La cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 3 avril 2025, une décision précisant l’étendue des garanties procédurales dues au contribuable. Un administré exerçant une activité de vente en ligne a fait l’objet de rectifications fiscales après la découverte d’un établissement stable occulte. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a d’abord déchargé le requérant des impositions supplémentaires au motif d’une irrégularité affectant la procédure de redressement. Le ministre de l’Économie a alors interjeté appel afin de contester le bénéfice des garanties de la charte lors d’un simple contrôle sur pièces. Le litige invite à s’interroger sur l’invocabilité du recours hiérarchique pour les procédures d’imposition ne constituant pas des vérifications de comptabilité au sens strict. La cour censure le jugement de première instance en relevant d’office l’inopérance du moyen tiré de la méconnaissance des droits du contribuable vérifié. Les magistrats d’appel rejettent ensuite les prétentions du contribuable en confirmant le bien-fondé des rappels d’impôts fondés sur des revenus réputés distribués.
I. L’inapplicabilité des garanties de la vérification approfondie au contrôle sur pièces
A. L’inopérance du moyen tiré de la méconnaissance de la charte du contribuable
La cour rappelle que les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont opposables à l’administration fiscale. Cette opposabilité demeure toutefois strictement cantonnée aux procédures de vérification de comptabilité et d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des administrés. Les juges soulignent que la garantie tenant à la saisine du supérieur hiérarchique « ne peut être invoquée que dans le cadre d’un litige consécutif » à ces procédures. Or, l’imposition en litige résultait en l’espèce d’un simple contrôle sur pièces du dossier fiscal mené par le service vérificateur compétent. Le tribunal administratif ne pouvait donc pas valablement fonder sa décision de décharge sur la méconnaissance d’une garantie substantielle totalement étrangère à la procédure suivie.
B. L’absence de désaccord persistant interdisant le recours aux garanties hiérarchiques
Le droit de solliciter l’interlocuteur départemental suppose l’existence de « divergences importantes » subsistant entre le vérificateur et le contribuable à l’issue de leurs échanges. En l’espèce, le requérant s’est abstenu de présenter des observations à la proposition de rectification relative à l’année faisant l’objet du litige. La cour considère que ce silence vaut acceptation tacite des rectifications, empêchant ainsi la naissance d’un désaccord technique avec le service des impôts. Faute de contestation initiale dans le délai imparti, la garantie offerte par la charte « ne pouvait trouver à s’appliquer » faute d’objet pour le contribuable. L’administration n’était donc pas tenue de donner suite à une demande de saisine de la commission départementale formulée tardivement par le contribuable.
II. La validation du bien-fondé des impositions et de la méthode de reconstitution
A. La qualification régulière des bénéfices comme revenus distribués
L’administration peut procéder à une substitution de base légale devant le juge afin de justifier le bien-fondé d’une imposition initialement mal qualifiée. La cour valide l’application de l’article 109 du code général des impôts concernant les bénéfices d’une société étrangère exerçant une activité occulte. Ces sommes, n’ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital social, « pouvaient être regardées comme distribuées » au bénéficiaire économique effectif. Les magistrats précisent que l’imputation de bénéfices à un établissement stable en France peut révéler l’existence de revenus distribués au sens de la loi. Cette qualification juridique permet d’imposer les sommes entre les mains du dirigeant dès lors que l’activité n’était pas retracée dans une comptabilité régulière.
B. L’échec de la preuve du caractère exagéré de la méthode de reconstitution
Le contribuable qui a tacitement accepté les rectifications supporte la charge de prouver le caractère exagéré des impositions dont il sollicite la décharge. La cour observe que l’administration a dû reconstituer les recettes en s’appuyant sur les données d’un intermédiaire financier faute de comptabilité probante. L’intéressé s’est borné à soutenir que la méthode était viciée sans proposer d’évaluation alternative ou d’éléments de preuve de nature à la contredire. Les juges estiment que le requérant « ne conteste pas utilement la méthode retenue » en invoquant seulement des critiques générales sur les taux de charges. Le ministre est par conséquent fondé à demander le rétablissement des impositions initiales et l’annulation du jugement de première instance en sa partie contestée.