Cour d’appel administrative de Versailles, le 26 mai 2025, n°23VE00599

Par un arrêt en date du 26 mai 2025, la cour administrative d’appel s’est prononcée sur la régularité d’une procédure de rectification fiscale. En l’espèce, une contribuable a fait l’objet d’un examen de sa situation fiscale personnelle, à l’issue duquel l’administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales. La contribuable a contesté ces impositions en soutenant que la proposition de rectification ne lui était pas parvenue, celle-ci ayant été expédiée à une ancienne adresse alors qu’elle avait notifié son déménagement à l’étranger. Elle ajoutait que la signature figurant sur l’avis de réception du pli recommandé n’était pas la sienne. Le tribunal administratif d’Orléans, dans un jugement du 27 janvier 2023, a rejeté sa demande. La contribuable a alors interjeté appel de cette décision, reprenant les mêmes moyens tirés de l’irrégularité de la notification. Elle demandait ainsi à la cour d’annuler le jugement de première instance et de prononcer la décharge des impositions litigieuses. Se posait alors la question de savoir si une proposition de rectification est régulièrement notifiée lorsqu’elle est envoyée à l’adresse spécialement désignée par la contribuable pour le suivi de la procédure, nonobstant un changement de domicile signalé par ailleurs, et si la simple allégation que la signature sur l’avis de réception n’est pas la sienne suffit à vicier la procédure. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, estimant que la notification était régulière dès lors que l’adresse utilisée était celle choisie par la contribuable pour la procédure et que cette dernière ne rapportait pas la preuve que le signataire de l’avis de réception n’avait pas qualité pour recevoir le pli.

La solution retenue par la cour s’articule autour d’une conception rigoureuse du lieu de la notification, fondée sur la volonté exprimée par la contribuable (I), et d’une application stricte des règles de preuve pesant sur celle-ci lorsqu’elle conteste la validité de la remise du pli (II).

I. La régularité de la notification à l’adresse élue par la contribuable

La cour administrative d’appel confirme que le choix d’une adresse par la contribuable pour les besoins d’une procédure de contrôle fiscal emporte des conséquences juridiques précises. Cette élection de domicile prime sur le domicile réel (A) et la preuve de la réception effective du pli à cette adresse achève de régulariser la procédure (B).

A. La primauté de l’adresse désignée pour le contrôle

Le juge rappelle que l’administration est en principe tenue de notifier ses actes à la dernière adresse communiquée par le contribuable. Cependant, cette règle générale connaît un tempérament lorsque, dans le cadre d’une procédure spécifique, une adresse distincte est expressément désignée. En l’espèce, il résultait des comptes rendus d’entretiens que la requérante avait « demandé recevoir les courriers ayant trait au contrôle » à une adresse située à Romorantin-Lanthenay. Cette manifestation de volonté non équivoque a pour effet de créer une domiciliation procédurale qui s’impose tant à l’administration qu’à la contribuable.

La cour considère donc que l’envoi de la proposition de rectification à cette adresse était parfaitement régulier. Le fait que la contribuable ait, par ailleurs, signalé un changement de domicile en Belgique à un autre service fiscal est jugé inopérant dans le contexte de la procédure de contrôle. Cette solution garantit la sécurité juridique des échanges en centralisant les notifications à un lieu unique et certain, choisi par la personne contrôlée elle-même. La validité du lieu d’envoi étant ainsi établie, la cour s’attache ensuite à vérifier la réalité de la réception.

B. La portée de la réception effective du pli

La jurisprudence admet de longue date qu’une éventuelle irrégularité affectant l’adresse d’envoi d’un acte est couverte si ce dernier est effectivement parvenu à son destinataire. Dans cette affaire, la cour administrative d’appel applique ce principe de manière pragmatique. Elle constate que « l’avis de réception de la proposition de rectification du 23 mai 2019, présenté le 24 mai à son adresse de Romorantin-Lanthenay, a été signé et retourné au service ». De ce fait matériel, le juge déduit que « le pli lui est donc effectivement parvenu ».

Cette conséquence juridique est déterminante, car elle rend sans objet le débat sur le changement de domicile de la contribuable. Peu importe qu’elle ait déménagé en Belgique et tenté d’en informer l’administration ; dès lors que le courrier a été reçu et signé à l’adresse procédurale désignée, la garantie d’information du contribuable est réputée satisfaite. La régularité de la procédure est ainsi consolidée par la preuve matérielle de la remise du pli. La requérante ne pouvait donc plus contester la validité de la notification qu’en remettant en cause la signature apposée sur l’avis de réception.

La cour ayant validé le principe de la notification à l’adresse désignée, il lui restait à examiner le moyen relatif à la validité de la signature, ce qui l’a conduite à rappeler avec fermeté les obligations probatoires qui incombent au contribuable.

II. Le rejet de la contestation fondée sur la signature de l’avis de réception

Face à l’argument de la requérante contestant l’authenticité de la signature, la cour réaffirme une solution classique mais exigeante en matière de charge de la preuve. Elle juge qu’une simple dénégation de signature est insuffisante pour caractériser une irrégularité (A), une position renforcée en l’espèce par la cohérence factuelle des signatures tout au long de la procédure (B).

A. L’insuffisance de la simple dénégation de signature

Le juge rappelle la règle selon laquelle il appartient au contribuable qui soutient que le signataire de l’avis de réception n’avait pas qualité pour recevoir le pli d’en rapporter la preuve. La cour sanctionne ici l’absence de toute démarche probatoire de la part de la requérante. Celle-ci s’est en effet bornée « à soutenir que la signature portée sur l’accusé de réception n’est pas la sienne, sans apporter aucune précision sur l’identité de ce tiers ».

Cette exigence de preuve est stricte : le contribuable ne peut se contenter d’une simple affirmation. Il doit étayer ses dires, par exemple en identifiant les personnes qui auraient été habilitées à recevoir le courrier pour lui ou en fournissant des éléments concrets permettant d’écarter la compétence du signataire effectif. En l’absence de tels éléments, la présomption de régularité de la notification qui s’attache à un avis de réception signé n’est pas renversée. La position de la cour vise à prévenir les contestations purement dilatoires et à assurer l’efficacité des procédures de notification.

B. La force probante de la cohérence des signatures

Au-delà de l’application de ce principe juridique, la cour administrative d’appel assoit sa décision sur un constat factuel particulièrement solide. Elle relève en effet que « la même signature figure sur plusieurs accusés de réception qui lui ont été adressés tout au long de la procédure et qu’elle a reçus ». Elle cite notamment la notification fixant la date du premier entretien ou encore celle d’une précédente proposition de rectification à laquelle la contribuable avait effectivement répondu.

Cet élément matériel vient anéantir la crédibilité de l’argumentation de la requérante. Il démontre que celle-ci a, à plusieurs reprises, parfaitement reçu des plis recommandés portant une signature identique à celle qu’elle conteste désormais. La cour tire de cette cohérence la conviction que la signature litigieuse, qu’elle soit celle de la contribuable ou celle d’un tiers habilité de fait, a bien permis la remise effective des courriers. Cette approche factuelle confère à la décision une portée concrète et la rend difficilement critiquable, illustrant comment la constance du comportement d’un contribuable peut être retenue contre lui.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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