La cour administrative d’appel de Versailles a rendu une décision le 4 mars 2025 relative au licenciement disciplinaire d’un salarié bénéficiant d’une protection fonctionnelle. Un employé occupant des fonctions de responsable formation et exerçant des mandats représentatifs a fait l’objet d’une plainte pour des propos insultants. À la suite d’un signalement du secrétaire du comité social et économique, une enquête interne a été diligentée conjointement avec la direction de l’entreprise. L’inspecteur du travail a d’abord refusé l’autorisation de licenciement avant que la ministre compétente ne l’accorde sur recours hiérarchique de l’employeur. Le tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa demande d’annulation, le requérant a saisi la juridiction d’appel pour contester la régularité de la procédure. Il convient de se demander si une enquête menée avec les représentants du personnel respecte les dispositions du code du travail et interrompt la prescription. La juridiction administrative confirme la régularité des opérations tout en précisant les conditions de déclenchement du délai de deux mois pour agir. L’étude portera sur la régularité de la phase d’instruction préalable avant d’analyser le contrôle exercé sur la prescription de l’action disciplinaire.
I. La régularité de la phase d’instruction préalable au licenciement
A. La validité de l’enquête conjointe du comité social et économique
L’article L. 2312-59 du code du travail impose à l’employeur de procéder sans délai à une enquête en cas d’atteinte aux droits des personnes. Le requérant soutenait que l’initiative de l’instance représentative pour diligenter les investigations rendait la procédure irrégulière faute de direction exclusive par l’employeur. Les juges considèrent que cette circonstance « n’est pas de nature à faire regarder la procédure suivie comme irrégulière » dès lors qu’aucune garantie n’est méconnue. L’étroite collaboration entre la direction des ressources humaines et le comité social et économique assure au contraire une instruction contradictoire des faits reprochés. La décision souligne que l’employeur était favorable à cette modalité d’action même si le texte législatif mentionne prioritairement sa propre diligence opérationnelle.
B. L’effectivité des garanties procédurales accordées au salarié protégé
Le salarié critiquait son exclusion des réunions préparatoires définissant le cadre de l’enquête au titre d’une atteinte à ses fonctions représentatives. La cour écarte ce grief en relevant que l’intéressé a pu s’exprimer lors de la séance finale de consultation portant sur son licenciement. Elle affirme que le comité d’entreprise doit être « mis à même d’émettre son avis en toute connaissance de cause » sans que la procédure soit faussée. Le principe de l’anonymat des témoignages recueillis durant l’instruction ne constitue pas davantage un vice de procédure affectant la légalité de la décision ministérielle. L’application des règles du procès équitable est jugée inopérante car la phase administrative de licenciement « ne revêt pas un caractère juridictionnel » au sens conventionnel.
II. Le contrôle de la prescription de l’action disciplinaire
A. Le report du délai pour une connaissance exacte des griefs
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites au-delà d’un délai de deux mois. Le point de départ de ce délai est fixé au jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité des faits. En l’espèce, les premières auditions sommaires réalisées en juillet ne permettaient pas d’apprécier précisément l’ampleur des propos homophobes reprochés au responsable régional. La cour administrative d’appel valide le report du délai de prescription en raison de la nécessité de diligenter des investigations complémentaires approfondies en octobre. Ces recherches étaient indispensables pour obtenir une « connaissance précise de la réalité, de la nature et de l’ampleur » des agissements fautifs imputés au requérant.
B. La portée de l’instruction approfondie sur la recevabilité des poursuites
L’enquête menée auprès de vingt-quatre salariés constitue le véritable point de départ des poursuites disciplinaires en raison de sa complétude par rapport aux investigations initiales. La jurisprudence administrative exige que les mesures d’instruction soient « nécessaires à la connaissance exacte de la réalité » pour justifier l’interruption du délai légal de forclusion. Le juge administratif exerce ici un contrôle entier sur l’utilité des diligences patronales afin d’éviter tout détournement de la règle de prescription. En validant la décision ministérielle, la juridiction confirme que la matérialité des faits était suffisamment établie pour fonder l’autorisation de rompre le contrat. Ce refus d’annuler le licenciement consacre la protection de la santé mentale des autres membres de l’entreprise face à des comportements insultants.