur une analyse concrète et circonstanciée des dangers allégués. La preuve de risques réels de traitements dégradants incombe alors principalement au requérant.
A. L’exigence de preuves probantes et individuelles
Malgré la production de certificats médicaux attestant de mutilations subies par d’autres membres de la famille, le risque actuel n’est pas établi. La cour note que le requérant « n’apporte pas plus d’élément probant permettant d’établir qu’ils seraient dans l’impossibilité de protéger leur fille ». Les menaces invoquées par messages n’ont pas été produites au dossier, rendant le récit insuffisamment circonstancié pour emporter la conviction. Le juge administratif exige ainsi des éléments factuels précis pour renverser la présomption de légalité de l’acte préfectoral.
L’existence de garanties légales dans le pays de destination constitue un obstacle supplémentaire à la reconnaissance d’un risque de traitement inhumain.
B. L’effectivité de la protection par les autorités nationales
La décision souligne que le nouveau code pénal ivoirien « prohibe expressément les mutilations génitales féminines » depuis l’adoption d’une loi en juin 2019. L’absence de preuve d’une impossibilité de recourir aux autorités locales conduit le juge à écarter le moyen tiré de l’article 3. Cette approche suppose que la protection étatique est a priori suffisante dès lors que la législation nationale condamne fermement les pratiques coutumières. La cour confirme ainsi la primauté de la protection interne face à des menaces émanant de la sphère privée ou familiale.