Cour d’appel administrative de Versailles, le 27 mai 2025, n°24VE02023

La cour administrative d’appel de Versailles s’est prononcée, le 27 mai 2025, sur les conséquences indemnitaires du suicide d’un prévenu en milieu carcéral. Un individu mis en examen pour assassinat s’est donné la mort dans sa cellule de la maison d’arrêt en août 2019. Les proches de la victime de l’infraction initiale ont recherché la responsabilité de l’administration pour obtenir réparation de divers préjudices. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande initiale par un jugement rendu le 12 juin 2020. La juridiction d’appel a ensuite accordé une indemnisation partielle avant que le Conseil d’État n’annule cet arrêt le 12 juillet 2024. Les juges de renvoi devaient déterminer si l’impossibilité d’un procès pénal constituait un préjudice personnel pour les ayants droit de la victime. La cour rejette les prétentions en distinguant les fonctions de la justice pénale du droit à la réparation civile.

I. L’absence de préjudice réparable tiré de l’extinction de l’action publique

A. La prééminence de l’intérêt général dans l’exercice des poursuites

La cour rappelle que l’action publique appartient aux seules autorités publiques agissant au nom et pour le compte de la société tout entière. Si le procès répond aux attentes des victimes, il vise d’abord à assurer le rétablissement de la paix sociale par la sanction. L’extinction de cette action par le décès, prévue à l’article 6 du code de procédure pénale, fait obstacle à cette finalité répressive.

B. L’inexistence d’un droit subjectif à la tenue d’un procès criminel

La juridiction affirme que « la victime, qui n’est de ce fait privée d’aucun droit propre, ne peut soutenir » que ce fait lui nuit. Cette solution souligne que l’indemnisation ne saurait compenser la disparition d’une procédure dont l’issue demeure, par sa nature même, incertaine. Les requérants ne justifiaient donc d’aucun intérêt lésé par le manquement allégué de l’administration pénitentiaire à ses obligations de vigilance renforcée.

II. Le maintien du droit à réparation devant les juridictions civiles

A. L’autonomie de l’action civile malgré le décès du prévenu

Le droit à réparation du dommage causé par l’infraction survit au décès de l’auteur présumé et s’exerce devant les juridictions de l’ordre judiciaire. Les victimes conservent la possibilité d’assigner les héritiers pour obtenir le versement de sommes à titre compensatoire selon le droit commun. La cour considère que cette voie procédurale suffit à garantir le respect des intérêts économiques et financiers des parties lésées.

B. L’exclusion du lien de causalité pour les frais de procédure

L’engagement de frais de représentation devant les juges civils n’est pas « en lien direct avec le préjudice » résultant du suicide du détenu. La complexité de la procédure, désormais séparée de l’action publique, ne constitue pas une souffrance morale ouvrant droit à une indemnisation. L’administration se voit ainsi déchargée de toute responsabilité concernant les conséquences procédurales indirectes de la défaillance de son service public pénitentiaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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